vendredi 29 juillet 2011

J'ai des doutes.

Connaissez-vous le sketch de Raymond Devos "J'ai des doutes" ? Une femme trompe son mari qui a "des doutes" mais ne se plie jamais devant l'évidence. Le côté hilarant, c'est le comique de répétition, "J'ai des doutes" devenant le gimmick de l'histoire. C'est la même formule, dans une toute autre circonstance, qui m'est revenue plusieurs fois en tête ce matin, en discutant avec une amie, membre du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon.

Actualité aidant (c'était hier une simulation de vote des primaires socialistes à La Seyne-sur-Mer, dans le Var), elle me dit son enthousiasme pour la procédure et tient à me préciser qu'elle versera avec plaisir l'euro demandé, et même plus s'il le fallait, tellement cette consultation emporte sa ferveur. Je lui précise qu'elle peut dépasser largement l'euro, que ce sera compté comme don, mais elle se ravise : un euro, ça suffit ! J'ai des doutes.

Bon, c'était une boutade de sa part, et ma réponse en était une aussi. Nous sommes donc quitte. Je voulais simplement tester un peu le degré de son engagement. Je suis bien sûr très heureux que des électeurs de gauche, non socialistes, participent aux primaires socialistes puisque c'est le but du jeu. Mais je m'attendais à ce que mon amie s'exalte pour son champion, Mélenchon, qui est, soit dit en passant, hostile à ces primaires. Eh non, raté ! J'ai des doutes.

Sans que je lui pose la question, elle me répond que son choix, c'est Martine Aubry. Mais pourquoi ? Question de génération, me dit-elle (elle est d'un âge pas très éloigné). Je n'ose pas lui répliquer que l'argument vaut aussi pour François Hollande, qui est dans la même tranche (elle ne se renseigne d'ailleurs sur mon choix). Mais ce point générationnel me semble tellement sans aucune valeur politique que je n'insiste pas. Ce qui est certain, c'est que mon amie n'est pas séduite par une candidature "féminine" : en 2 006, elle était insensible à Ségolène Royal. Pourquoi aujourd'hui Aubry ? Affaire d'image probablement. J'ai des doutes.

Et puis, logiquement, un militant du Parti de Gauche devrait plutôt voter Arnaud Montebourg, qui représente, parmi les six candidats à la primaire, l'option la plus à gauche, et donc la plus proche du PG. Mais non ! Martine Aubry comme François Hollande sont fondamentalement des sociaux-démocrates (leur début de campagne sur la dette publique le prouve avec éclat), contre lesquels Mélenchon a la dent dure. Pourtant, mon amie fait ce choix-là. J'ai des doutes.

Je suis resté quasiment silencieux tout au long de notre rencontre. J'aime bien laisser parler, on apprend plus qu'en intervenant soi-même. Il faut mettre l'interlocuteur en confiance, voir jusqu'où il peut aller dans ses confidences. La confession est plus révélatrice que le débat, d'autant que beaucoup de gens ne demande qu'à s'épancher et être écoutés.

Néanmoins, à la fin, je ne peux pas m'empêcher de l'interroger sur son vote au premier tour de la présidentielle. Et là, brusquement, elle qui avait été si prolixe et sûr d'elle, devient silencieuse, hésitante. Je comprends vite son problème : quand on a voté Aubry aux primaires, n'est-on pas tenté de voter Aubry, n'est-il pas logique de voter aussi Aubry au premier tour des présidentielles ? Oui mais mon amie soutient Mélenchon ! Du coup, à son tour, elle a des doutes.

Il y a quelque chose dont je ne doute pas : le bien-fondé, la grande vertu des primaires, une vraie révolution pour le PS. Bien des sections, repliées sur elles-mêmes, sans réelle vie interne sinon les rituels et obligatoires rendez-vous statutaires, sans aucune expression publique régulière, vont voir surgir des centaines, des milliers d'électeurs pour décider du choix de notre candidat à la présidentielle ! C'est une innovation comme il n'y en a pas eu, dans l'organisation du parti, depuis quarante ans.

Là où j'ai quelques doutes, c'est sur les réactions de l'opinion et l'issue de la consultation. D'abord, la procédure est nouvelle, inhabituelle, peu conforme à notre culture politique nationale. Ensuite, contrairement à n'importe quelle autre élection, il y a une déconnection entre les candidats et le projet, celui-ci ayant déjà été adopté par les seuls adhérents. Le risque des primaires, c'est que la confrontation des idées s'efface devant celle des personnes et des personnalités. Mais qui ne risque rien n'a rien !

Les deux principaux challengers, Martine Aubry et François Hollande, sont issus de la même sensibilité, le courant social-démocrate. Pour voir les différences entre eux (qui sont réelles mais pas non plus très clivantes), il faut être un vieux routier du parti, un spécialiste de son histoire et de ses motions. Je crains qu'entre Martine et François, la comparaison en reste à l'image, comme manifestement pour l'amie qui m'a ce matin entretenu.

Je ne vois que deux candidats dont l'offre politique, opposée, est extrêmement claire : Manuel Valls en social-libéral et Arnaud Montebourg en socialiste radical, traditionnel clivage entre aile droite et aile gauche du PS. Quant à Ségolène Royal et Jean-Michel Baylet, ce sont des candidats atypiques : Elle, poursuivant dans sa lancée de 2 007 l'exposé d'un socialisme singulier, original, moderniste ; lui, représentant du PRG, jouant probablement sur la fibre république et laïque présente chez beaucoup de camarades. Nous verrons bien ce que tout cela donnera, mais il faut de toute façon que ça se fasse ... Et de ça, je n'ai aucun doute.

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