mercredi 28 août 2013

Feuille de route et ligne de front



Le gouvernement est allé très vite et a bien fait. Hier, je prévoyais quelques heures ou quelques jours avant l'annonce de la réforme des retraites : dans la soirée, tout était bouclé. Après le pacte de compétitivité, la réforme du marché du travail et les emplois aidés (contrats de génération et d'avenir), c'est la dernière importante réforme en date du gouvernement Hollande. Je la crois très réussie. Pour tous les socialistes, c'est une feuille de route à défendre, une ligne de front sur laquelle se battre, dont la réception dans l'opinion sera cruciale pour la suite.

Il y a 40 ans, la retraite n'était pas un sujet politique majeur. Dans le Programme commun de gouvernement, dans les débats entre socialistes et communistes, il était surtout question d'emplois, de salaires, de politique industrielle ; le système des retraites n'était pas un objet de réflexion, parce que cette période de fin de vie retenait moins alors l'attention que celle qui précède. Depuis 20 ans, tout a changé : avec l'allongement de la durée de l'existence, la retraite ne consiste plus en quelques années de repos bien mérité avant la mort, mais elle représente toute une tranche de vie, une bonne vingtaine d'années où les gens ne se sentent plus "vieux" mais encore actifs, consommateurs et ... pleins d'avenir. La retraite n'est plus la fin de la vie, c'est le début d'une autre vie, d'une nouvelle vie que la société doit donc aménager, économiquement, financièrement. C'est une mutation culturelle.

Bien sûr, on peut penser, comme les signataires de la pétition "Socialistes pour les retraites" (voir mon billet d'hier), que cette situation nouvelle ne pose pas foncièrement de problème nouveau : avec le retour de la croissance, la reprise de l'emploi, le regain démographique, les actifs vont cotiser et assurer la retraite des inactifs. J'ai dit ce que j'en pensais, le gouvernement Ayrault aussi, puisqu'il s'est senti obligé de dégager 7 milliards d'euros pour garantir l'avenir du système, que toute personne raisonnable sait menacé si rien n'est fait. Laissons les spéculations optimistes et les hypothèses hasardeuses aux irresponsables : c'est quand même l'avenir des futurs générations dont il est question. François Hollande et Jean-Marc Ayrault y ont répondu excellemment.

D'abord parce qu'ils n'ont pas cédé à la tentation folle et électoralement désastreuse d'augmenter la fiscalité, c'est-à-dire la CSG. Pourtant, le rendement aurait été important et l'effort équitablement réparti. Mais comme je l'ai dit dans un récent billet ("Stop impôt"), il faut arrêter la pression fiscale, qui est devenue insupportable. Et il faut pourtant de l'argent pour les caisses de retraite ! Le plus sage, je n'ose pas dire le plus indolore, c'était d'augmenter les cotisations sociales. C'est aussi le plus juste, le plus conforme à notre système de retraite, qui repose sur les cotisants, non sur les contribuables.

Ensuite, il fallait bien tirer les conséquences de l'allongement de la durée de vie, non pas en touchant à l'âge légal de départ, mais en augmentant la durée de cotisation pour une pension à taux plein. Là aussi, ce n'est que justice. Ces deux mesures mises bout à bout, relèvement des cotisations et prolongement de leur durée, le système est préservé jusqu'en 2020. Après, on verra, il ne faut pas être dogmatique dans une matière qui concerne l'avenir, qui est donc largement incertaine, fluctuante. Mais il était impossible de ne rien faire ou de différer la réforme, n'en déplaise à mes camarades de "Maintenant la gauche".

La droite proteste, elle est dans son rôle. Mais quand elle dénonce une nouvelle hausse fiscale, elle confond cotisation et impôt. Si on la suivait dans ce raisonnement, tout serait fiscal, y compris quand je paie mon gaz et mon électricité. La droite dénonce également une réforme qui n'en est pas une, selon elle. Là aussi, entendons-nous sur les mots : je suis bien d'accord que le gouvernement n'a pas procédé à une réforme structurelle de notre système de retraite, puisque le mode de calcul n'a pas fondamentalement changé. Mais justement ! L'objectif de la gauche était bel et bien de préserver le système par répartition, pas de le chambouler. Et je comprends le regret de la droite, dont nous connaissons les ambitions, au demeurant louables quand on est de ce bord-là, en matière de réforme des retraites : elle veut certes garder le socle de la répartition, mais lui adjoindre une part de capitalisation, dont le parti socialiste ne veut pas entendre parler. Voilà la différence, qu'il faut avoir à l'esprit quand on parle de réforme des retraites.

La réforme actuelle est essentiellement et nécessairement conjoncturelle : elle concerne le financement du système, pas la modification de son architecture. Cependant, l'inclusion de la pénibilité est un vrai changement de fond. La gauche en discutait depuis des années : arrivée au gouvernement, elle le fait, et c'est une donnée complètement nouvelle dans le calcul des retraites. Je n'ai pas besoin d'en démontrer l'utilité ni l'évidente justice. A quoi il faut ajouter, dans cette réforme Hollande-Ayrault, des mesures socialement très importantes, avantageant les femmes, les apprentis, les étudiants, les salariés à temps partiel notamment. Au total, c'est une grande et belle réforme à laquelle nous avons affaire, dont tout socialiste doit être fier, dont il doit se faire le pédagogue auprès de l'opinion.

Oui mais voilà, la politique reste un combat : la feuille de route a beau être excellente, il va falloir monter au front pour la défendre, et se battre. Tant mieux, j'aime ça, et avec moi tous ceux qui aiment la politique ! En tout cas, personne ne se battra à la place des socialistes. Comme dans toutes les grandes batailles, un double front se constitue : c'est le propre des armées de conquête. Sur notre droite, l'UMP, parce qu'elle est dans sa fonction d'opposant, et le patronat, parce qu'il refuse qu'on augmente ses cotisations ; sur notre gauche, les partis radicaux, parce qu'ils sont hostiles à la social-démocratie, et les syndicats de la confrontation sociale, CGT, FO, SUD, FSU, qui exercent légitimement leurs mandats, ne croient qu'au rapport de force et font, pour certains, de la protestation un réflexe systématique.

Ca fait beaucoup de monde contre la réforme gouvernementale ? Tant mieux, parce que ces multiples forces en même temps sont opposées les unes aux autres et en quelque sorte s'annulent. Elles n'offrent aucune perspective politique de remplacement. La social-démocratie, elle, tient bon sur une ligne de continuité et de cohérence. Ses gros bataillons, ce sont les électeurs, car bien peu de Français sympathisent avec les intérêts du patronat ou les espérances révolutionnaires : le réformisme est dans la majorité des têtes. Je suis donc confiant, d'autant que cette réforme est soutenue ou bien accueillie par les syndicats du compromis social, CFDT, UNSA, CFTC, qui misent, eux, sur le dialogue social, pas sur le rapport de force.

Il y a donc tout lieu d'être optimiste. A une condition cependant : cette belle réforme des retraites doit être assumée, portée, défendue et expliquée par tous les socialistes, sur une même ligne de front, feuille de route en main. Les sections, les élus devront se mobiliser, dès le débat parlementaire, pour remporter la seule bataille qui compte dans une démocratie, la seule dont on puisse être fier, à côté de quoi les manoeuvres d'appareil sont minables : la bataille de l'opinion, qui précède la victoire aux élections. A quelques mois des municipales, il faut l'avoir à l'esprit.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est pour moi des mesures de moindre mal mais je regrette que que ce soit au final qu'une petite reforme , peu ambitieuse;
dans 6 ans, voir meme avant il faudra à nouveau étudier le probleme des retraites.
je regrette que se soit seulement quelques heures après la fin des rencontres avec les partenaires sociaux que la reforme soit dévoilée.
Manifestement tout était bouclé et chaque syndicat c est vu uniquement dévoilé en avant premiere les mesures choisies, ca ne s'appelle pas de la negociation !
je ne comprend pas pourquoi la gauche au nom de la justice sociale n'a pas abrogée les regimes de retraites speciaux. on nous dit qu il y a peu de davantage à etre fonctionnaire, alors pourquoi faire encore des differences ?
Dernier point, arretons de parler de l'esperance de vie pour justifier l augmentation des trimestres, on a pas reculé en moyenne l age d apparition des maladies lies à la vieillesse ( cardiaque, pulmonaire, rhumatisme,...) Bien au contraire cest à partir de 55 ans qu'on commence à ressentir le poids des ans.
quand on est de gauche, parlons qualité de vie ! et la retraite est un temps de vie.

je n irai pas manifesté car meme si elle est incomplete et timorée cette reforme est inevitable pour pereniser notre systeme par repartition.

Marie a dit…

Alors là vraiment je ne comprends pas,
aucun courage politique je veux dire Hollande; quand je pense qu'on a manifesté ensemble contre la réforme Fillon et que maintenant tu applaudis...je dis non;
oui moi j'irai manifester pas le 10 septembre car je ne suis pas là mais surement après;
Il y avait deux choses à faire:
1. Abroger la loi Fillon et revenir à 60 ans pour ceux qui veulent partir même si ils n'ont pas les trimestres
2. Lisser les régimes spéciaux tout en gardant la pénibilité pour le public en ajoutant aussi pour le privé;

De toute façon on est tous cassés à 60 ans;
Mais alors
Comment financer les retraites et d'autres services publiques?
Par la taxation des transactions financières. Et puis la dette une partie devra être renégociée, dixit Bernard Maris ce matin à France Inter; dommage que Hollande n'a pas le courage de ces réformes.
Il faudrait aussi diminuer les dépenses de l’État et des collectivités territoriales qui ont embauché à tout va ; les agents souvent travaillent sur les mêmes dossiers à force de vouloir couvrir toutes les compétences.

Emmanuel Mousset a dit…

Marie,

Si Fillon et Hollande c'était la même chose, la droite et le patronat seraient pour. Or, ils sont contre.