dimanche 17 juillet 2011

Un matin de contrastes.

Ce matin, à Saint-Quentin, devant le monument du ghetto de Varsovie, pour la cérémonie commémorative de la rafle du Vel d'Hiv, ce sont les contrastes qui ont retenu mon attention. Le temps d'abord : novembre en juillet, l'automne pendant l'été, ciel gris, vent froid, pluie.

Contraste aussi dans la durée : il y a trois jours, au même endroit, on fêtait le 14 juillet, avec une grosse foule, mais aujourd'hui une petite troupe, les survivants et les descendants de la communauté juive saint-quentinoise, "nos amis", comme l'a dit le sous-préfet, Jacques Destouches, dans son discours. C'est pourtant le même rituel, mais en beaucoup plus petit : porte-drapeaux, gendarmes en armes, garde-à-vous, musique solennelle, revue des troupes par les officiels.

Et puis, contraste entre les participants et les passants, promeneurs en k-way et joggeurs fluo, indifférents ou surpris, profitant d'une pause ou d'un étirement pour jeter un bref coup d'oeil et repartir presque aussitôt.

Contraste enfin dans l'enchaînement des musiques : la Marseillaise ouvre la cérémonie, impose son ton lyrique et combatif, vite cassé par les chants juifs, de détresse et d'espoir, qui produisent en moi à chaque fois une mélancolie qui invite à la réflexion, toujours la même lorsque je me retrouve là une fois par an, en une date qui nous parle plus de vacances, de détente et de soleil que de tragédie.

Alors, deux nouveaux contrastes s'imposent à mon esprit, deux interrogations, deux mystères : pourquoi le génocide juif a-t-il été organisé par un pays, l'Allemagne, qui était en son temps à la pointe de la civilisation, en matière d'art, de littérature, de science et de philosophie ? Comme si la culture ne protégeait aucunement de la barbarie ...

Pourquoi le génocide juif a-t-il été accepté, soutenu et même devancé par les autorités françaises, pourtant héritières de la Grande Révolution et d'une puissante Troisième République ? Comment des élites, des institutions, des services publics ont-ils pu bafouer toute une tradition, des idéaux ? Comment un peuple, dans ses grandes masses, a-t-il pu suivre passivement et même soutenir avec ferveur, du moins dans les premiers temps, un régime de collaboration, de négation de l'esprit français ?

Ce qu'il y a de terrible avec la politique, c'est qu'elle montre, à travers ses évènements, la plupart des hommes sous leur jour le plus sombre, laissant un peu de lumière à quelques-uns seulement. En même temps, c'est une salubre épreuve de vérité, où les faiblesses, les lâchetés et les trahisons sortent de leur trou. L'ombre et la lumière, c'est toujours une affaire de contrastes ...

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