vendredi 8 juillet 2011

Du côté des fous.

J'ai passé ma matinée à Prémontré, dans l'EPSMDA, l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne, un sigle qui désigne un hôpital psychiatrique au milieu de la magnifique forêt de Saint-Gobain. La Ligue de l'enseignement propose des activités culturelles aux patients : peinture, sculpture, lecture, théâtre, cinéma, etc. Nous avons trois salariés sur le site et quatre intervenants. C'est donc un projet d'envergure, que je tiens à visiter régulièrement.

L'environnement est impressionnant, presque baroque : de beaux et grands bâtiments, des allures de château ou de palais, un jardin comme on en voit à Versailles, et à l'intérieur ceux qu'on appelle pudiquement les patients, parce qu'on n'ose plus dire malades mentaux, encore moins fous. Eux aussi sont impressionnants, à leur façon : leurs corps se posent et évoluent différemment des nôtres, les regards sont absents ou parfois excessivement vifs, la parole surtout trahit les pathologies, son débit et son contenu.

Sont-ils hommes ou sont-ils enfants ? Les deux semble-t-il, quand je les vois, au milieu d'eux, s'affairer à leurs diverses activités artistiques et travaux pratiques, bruyants et agités comme une classe d'école primaire. Et puis, il y a des moments de magie, quand je tombe sur une peinture réalisée par l'un deux ou bien quand j'entends au piano une interprétation magistrale (une pièce est réservée à cet effet).

Dans notre société normalisée, sécuritaire et rationaliste, j'ai envie d'être du côté des fous, parce qu'ils nous ressemblent plus qu'on ne croit, parce que nous avons nous aussi nos folies. La haine, la laideur, le malheur sont tout autant chez les gens dits normaux. Anciens drogués, dépressifs profonds, débiles mentaux, c'est toute une humanité qu'on cache et qui est pourtant immense, qui déborde très largement le modèle de l'homme raisonnable tel que la civilisation moderne l'impose depuis Descartes.

Les fous sont parmi nous, la folie est en nous, il suffit de bien observer ou d'ouvrir un livre d'histoire. Ne refoulons pas cette vérité, laissons-nous perturber par ceux qui sont autres, différents, misérables et géniaux, ni pires ni meilleurs que nous.

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