dimanche 31 mai 2015

Sarkozy ne change pas Sarkozy



Le week-end a été important pour un homme de droite. Pour un homme de gauche aussi, puisque les adversaires sont autant préoccupés à se connaitre qu'à se combattre. La droite a changé de nom, mais pas de visages : tous ceux qui se sont succédés à la tribune nous sont familiers, souvent depuis longtemps. Quant à l'appellation, c'est dans la tradition de la droite, gaulliste ou libérale, d'en changer régulièrement : six fois depuis la Libération, alors que dans le même temps les socialistes n'ont changé qu'une fois. Ce constat est paradoxal mais pas anodin : le parti de l'ordre et de la continuité est instable dans ses désignations, comme s'il avait du mal à se définir. C'est que sa dimension électoraliste est forte, et que la variété des étiquettes doit rendre plus alléchant le produit. A gauche, la dimension idéologique est plus forte (le PCF, qui fêtera dans quelques années son 100e anniversaire, n'a jamais modifié son nom). Quant à la petite querelle sur la récupération du terme "Républicains", elle m'a paru secondaire et vaine : chacun s'appelle comme il veut, les mots ne sont la propriété de personne et l'électorat n'est jamais dupe (Les Républicains, c'est la droite anciennement gaulliste, c'est le parti qu'on appelle conservateur dans les autres pays européens, point).

Il a été question d'un discours fondateur ou refondateur, à propos de l'intervention du président du nouveau Les Républicains. Je l'ai plutôt entendue comme un discours continuateur : Nicolas Sarkozy a repris ses grands thèmes, il s'en est pris très classiquement aux socialistes. Qui pourrait citer une seule idée nouvelle et forte dans ses propos ? Personne ! C'est la différence notable avec les précédentes reformulations de la droite, qui correspondaient toutes à un tournant politique : le RPF, c'est le gaullisme d'opposition ; l'UNR, c'est le gaullisme fondateur d'une nouvelle République ; l'UDR, c'est le gaullisme de gouvernement ; le RPF, c'est le travaillisme à la française ; l'UMP, c'est l'union des gaullistes avec le centre. Mais Les Républicains, c'est quoi ? Sarkozy, le retour, la confirmation et la mise sur orbite présidentielle de Sarkozy, tel qu'en lui-même le temps ne l'a pas changé.

Bien sûr, il y a un culte et une culture du chef, à droite, qu'on retrouve beaucoup moins à gauche. Autrefois, le parti gaulliste a eu De Gaulle, puis Chirac ; aujourd'hui, c'est rebelote avec Sarkozy. C'est assez incroyable : cet homme battu, qu'on aurait pu croire fini, qui avait annoncé son départ, revient comme si de rien n'était et est prêt à rejouer le film, en se réservant le premier rôle. Aucune autre démocratie occidentale n'oserait imaginer un tel scénario : quand le peuple tourne la page, l'homme politique n'insiste pas. La droite change de nom, mais Nicolas Sarkozy ne change pas d'ambition : redevenir ce qu'il a été. C'est assez étrange : l'ambition se donne des défis nouveaux, part à la conquête de cimes inexplorées. Viser un poste qu'on a déjà occupé, est-ce encore une ambition ? Mais il y a bien un défi : un président battu qui veut redevenir président, ça ne s'est jamais vu, c'est gonflé.

En politique, on n'est jamais si mal servi que par les siens : les militants, qui n'en manquent pas une, ont hué devant les caméras Fillon et Juppé, ce qui était du plus mauvais effet médiatique et politique. Les deux victimes ont dû être satisfaites, pouvant tirer tout leur profit de l'incident. Finalement, le seul petit intérêt de ce congrès, pour un observateur de gauche, aura été celui-là.

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