jeudi 13 octobre 2016

Confidences pour confidences



Je suis Macron et je défends Hollande, chaque fois qu'il est attaqué, parce que je ne trouve pas qu'il en fait trop, mais au contraire pas assez. Depuis hier, je suis servi : la batterie de casseroles s'est mise en branle, mais elle résonne dans le vide, et voici pourquoi :

Le président de la République est suivi depuis longtemps par deux journalistes du Monde, chargés de recueillir très librement ses humeurs et ses confidences. C'est inédit pour un chef d'Etat en France. On peut ne pas aimer le genre, mais on ne va tout de même pas le lui reprocher, dans une société où tout le monde étale sa vie privée et ses sentiments intimes sur Facebook et autres réseaux "sociaux" ! De ce point de vue, François Hollande est fidèle à sa ligne de candidat normal, de monsieur Tout-le-Monde.

De sa part, c'est une stratégie, qu'encore une fois on peut ne pas aimer, mais qui a sa cohérence : coller au plus près de l'opinion, désormais avide de ce type de confession. Hollande nous fait une sorte de reality show sur papier, dans une société qui réclame à corps et à cri de la transparence. De même, d'inaugurations en hommages, le président a adopté depuis le premier attentat terroriste une stratégie de la compassion, qui exalte les victimes, là aussi en phase avec la sensibilité de notre époque.

Y a-t-il quelque chose de répréhensible dans cet ouvrage de confidences ? Je n'ai pas encore lu, mais les extraits ont été abondamment diffusés. Franchement, je n'y vois à redire. Nous vivons dans un monde qu'un rien "choque" et qui se plait à inventer des riens "choquants". Avec les confidences de Hollande, nous sommes dans ce registre. 600 pages et quelques phrases qui dissonent, mais qui prouvent quoi ? Rien, absolument rien. Le chef de l'Etat parle de ses amis, de ses amours, de ses emmerdes, de l'opposition, de l'islam, des footballeurs, de tout et n'importe quoi. Mais quelles leçons politiques en tirer ? Aucune, et l'objectif n'est pas là. Nous sommes dans la subjectivité d'un homme qui fait part de ses réactions spontanées. C'est une façon d'humaniser la fonction, même si ce n'est pas la panacée. En tout cas, pas de quoi fouetter un chat ni de crucifier Hollande.

J'entends parler, depuis hier, d'une "erreur de communication". Non, s'il y a un socialiste très au fait des médias, qui n'a jamais méprisé les journalistes, c'est bien François Hollande (tous les hommes publics ne sont pas dans cet état d'esprit). Ce n'est donc pas d'une erreur de communication dont il s'agit, mais d'un choix de communication, délibéré, réfléchi et ancien. Qu'on approuve ou non cette sorte de politique people, c'est autre chose. Dans L'Obs, Hollande se livre à un exercice plus classique de défense de son bilan. La conjonction fortuite des deux, livre et entretien, est plutôt heureuse, puisque les deux approches se complètent, là où beaucoup de commentateurs, plus ou moins bien intentionnés, y voient une contradiction.

La meute est lancée contre Hollande. Tout socialiste qui la rejoindrait, croyant ainsi s'en sortir à bons comptes, ne ferait que creuser sa propre tombe avec les dents. Au moment du choix, les électeurs ne feront pas dans le détail, ni le tri entre les bons et les mauvais socialistes. Tous ceux qui espèrent conserver leur poste, leur place, leur mandat, leur circonscription ne gagneront rien à se dissocier de François Hollande et de son bilan. Si une vague doit balayer le pouvoir, ils seront emportés eux aussi. Autant mourir debout, si le ciel nous tombe sur la tête. Mais, heureusement, rien n'est joué.

Dans le débat présidentiel qui nous attend, qui a déjà commencé, une seule chose importe, pour les uns et les autres : la parole officielle et surtout les actes. Le sérieux et l'honnêteté exigent de s'en tenir à ce principe. Qu'Hollande tienne des propos amers sur la magistrature, en des termes rudes, que l'immigration lui inspire une réaction discutable, tout cela est l'écume des choses. Ce qui vaut, c'est que François Hollande, durant son quinquennat, a renforcé l'indépendance de la justice et n'a cédé à aucune tentation xénophobe. La vérité à retenir, c'est celle-là.

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Hollande, le président le plus honni de la Vè, essaie désespérément de changer son image de marque grâce à des journalistes , profession qu'en effet il affectionne. Mais rien n'y fait. Les qualités que vous lui trouvez n'y pourront rien. Vous avez raison : quels qu'ils soient fidèles, frondeurs ou pas, tous les socialistes vont payer le prix fort d'une déception généralisée. Les Français attendent bien d'autres choses de leur président qu'un président "normal".

U a dit…

Toujours ce verbe "aimer".
En politique, il n'y a pas lieu d'aimer.
Il y a lieu d'être efficace pour la majorité des gens en en lésant ou égratignant le moins possible.

De ce livre là comme de tous ceux de cet acabit, on n'en a rien à f...
On espérait du Président d'être efficace et juste.

Sur le plan intérieur, ce n'est pas lui qui est à juger, c'est le 1er ministre soit tour à tour JMA puis MV et ce n'est pas très jojo.

Sur le plan extérieur, il est responsable à coup sûr et à tous coups.
Il n'a pas été mauvais sur l'affaire malienne, il n'a pas été bon sur l'affaire syrienne et pas meilleur et même franchement mauvais (parce que c'est aux fruits qu'on reconnaît la valeur de l'arbre) pour l'Ukraine et la Crimée.

Quand même, on ne parle plus de la Crimée mais ce qui s'est passé là est une arête aussi bien pour la gorge de Hollande que pour celles d'Obama ou de Merkel voire d'autres chefs de grandes puissances.

Et qui est-ce qui toussera ?

Philippe a dit…

Oui mais :
http://actu.orange.fr/societe/insolite/le-comite-de-la-connerie-dans-le-monde-a-la-fete-dans-le-var-lepoint-CNT000000v86aQ.html

Emmanuel Mousset a dit…

1- Hollande le normal s'est quand même fait élire président, non ?

2- Laissez-moi aimer, comme je vous laisse détester.

Anonyme a dit…

Je me fous, fous de vous, Hollande
Vous m'aimez, mais pas moi.
Moi, je vous voulais mais
CONFIDENCE POUR CONFIDENCE,
C'est moi que j'aime à travers vous, moi Emmanuel Mousset.

Emmanuel Mousset a dit…

Amusant, mais excessif.

Philippe a dit…


Ces fous qui nous gouvernent ici

http://www.scienceshumaines.com/ces-fous-qui-nous-gouvernent-comment-la-psychologie-permet-de-comprendre-les-hommes-politiques_fr_15615.html

Le profil de Hollande doit être marrant surtout accompagné d'une photo en scooter, Bruegel lui aurait mis un entonnoir sur la tête !
« »Aujourd’hui encore, la CIA établit les profils des grands leaders mondiaux : en connaissant ses amis et ses ennemis, on peut les manipuler et éviter les impairs. »
Oui mais … ils fournissent leur rapport à leur fou à eux … qui interprète le rapport en fonction de sa folie ou de ses addictions Obama le drogué, Bush l'alcoolo etc., Poutine musclor … Merkel la nudiste , je regrette Berlusconi ...

Emmanuel Mousset a dit…

Ne croyez pas trop en la psychologie.

Philippe a dit…

La psychologie n'est pas que "croyances".
Il y a des coins scientifiques.
Anonyme Anonyme a dit...

Je me fous, fous de vous, Hollande
Vous m'aimez, mais pas moi.
Moi, je vous voulais mais
CONFIDENCE POUR CONFIDENCE,
C'est moi que j'aime à travers vous, moi Emmanuel Mousset.
La politique idem son "coin" "géopolitique" est quasi scientifique.

Anonyme a dit…

Face à un agité comme Sarkozy un président "normal" n'a pas eu beaucoup de mal à se faire élire. L'anti-sarkozysme a payé mais c'est un fusil à un seul coup. Et encore, la campagne de 2012 eût duré 3 semaines de plus Sarkozy remontait son handicap. L'exercice de sa mandature montre qu'il ne suffit pas d'être un président normal pour recueillir un consentement populaire surtout quand on fait la même politique que la droite.

Emmanuel Mousset a dit…

Ca n'existe pas, un candidat qui "n'a pas eu beaucoup de mal à se faire élire". C'est une affirmation a posteriori.

Philippe a dit…

"Ca n'existe pas, un candidat qui "n'a pas eu beaucoup de mal à se faire élire". C'est une affirmation a posteriori."
L'élection par défaut de candidats réellement éligibles est de plus en plus d'actualité, pas seulement en France.
Les dernières primaires socialistes de 2012 suite à l'emprisonnement surprise de DSK ont été quand même faciles pour celui qui pantouflait au secrétariat dans la mesure où l’adversaire principal, pourtant né avec une cuillère en or dans la bouche, présentait une addiction très répandue qui induit un comportement assez fantasque, inconstant et velléitaire.
Ceci dit Hollande, pour moi, est un brave et honnête homme, un homme ordinaire comme nous, qui commence à se déstabiliser/briser mentalement devant la pression de la charge. Le besoin de se confier à des tiers qu’il choisit (très mal … mais il n’a plus maman) démontre une grande difficulté à vivre l’isolement et la violence du pouvoir à ce niveau, ce qu’il n’avait jamais connu ou imaginé.
J’espère qu’il va avoir la sagesse pour sa sauvegarde perso de laisser tomber.
Il m'est de plus en plus sympathique comme humain trop humain.

Anonyme a dit…

Vous méconnaissez la force de l'anti-sarkozysme qui a bien aidé Hollande à se faire élire par rejet de l'autre. Comme beaucoup d'amis et de connaissances j'ai procédé ainsi en avril et mai 2012 par hostilité envers non seulement sa politique mais aussi son personnage d'agité et anxiogène. Il n'aurait pas eu en face de lui un tel personnage que son élection eût été plus difficile.
Je n'ai jamais eu beaucoup d'illusions sur le petit apparatchik timoré qu'est Hollande. Il ne sait pas, mais le saura-t-il un jour, qu'on ne gouverne pas la France comme le parti socialiste. Il fait l'expérience, à ses dépens, que les Français ne veulent pas se contenter d'un président "normal".
Je savais qu'Hollande et son parti feraient la même politique que la droite.

Erwan Blesbois a dit…

Je suis un bon psychologue alors avec un "coin" scientifique. En bon petit bourgeois je ne peux résister à la flatterie et au désir de reconnaissance, donc oui "Anonyme Anonyme" et les paroles dans le texte de la chanson "confidence pour confidence", c'est moi : est-ce que cela correspond tout à fait au caractère d'Emmanuel Mousset ou au mien ? Non, et plutôt moins que d'autres pour Emmanuel, cela correspond exactement à tout le monde, et un peu plus à ceux qui ont un ego très prononcé.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne comprends pas très bien ce débat récurrent, ces dernières années, autour de l'ego. D'abord, tout le monde en a un. Et ceux qui s'en chagrinent ne sont que des jaloux et des falots.

H a dit…

"humain trop humain"
Qu'est-ce qu'il nous arrive de lire parfois...
Comment concevoir qu'un humain puisse être trop humain ?
Un humain est un humain, point.
C'est que le concept "humain" est tellement vaste, allant de l'alpha jusqu'à l'oméga du premier homme inclus au dernier homme lui aussi inclus !
M. Hollande n'est ni plus ni moins humain que vous ou moi.
Avec de tels propos, "humain trop humain" on est bien loin de la politique.

Emmanuel Mousset a dit…

L'expression est de Nietzsche, qui rêvait d'un "surhomme", dépassant les faiblesses humaines : un humain qui ne se contente pas d'être humain, mais qui cherche à construire quelque chose qui le dépasse.

Erwan Blesbois a dit…

L'ego est une maladie occidentale du caractère que les bouddhistes ont essayé de soigner avec plus ou moins de succès. L'ego c'est la cause du mal, et quand pour des raisons pathologiques il en arrive à s'affirmer dans la négation d'autrui et son anéantissement, alors cela donne le totalitarisme. Tout est affaire de dosage et de mesure et de bonne politique ou de bonne religion. Le meilleur antidote à l'ego c'est la compassion généralisée, donc le bouddhisme en premier, le catholicisme aussi, l'islam je connais moins, et il n'a pas bonne presse par les temps qui courent. Hitler était d'origine catholique, cela ne l'a pas empêché de devenir ce qu'il fut : la pathologie fut-elle créée en partie par la religion ? Dans ce cas le catholicisme est la pire religion qui soit, ou cela n'a-t-il rien à voir ? La psychanalyse permet-elle de tout expliquer du comportement du plus grand criminel de tous les temps : possible ! On comprend de toute façon après cet événement, l'extrême méfiance et la volonté d'en finir, d'une partie de la communauté juive, vis-à-vis du catholicisme. Idéologie anticatholique, à laquelle adhère en partie, pour des raisons certainement pertinentes, notre ami philosophe.

Erwan Blesbois a dit…

Pour conclure, l'ego est du domaine de l'excrémentiel, n'en déplaise éventuellement à Macron, surtout à Trump, mais aussi pas mal Clinton, à beaucoup de créations occidentales pour faire court. Le libéralisme, création occidentale, est un summum, qui a fait de l'égoïsme un dogme : Clinton semble plus dogmatiquement conforme à l'idéologie libérale, et Trump a une personnalité inquiétante, dangereusement originale avec un potentiel totalitaire. On trouve également peu de versions apaisées de la laïcité, au mieux un conformisme administratif, mais il n'y a pas de version sécularisée de l'amour de dieu, de la pitié, ou de la compassion, cela n'existe pas en régime laïque. La laïcité consiste en réalité en une neutralité qui s'assimile à une perte : la France est désormais comme un fromage qui n'aurait plus ni odeur, ni saveur ; la laïcité ne signifie rien, elle est le désarmement consenti de ce qui est mal, mais aussi malheureusement de ce qui est bien dans les religions. D'une certaine façon Emmanuel Mousset a peut-être raison de défendre l'expression de soi, d'une religion comme l'islam. La compassion est du domaine du sublime, compassion que l'on retrouve dans toutes les religions, y compris l'islam dans sa version soufiste, qui prône l'annihilation de l'ego.

H a dit…

"L'expression est de Nietzsche, qui rêvait d'un "surhomme", dépassant les faiblesses humaines : un humain qui ne se contente pas d'être humain, mais qui cherche à construire quelque chose qui le dépasse."
Quand bien même cela viendrait de Bouddha, de Jésus Christ ou de Mahomet voire du Pape défini pourtant comme infaillible...
Le bon sens prime...
Même ce que d'aucuns pourraient qualifier de surhumain, n'est en définitive que chose humaine...
Sinon, nous sommes dans la littérature où tout est possible.
Ce blogue se veut-il littéraire ou politique ?
Les deux, mon colonel !
Ah bon, alors je me tais...

E a dit…

"L'ego c'est la cause du mal"...
Vaste blague !
Définissez le mal avant de vouloir en trouver les causes ou la cause...
Et profitez-en pour définir le bien tant que vous y êtes.
Ce qui est mal pour tel est peut-être bien pour tel autre...
Et vice versa...
Quand je mange un huître, ça me fait du bien si elle est comestible mais est-ce que ça en fait aussi à l'huître ?
Les propos d'Erwan sont soupçonnables de lui faire du bien à lui, dans sa tête, comme trivialement on peut dire...
Tant mieux pour lui mais qu'il ne généralise pas inutilement.

Erwan Blesbois a dit…

E. a raison, quand on songe à la mort de tous les animaux dont nous sommes responsables, par notre alimentation carnivore, et à leurs conditions de vie atroces dans des élevages industriels. Ce qui est affreux dans l'histoire, c'est que l'homme n'est pas plus mauvais qu'une autre espèce animale, toute autre espèce animale dotée de la même intelligence que l'homme, ferait certainement la même chose, c'est en réalité la nature qui est mauvaise. Il n'y a que la compassion qui soit une attitude supérieure, et qui constitue une sublimation de la nature humaine, chez les saints, certains artistes, quelques moines bouddhistes, bref c'est l'exception, pas la règle.
Dépasser la faiblesse humaine se traduit le plus souvent par un comportement de cruauté, cruauté dont a fait preuve Nietzsche à l'égard de lui-même et qui l'a détruit, cruauté dont ont fait preuve certains régimes politiques se revendiquant à tort ou à raison du même Nietzsche. Il faut au contraire savoir partager la faiblesse d'autrui, et faire don de soi dans la compassion ou pitié, pour tel Bouddha ou Schopenhauer s'en inspirant, trouver la voie du milieu qui mène à l'éveil et la libération de la souffrance : ce dont personnellement je suis incapable bien évidemment. Mais en tout cas l'ego est le pire obstacle, pour atteindre une telle libération théorique : dans nos sociétés occidentales égotistes, nous sommes donc tous prisonniers, à quelques rares exceptions près. Houellebecq me semble être une figure contemporaine du sage, qui s'est libéré en partie, il y en a quelques autres certainement. Le blogue d'Emmanuel Mousset est intéressant car il reste à la surface de la réalité politique sans chercher à approfondir inutilement, ni faire la morale, mais il n'empêche que les hommes politiques sont très majoritairement des personnes ayant un ego surdimensionné, nécessaire à l'exercice de ce métier, donc ils sont tous sur la mauvaise voie, aucune espèce de sagesse à attendre d'eux. Quant à la philosophie occidentale malgré son étymologie trompeuse ("amour de la sagesse"), pour ceux qui recherchent la sagesse, il y a en réalité peu à en attendre, car la philosophie a dépensé l'essentiel de son énergie à la recherche de la vérité théorique et des conditions de validation de la science, et ne se pose aucunement la question de l'équilibre psychique et du rapport adéquat au cosmos, et ceci en rupture avec les Grecs : car le bonheur ou l'équilibre n'ont qu'un rapport lointain avec la vérité scientifique, même si ils constituent dans leur effectuation, la preuve que l'on a atteint une forme de vérité. Enfin on peut encore trouver un peu de tout dans la philosophie, toute les questions qui ont un rapport au langage et au sens ; en rupture trop souvent avec la réalité des émotions réelles, ce qui en fait une science de neurasthénique.