jeudi 29 août 2013

La guerre des gaules



La politique est une activité de plus en plus difficile, surtout au niveau local. On finit par se demander qui a envie de se présenter à une élection, de se porter candidat sur une liste, quand on voit le divorce et l'incompréhension entre les élus et leurs administrés. Je me suis encore fait cette réflexion en lisant L'Union du 17 août dernier, édition de Soissons, page 3, consacrée à une querelle proprement surréaliste entre les pêcheurs du coin et le maire de la ville, à propos de la construction d'un ponton. C'est une histoire de fous, entre gens raisonnables !

Le premier magistrat, Patrick Day, que je connais bien, homme d'ouverture, sensible et modéré, a entrepris d'aménager les berges de l'Aisne, afin de permettre aux personnes handicapées d'y accéder pour pouvoir pêcher. Voilà une bonne intention et une belle réalisation, un large ponton en bois, conçu par un cabinet d'architecte, après études. A Saint-Quentin, nous avons un site semblable, quai Gayant, non loin du cinéma. Je connais bien le problème : gamin, j'étais pêcheur, je sais que ce loisir est impossible pour les personnes en fauteuil roulant, dangereux même. Les berges de terre et d'herbes sont pour eux impraticables. Le ponton est donc une merveilleuse solution, qui devrait normalement susciter l'unanimité et l'enthousiasme de tous les pêcheurs.

Eh bien pas du tout ! C'est même le contraire qui s'est produit à Soissons. Une personne handicapée a adressé une lettre ouverte au monde de la pêche (1 500 adhérents !) pour critiquer vertement le ponton, en affirmant qu'il était complètement inutile, non seulement aux personnes handicapés mais à n'importe quel pêcheur ! Un ponton pour rien ? C'est bien ce qu'il semble. Publiée sur internet, la lettre a provoqué de nombreux commentaires autour de ce ponton de la discorde, qualifié de "tape-à-l'oeil" et de "honteux". C'est le ponton par qui vient le scandale ...

Je me méfie toujours des indignations anonymes. Mais quand c'est le président des pêcheurs soissonnais qui s'exprime es-qualité, j'en rabats un peu. Et il n'y va pas par le dos de la cuillère (à lancer, si vous me permettez de détendre l'atmosphère). En effet, Jean-Paul Rabier confirme, selon lui, l'ineptie du ponton, va plus loin en le qualifiant de "pharaonique" (pas comparable pourtant à Gizeh). L'affaire tourne carrément à la politique, puisque le président accuse la Municipalité de "gâchis" et "d'argent public dépensé". Là, ça devient sérieux. L'Union est allé bien sûr interroger le maire, qui ne trouve rien à redire à ce ponton et qui ne comprend pas les récriminations des pêcheurs, valides ou handicapés.

Mais au fait, que lui reproche-t-on, à ce fameux ponton ? La réponse est dans la lettre ouverte : quand on est installé dessus et qu'on déploie sa gaule, le fil trempe ... dans les herbes de la berge !!! Bref, un ponton construit pour pêcher interdit de pêcher. Ou alors, il faudrait une canne à pêche de 15 mètres de long, ce qui évidemment n'existe pas plus que la fourmi de 18 mètres de long de Jacques Prévert. Je me demande même si une gaule d'une telle longueur ne finirait pas par rejoindre la berge d'en face ! Et puis, il faudrait une épuisette elle aussi longuette, quand on a affaire à du gros. Et puis, comment faire, à cette distance, avec la bourriche ? Je ne parle même pas du bouchon difficile à voir, des touches à déceler, du ferrage à réussir avec une perche aussi grande qu'un poteau électrique ...

Y a-t-il une explication rationnelle à ce problème de ponton ? Oui : les nénuphars. Pourquoi ? Parce que ces plantes qui poussent n'importe comment dans l'eau ont proliféré devant le ponton, sans rien demander à personne, ni aux pêcheurs, ni au maire. A bien y réfléchir, le scandale ne vient pas de la construction du ponton, mais de l'invasion des nénuphars, qui neutralisent une large zone de pêche. Sauf qu'un nénuphar est une créature innocente : on ne peut pas lui reprocher d'être ce qu'elle est, de se trouver là où elle se trouve. Des nénuphars ne sont pas condamnables. En revanche, un ponton est une construction de mains d'hommes, sa présence résulte d'une décision, il y a des messieurs et des dames dans des bureaux qui l'ont conçu dans leurs têtes et sur le papier. Donc, les honteux, les scandaleux, ce sont eux !

Dans une polémique publique, surtout quand elle prend une tournure politique, qu'elle implique des autorités civiles, chacun est sommé de choisir son camp, en l'occurrence les pêcheurs en colère ou le maire bien intentionné. Je ne vais pas me dérober. En tant qu'ancien pêcheur, je suis tenté de rallier ce parti, localement très puissant. Mais en tant que socialiste, Patrick étant un camarade en qui j'ai toute confiance, je suis porté à la discipline : c'est donc, par principe, après réflexion et aussi de bon coeur, que je me range de l'avis de la Municipalité. Mais vous, vous faites comme vous voulez ...

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Les amiénois des hortillonnages nettoient les rieux ( petits canaux ) autour des terrains de jardins ou de plaisance , c'est le commun des zones humides POUR POUVOIR NAVIGUER ET PÉCHER , il suffit de nettoyer et d'enlever ces nénuphars ... Beaucoup de vagues dans un dé à coudre ou dans un VASE ...... de SOISSONS ....... FOI de CLOVIS ......

Anonyme a dit…

Une fois de plus manque de concertation entre un projet municipal et les citoyens. Le projet aurait du etre presenté en convoquant les representants des pecheurs, ca aurait evité cette querelle.
Qui mieux que les pecheurs et lee handicapés connaissent leur besoins ?
Quand aux architectes et constructeurs ils ne dependent que du commanditaire qui fixe le cahier des charges.
Quand vous commandez la contruction de votre maison, ce n'est pas au macon d'aller voir votre femme pour lui demander ou elle veut la fenetre !
je vous trouve bien leger dans votre reflexion, ca ne vous ressemble pas !
on n'est pas non plus obligé de chosir son camp et d avoir un avis tranché sur tout, je trouve ca bete... mais effectivement discipliné.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Les pêcheurs ont été reçus par le maire en vue de ce projet.

2- Je préfère la légèreté à la lourdeur.

3- Sur les relations entre le maçon et ma femme, je ne vous suis pas très bien.

4- J'ai en effet un avis tranché sur tout : c'est mon côté Robespierre.

Anonyme a dit…

Robespierre n'amasse pas mousse !!

Hubert a dit…

Il ne me semble pas bien difficile, ni nuisible au milieu, d'arracher, à l'aide d'un simple grappin, quelques mètres de nénuphars, pour faciliter la pêche depuis un point de berge qu'il faut fixer d'avance pour un motif tout-à-fait louable. Querelle ridicule !

Emmanuel Mousset a dit…

Tu es l'homme de la situation, Hubert. Je vais te recommander auprès de Patrick Day.

Marie a dit…

D'abord les nénuphars c'est beau, je ne vois pas pourquoi on va les enlever, les pêcheurs peuvent aller un peu plus loin, et puis qu'est ce qu'ils en veulent aux petits poissons qui peuvent même pas être mangés cause pollution;
le style du billet est top, j'adore