mercredi 6 juillet 2011

Cette force qui nous perd.

L'affaire DSK m'aura sûrement amené, mine de rien, à réviser l'idée que je me faisais de la politique. Chez Strauss et ses disciples, il y avait cette intuition, très forte, qu'avec de l'intelligence, on pouvait se sortir de tout. Le rôle de l'intelligence, en politique, est pourtant sujet à caution. J'y ai cru, j'espère encore un peu, mais les ressorts de l'activité publique et collective sont faits aussi d'aveuglement, de préjugés, de stupidité. Aujourd'hui, je ne donne plus très cher de l'intelligence en matière politique.

La force des convictions m'a longtemps persuadé que les idées menaient le monde. Maintenant j'hésite ... Le strauss-kahnisme, c'est une ligne social-démocrate pure et dure, qui n'a d'équivalent à l'heure actuelle, dans un tout autre registre, que la pensée "démondialisatrice" de Montebourg. Le vrai débat théorique et politique entre socialistes est là. Or, nous assistons à tout autre chose : un affrontement entre deux personnalités social-démocrates, l'une un peu plus à droite, l'autre un peu plus à gauche, Hollande et Aubry, mais sans véritable différence ou choc des projets.

En lisant ces jours-ci "Mitterrand, carnets de route" de Michèle Cotta, je suis surpris de voir à quel point, dans les années 70, le débat idéologique était vif au sein du PS alors qu'il a aujourd'hui pratiquement disparu. Voir Martine Aubry ralliée aussi bien par des sociaux-démocrates (qui en toute logique devraient choisir Hollande) que par la gauche du parti (qui en toute logique devrait soutenir Montebourg), voir d'anciens ségolénistes fervents ne plus soutenir Ségolène, c'est constater que les considérations tactiques l'ont emporté sur les idées. Il ne sert à rien d'ailleurs de s'en navrer : c'est toute une société qui a basculé dans une autre façon de faire de la politique, avec des cohérences qui ne sont plus celles d'autrefois, des fidélités à géométrie variable.

Le malheur de DSK, c'est qu'il n'avait pas rencontré le malheur avant la funeste affaire du Sofitel. Foncièrement optimiste, cet homme n'était pas fait pour la tragédie dans laquelle il s'est finalement retrouvé. Sa nonchalance lui faisait ignorer toute inquiétude, tout sens de la fatalité. La politique est pourtant minée par le destin. Mitterrand, comme Strauss, courait le jupon mais savait que l'histoire était tragique et les hommes mauvais. Trop d'insouciance, trop d'assurance, c'est ce qui faisait la force de DSK, c'est ce qui l'a perdu. Tout strauss-kahnien est un peu comme ça, sûr de soi et confiant en l'intelligence des hommes et des événements : c'est faux, il va falloir s'y faire, et je vais devoir me méfier.

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