mercredi 17 décembre 2014

Show devant



Lors du conseil municipal de lundi dernier, il a beaucoup été question de show. Carole Berlemont (PS) a reproché à Xavier Bertrand de faire un "show télévisé", une opération de communication, une forme de publicité au moment des questions par SMS, en fin de séance. De même, Xavier Bertrand a reproché à Olivier Tournay (PCF) de faire un show, de s'exprimer sur la DSP (voir billet précédent) lorsque les caméras de télévision sont présentes. C'est une amusante et fréquente tournure de l'esprit humain : dénoncer chez les autres ce qu'on pratique pour soi. C'est la vieille histoire évangélique de la poutre et de la poussière dans l'oeil.

Pourtant, quand on fait de la politique, n'est-il pas légitime de faire le show, de communiquer sur ses opinions, d'en assurer la publicité ? Un homme politique est forcément un comédien, au bon sens du terme. Ce qu'on lui demande, ce n'est pas d'y renoncer, mais de savoir tenir son rôle. Pour le dire autrement, de façon plus classique : un homme politique est toujours en représentation. Ce qu'on peut reprocher à un homme public, ce n'est pas d'en faire trop en matière de com ou de pub, mais de ne pas en faire assez. En démocratie, les citoyens doivent être informés. Quant aux effets de manches, les électeurs ne sont pas dupes : ils repèrent très vite quand le jeu est bon, juste, motivé et quand il est mauvais, forcé, surjoué. A la limite, mieux vaut un excès de communication (pas forcément bon) qu'une absence de communication (toujours mauvais).

Lorsque Carole Berlemont reproche à Xavier Bertrand de faire son show à la fin du conseil municipal, elle oublie que c'est dès le début et tout au long de la séance que le maire fait son show, et que c'est très bien comme ça (pour lui en tout cas). Et si la gauche pense que ses réponses aux questions par SMS relèvent de l'opération publicitaire, il faut alors qu'elle se lève et parte, pour ne pas se transformer en spectateurs passifs de ce "show télévisé" (c'est ce que j'avais conseillé dans le billet portant sur le précédent conseil municipal). A ne pas le faire, on est incohérent avec soi-même, on se condamne. Lorsque Xavier Bertrand reproche à Olivier Tournay d'en faire trop devant les caméras, il oublie lui aussi que le conseiller municipal communiste est dans son droit et même son devoir, qu'il fait son boulot d'opposant, avec les moyens médiatiques qui se présentent à lui (c'est d'ailleurs le maire qui a fait entrer la télévision dans la salle du conseil).

Mine de rien, le conseil municipal de lundi dernier a opéré une petite révolution, avec sa diffusion en direct sur MATELE. Soit dit en passant, personne ne s'étonne de cette retransmission, sur la chaîne locale, d'un événement politique, du plus politique des événements de la ville, alors que le cahier des charges de cette télévision excluait d'aborder, à ce qu'il me semble, les sujets politiques et polémiques. Mais puisque je suis le seul à poser la question, c'est que je dois probablement avoir tort ...

Revenons à la petite révolution : avant l'entrée de la télé, il fallait savoir bien parler pour siéger efficacement en conseil municipal, surtout quand on est dans l'opposition. En passant de la simple voix à l'image, ça change beaucoup de choses : il faut désormais être aussi télégénique, bien passer à l'écran. D'autant que les séances publiques, vues du balcon, n'étaient pas très fréquentées. Avec le passage à la télé, beaucoup plus de gens vont regarder, les séances du conseil municipal vont gagner en importance et en influence politique (toutes choses égalent par ailleurs).

Pour l'opposition, il faudra beaucoup plus soigner ses interventions. La prise de parole est une épreuve, mais l'apparition à l'image encore plus. Xavier Bertrand a l'air frais comme un gardon et débordant d'énergie, ce qui lui est facilité par la maîtrise du micro. Carole Berlemont et Marie-Anne Valentin (PS), qui sont côte à côte, apparaissent un peu tristounettes et fatiguées. A l'écran, Olivier Tournay et Jacques Héry (PS) sont ensemble. Olivier a une belle petite gueule médiatique, c'est un "bon client", comme on dit dans le jargon. Mais l'effet de contraste est désastreux pour Jacques Héry, passif (du moins dans la séance de ce mois-ci), regardant de tout côté, donnant l'impression de se demander ce qu'il fait là, avec un imperturbable sourire de Bouddha. Ces remarques sont bien sûr de pure forme et ne préjugent pas de ce qui se passe dans les têtes, ni des efforts consentis (peut-être des souffrances éprouvées, qui ne sont pas à moquer). Mais les faits sont là : en introduisant la télévision dans le conseil municipal, on le transforme forcément en émission de télévision, qu'on le veuille ou non.

Xavier Bertrand en sera-t-il le bénéficiaire ? Je n'en suis pas certain. C'est une bête politique qui sait contredire, anéantir et ridiculiser ses adversaires, c'est un bon communiquant, mais l'image est quelque chose de rebelle qui peut facilement se retourner contre son instigateur. Déjà, Olivier Tournay lui résiste, le met parfois en difficulté, ce dont le maire certes se sort aisément. Mais dans la lutte de David contre Goliath, c'est le petit qui a tout à gagner et le grand qui a tout à perdre.

Xavier Bertrand n'avait pas besoin de la télévision pour asseoir son autorité et sa popularité. En faisant du conseil municipal un spectacle de télévision, il prend un risque, dont il pouvait se passer. Le maire est bon, soit. Mais c'est aussi parce que ces opposants ne sont pas très bons, n'ont pas le métier qu'il a : la nouvelle version de David contre Goliath, c'est le combat de l'amateur contre le professionnel. Sauf que trop d'aisance, de condescendance, d'ironie à l'égard de ses adversaires peut lui nuire. Qu'on se souvienne de ce qui s'est passé, à la télévision justement, face à Nicolas Totet : la réaction d'indignation à la question du journaliste (sur la succession de Pierre André) n'a pas été profitable à Xavier Bertrand, c'est Nicolas Totet qui en a tiré tout le bénéfice médiatique, en apparaissant comme une victime.

Bref, puisque les caméras sont là, et un peu partout dans le monde d'aujourd'hui, faisons avec. A Saint-Quentin même, la médiatisation va changer la vie politique, même si celle-ci, dans ses ressorts fondamentaux et éternels, restera à l'identique.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce que vous devriez noter c'est que dans beaucoup de communes , il n' y a pas de public durant les conseils ; ce qui est presque illégal , les conseils se déroulant de facto à huis clos ... Pourtant le huis clos est une forme exceptionnelle et solennelle pour une séance ... Vous voyez , il y a encore beaucoup à faire pour que la démocratie soit participative et pédagogique ... Et donc ne nous plaignions pas de la retransmission en direct ... Si plus de gens avaient assisté aux délibérations sur le barrage de SIVENS dans les communes concernées , peut être aurions nous évité la mort inutile de ce jeune étudiant ..
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