samedi 23 juillet 2011

La terreur blanche.

Nos préjugés sont bien ancrés dans les têtes. Les clichés existent pour nous rassurer. La Norvège est le pays le plus tranquille au monde ; personne ne songerait à s'en prendre à lui. Que pourrait-on lui reprocher ? Ce n'est pas comme la turbulente et impériale Amérique ... Sa monarchie parlementaire, son socialisme modéré, son traditionnel pacifisme en font un régime au-dessus de tout soupçon, un royaume qui n'est quasiment pas de ce monde.

Et pourtant, la tragédie qui l'a hier frappée nous a immédiatement renvoyés à des images de 11 septembre, et c'est tout de suite Al Qaida qui s'est imposé dans les esprits. Face à l'horreur, nous avons besoin d'explications, et rapidement. Sauf que le terroriste n'est pas musulman mais anti-musulman, avec une jolie frimousse de jeune blondinet très propre sur lui, qui n'entre pas du tout dans les cadres de notre pensée toute faite. Une gueule de fanatique sanguinaire, on ne l'imagine pas ainsi.

De plus, le criminel se prétend "chrétien", d'après ce qu'on en sait, d'un genre sûrement particulier puisque n'appliquant pas les commandements d'amour et de paix qui sont ceux de cette religion, d'après ce que nous en savons. N'allons-nous pas finir par douter de tout ? Un peu d'histoire nous rappellerait utilement que la terreur à des fins politiques (le soi-disant chrétien s'intéressait aussi à l'extrême droite) est une invention occidentale, moderne, à prétention rationnelle, et pas une violence d'illuminés orientaux un peu fous et très superstitieux.

De même, nous demeurons interloqués, à ce stade de l'enquête, devant la démarche personnelle de l'acte, la seule décision d'un individu isolé. Quand nous songeons au terrorisme, nous imaginons des groupes organisés, quand ce ne sont pas des complots internationaux. Qu'un homme dépose une bombe dans une ville puis commette un massacre sur une île, ôte la vie à plus de quatre-vingt dix personnes, nous laisse stupéfaits, abasourdis, jusqu'au scepticisme. Et pourtant, c'est bien la société contemporaine qui a promu l'individualisme, c'est-à-dire la croyance que l'individu n'a de compte à rendre qu'à lui-même, qu'il est le maître absolu de son destin et en quelque sorte du monde.

Nous avons longtemps cru que la terreur était rouge (Staline) ou verte (Ben Laden). Mais notre civilisation est travaillée par une terreur blanche, d'autant plus terrifiante qu'elle nous ressemble : la peur de la mondialisation, le refus de la différence, le rejet de la société multiculturelle, la haine des institutions et de la classe politique, la critique de la démocratie, la xénophobie, voilà le creuset qui conduit au crime collectif. Le temps des assassins est revenu, mais ils ne portent plus le même masque.

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