dimanche 28 décembre 2014

Pitié pour Zemmour



On ne parle que de lui, son livre se vend comme des petits pains, il y a même des livres sur son livre ! Consécration suprême : la classe politique le cite, généralement pour le condamner, jusqu'au Premier ministre, insigne honneur, quoique involontaire, fait à Eric Zemmour. Tout ça est bien sûr excessif, déplacé et contreproductif, sauf pour l'auteur, qui redouble ainsi de popularité. A mon tour, je m'y mets, j'y vais de mon billet, mais pour dénoncer les menaces de censure qui pèsent sur Zemmour. Son éviction de ITélé est scandaleuse : nous sommes en République, le délit d'opinion ne devrait pas exister. Si on se met à interdire tous ceux qui ne pensent pas comme nous, où va-t-on ? Zemmour est un journaliste, un essayiste, un chroniqueur : sa liberté doit être totale. Qu'on soit réac, anar ou tout ce que vous voudrez, la liberté de penser est absolue en démocratie ; elle n'a de limite que celle de la loi.

Les attaques contre Zemmour me gênent d'autant plus qu'elles contournent le problème qu'elles croient combattre, elles le déplacent sans le régler : xénophobie, nationalisme, autoritarisme, c'est sur le terrain politique qu'il faut lutter. Le danger, ce n'est pas Zemmour, c'est Le Pen. En se focalisant sur l'un, on a tendance à oublier l'autre. Les idées ne sont jamais dangereuses : on peut mettre à disposition, dans une bibliothèque, Mein Kampf ou les oeuvres du marquis de Sade, c'est sans risque, c'est même préventif. Le danger, c'est le pouvoir. Aucun livre ne doit être caché ou brûlé, mais certaines forces politiques, en l'occurrence le Front national, doivent être combattues. Je ne suis pas inquiet du nombre de lecteurs de Zemmour (dont d'ailleurs je fais partie, pour m'informer, comme j'ai lu Mein Kampf et Sade) ; mais je suis effrayé par le nombre d'électeurs de Le Pen.

Le phénomène Zemmour ne me préoccupe pas trop non plus parce qu'il est bien connu, parce qu'il s'est déjà produit par le passé (mais les gens, aujourd'hui tellement sollicités, oublient tout). La figure de l'essayiste réactionnaire est récurrente dans la vie politique et littéraire française : dans les années 60 et 70, il y a eu Jean Cau et Michel Droit ; dans les années 80 et 90, Jean Dutourd, Dominique Jamet, Philippe Tesson, et d'autres qui ne me reviennent plus en mémoire, tous hommes de droite à des titres divers, anticonformistes de talent, parfois pamphlétaires. Leurs livres à eux aussi se vendaient bien, sur des contenus assez voisins. La seule différence, c'est qu'il n'y avait pas autrefois l'influence des chaînes d'information continue, leurs multiples tribunes et débats. Notons aussi que ce type d'auteurs rencontrent souvent le succès lorsque la gauche est au pouvoir, ce qui est logique : ils ne font que refléter la part réactionnaire de l'opinion publique, qui a toujours été importante dans notre pays.

Si la gauche veut combattre Zemmour, il faut qu'elle le fasse à travers la confrontation d'idées, pas par l'indignation morale, la censure médiatique ou le recours judiciaire. Ses idées sont vieilles comme le parti réactionnaire : la France est en déclin, notre peuple est menacé dans son identité, les moeurs souffrent de trop de liberté, voilà ce qu'il faut discuter et récuser. Le parti socialiste doit renouer avec les intellectuels, dont il s'est depuis trop longtemps éloigné. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour mener le combat idéologique. A condition que ces intellectuels consentent à s'engager dans le débat public, à entrer dans l'arène médiatique, ce qu'ils ne sont pas toujours prompts à faire. Car le succès de Zemmour vient aussi de son habileté à communiquer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vous avez raison de mettre en avant non pas ZEMMOUR mais le FN dont hélas les nouvelles cantonales vont sans doute rehausser les prestations , mais ZEMMOUR comme APATHIE sont des musiciens de fanfares populaires , grosses caisses , tambours et clairons et pas des délicats des orchestres symphoniques qui privilégient une musique de haut niveau intellectuel !!
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