lundi 9 mai 2016

Macron président



Je n'ai pas trouvé que le discours d'Emmanuel Macron à Orléans, pour la célébration de Jeanne d'Arc, ait été très bon. J'ai lu attentivement le texte intégral : c'est appliqué, bien intentionné, mais ça ne suffit pas à faire un bon discours. Je m'attendais à un peu plus de hauteur, de lyrisme. Ce n'est pas très bien écrit, les rapprochements historiques sont discutables, l'actualisation de Jeanne est par définition anachronique, le message sur l'identité nationale est plutôt banal. Hier, j'ai relu mon vieil exemplaire de Michelet (en vignette) : c'est évidemment autre chose.

Il faut dire aussi que parler de Jeanne d'Arc pour un homme politique contemporain, c'est mission impossible. Qu'est-ce qu'une mystique en armure d'il y a cinq siècle a à voir avec la France démocratique de notre époque ? Rien du tout. S'en inspirer est forcément artificiel, parfois ridicule. Que des Résistants se soient référés à la figure de Jeanne d'Arc en 1940-1944 avaient un sens dans une France occupée, rêvant de libération ; aujourd'hui non.

L'extrême droite, depuis très longtemps, a utilisé Jeanne pour une raison complètement oubliée : son anglophobie, censée nourrir son nationalisme. Pour ce courant politique, l'Angleterre combattue par Jeanne d'Arc était l'ennemi héréditaire, la perfide Albion, le pays où sont nés la démocratie parlementaire, le libéralisme économique, la franc-maçonnerie et les protestants anglicans, tout ce que l'extrême droite détestait.

Suis-je déçu par Macron ? Non, la déception est un sentiment d'enfant, que je n'éprouve plus depuis que je ne le suis plus. Je continue à marcher avec le ministre et à préparer le porte à porte de ce mois, dans l'attente du go de départ de la grande marche. Et puis, un discours politique n'est pas un exercice littéraire. Dans les années 70, les discours pseudo-marxistes de François Mitterrand étaient grotesques ; ça n'a pas empêché de faire de lui un grand politique, que j'admire.

Personne n'a retenu le discours de Macron à Orléans, parce que l'essentiel ne s'est pas joué dans les mots, mais dans les images. Et là, tout le monde a été frappé par cette séquence très présidentielle. Macron debout, discourant, mèche au vent, sur fond de tribune d'élus, barrés de tricolore ; Macron entouré d'un préfet, d'un militaire et d'un évêque, comme dans un film de Claude Chabrol ; Macron serrant des centaines de mains qui se tendent vers lui, une cohue sympathique, un enthousiasme flagrant, une popularité incarnée et non plus sondagière, un soleil magnifique qui était de la partie.

Ne compte que ces images-là, qui disent toutes la même chose : Emmanuel Macron est président, veut être président, sera peut-être un jour président. La rumeur d'Orléans n'était pas du tout hier celle étudiée par Edgar Morin à la fin des années 60. La nouvelle rumeur, c'est un désir, un espoir, un rêve : Emmanuel Macron sera demain, sans qu'on sache quand, l'homme de la situation pour une gauche moderne en quête de pouvoir. Ce désir, cet espoir, ce rêve, je les partage.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'espère que macron ne sera jamais président.
On a déjà vu son pouvoir de nuisance avec sa fameuse loi.
J'espère que les socialistes se vautreront à la présidentielle, qu'ils n'oublient pas qu'ils ont été pendant dix ans exclus du pouvoir suprême et que cette fois leur traversée du désert durera beaucoup plus.

Anonyme a dit…

La Grande marche d'Emmanuel Macron ? Comme celle du Président Mao Tsé Toung ?
Une gauche moderne, c'est toujours l'alibi de gens qui se disent de gauche mais font la même politique que la droite. Comme les réformes, toutes néolibérales comme celles de la droite.
En fait La gauche rétrograde qui s'accommode très bien de 5 millions de chômeurs et de 10 millions de pauvres.
Tout cela va se payer en 2017 où la gauche rarement aussi divisé risque de prendre une raclée historique qui la renverra à ses chères études pour une longue traversée du désert pire que celle entre 1958 et 1981 où, je vous l'accorde bien volontiers, un Homme d'Etat François Mitterrand a su vaincre la malédiction d'une gauche écartée du pouvoir. Cependant il est la cause d'une ambiguïté forte à la source du malaise politique actuel de la gauche: la liquidation de toute forme de socialisme au profit d'une Europe libérale.
Cela dit, je vous l'accorde, Macron, il est jeune et beau ! C'est bien autre chose que ces politiciens blanchis sous le harnais, même comme Valls, Benito Valls, le catalan colérique et autoritaire.
Pour voir Macron en Président il vous faudra attendre au moins 2022, ne rêvez pas!