dimanche 24 juillet 2011

Les chinois à Paris.

Ce blog n'est pas voué à vous asséner les malheurs du monde. Les médias réussissent très bien dans cette mission. Je veux aussi vous parler des bonheurs de l'existence. En ces temps de vacances, certains vont chercher leur plaisir très loin, sur la plage ou en montagne, en Corse ou en Croatie (villégiatures à la mode). Moi, j'ai trouvé hier mon bonheur dans le magasin GiFi de Saint-Quentin, près de Cora, en faisant une belle rencontre que j'espérais depuis trente-cinq ans, que je n'attendais même plus à force d'espérer. J'ai donc assisté à un vrai miracle, d'autant plus délectable que totalement inattendu.

Chez GiFi, en entrant, à droite, il y a un grand panier de dvd à bas prix, deux euros, généralement des navets. Je les consulte machinalement et rapidement, en vertu d'un solide principe qui guide ma vie : "On ne sait jamais". En l'occurrence, j'ai bien fait, mon bonheur était dans le panier. Je suis tombé sur un film jamais vu de moi et méconnu de beaucoup : "Les chinois à Paris", de Jean Yanne. Et pour cause : il a été interdit par le gouvernement français à sa sortie en 1975, sur protestation de la Chine communiste, un régime peu porté à l'humour quand il s'agit de le présenter comme une force d'occupation du territoire national.

A ma connaissance (mais je peux me tromper), ce film n'est pas passé à la télévision. C'est le seul du grand Yanne qui manquait à ma collection ! J'y ai souvent pensé, je m'en suis fait tout un film à défaut de l'avoir vu. "Les chinois", c'est une étape dans l'oeuvre de l'auteur, entre ses premières et meilleures réalisations ("Tout le monde il est beau ..." et "Moi y'en a vouloir des sous") et la suite, les parodies historiques ("Deux heures moins le quart ..." et "Liberté, égalité, choucroute"), que j'ai moins appréciées.

Les "Chinois", c'est aussi le moment où Jean Yanne s'éloigne hélas de ses grands rôles de composition, après avoir joué sous la direction de Chabrol et Pialat, excusez du peu. Cet homme, que j'estime beaucoup, a raté, sans doute par facilité, une grande carrière d'acteur, se contentant d'interventions remarquables dans quelques films et téléfilms, mais très en dessous de ce qu'il pouvait donner.

De même, je ne comprends pas et je regrette son départ aux Etats-Unis, qui a mis fin à son travail de réalisateur, de créateur. Je me suis toujours demandé ce qu'il faisait là-bas ! Yanne, qui avait le génie de la répartie, répondait par une boutade : "Si j'étais dans le nougat, je serais allé à Montélimart ; comme je suis dans le cinéma, je suis allé à Hollywood".

Quelques mots quand même sur ma trouvaille : c'est du Yanne tout craché, avec peut-être un rythme moins trépidant que "Tout le monde ..." et "Moi y'en a vouloir ...", mais c'est du bon ! Le tableau d'une France collabo, qui refait avec les chinois ce qu'elle a fait avec les allemands, est criant de vérité. C'est ce qui me plaît chez Jean Yanne : cette faculté, avec du comique pas toujours très fin mais assumé, de dire quelque chose de vrai sur notre société. A l'époque, la droite encore marquée par le gaullisme n'a pas trop goûté à la plaisanterie ; la gauche respectueuse de la mode maoïste s'est bien sûr abstenue de rire. Et le film est tombé dans l'oubli. Mais moi je l'adore ...

Ami(e)s saint-quentinois(es) qui ne partent pas en vacances, précipitez-vous chez GiFi, rue Georges Pompidou, il reste quelques dvd des "Chinois à Paris".

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