mercredi 13 mai 2015

Cas d'école



En politique, les avis individuels comptent pour peu de chose. Ce qui compte, ce sont les mouvements collectifs, les tendances générales. C'est pourquoi je ne vous donnerai pas ma position personnelle sur la réforme du collège, d'autant que les lecteurs de ce blog la déduiront facilement. En revanche, je crois utile de proposer quelques réflexions qui dépassent l'opposition des d'accord/pas d'accord et portent un regard plus global sur le problème :

1- Depuis 30 ans, toutes les réformes de l'école, quelles qu'elles soient, proposées par la gauche ou par la droite, sont systématiquement contestées par une grande partie de l'opinion, enseignants, parents, syndicats, spécialistes, politiques. Il semble impossible de parvenir à un consensus, même relatif, autour de n'importe quel projet. Les ministres de l'Education nationale les plus populaires sont ceux qui n'ont pas réformé. Nous sommes en démocratie, le peuple est souverain, on ne gouverne qu'en vue de l'intérêt général. La question se pose donc, brutale : faut-il continuer à vouloir changer l'école puisque nos concitoyens semblent refuser tout changement ? Les organisations syndicales et bien des enseignants réclament des moyens supplémentaires, mais ne souhaitent pas vraiment des réformes structurelles : alors, à quoi bon ?

2- Je ne comprends pas que les programmes scolaires, dont la conception relève de considérations pédagogiques et intellectuelles, deviennent l'objet d'un débat politique, dans lequel les partis s'engouffrent à des fins souvent polémiques. La question de leur réforme ou de leur refonte, qui est essentiellement technique, doit être réservée aux seuls professionnels. Les critiques sur le jargon dans lequel ces programmes sont exposés sont un peu faciles et forcent souvent la caricature. Moi aussi, je préfèrerais un style clair, dépouillé, compréhensible. Mais ce sont des tics de langage de toute notre société, depuis quelques années, de se complaire dans des vocabulaires technocratiques. L'école n'est pas seule en cause. Et puis, ce problème est de forme, pas de fond.

3- Le débat sur l'école reprend depuis 30 ans les mêmes formules paradoxales, qui ne font pas avancer le débat. D'un côté, il y aurait les partisans du "nivellement par le bas", expression qui est un pléonasme : un nivellement par le haut, ça n'existe pas. De l'autre, il y aurait les partisans de "l'élitisme pour tous", expression qui est un oxymore : l'élitisme ne concerne forcément qu'une minorité. Ces deux positions sont purement rhétoriques et ne débouchent sur rien.

4- L'unique question politique qui mérite d'être posée ne concerne ni les programmes, ni les horaires, ni aucun point purement scolaire, mais : quelles finalités notre société veut-elle attribuer à l'école ? Il y a deux réponses, tout aussi légitimes l'une que l'autre, entre lesquelles il faut choisir : une école qui se donne pour objectif de former l'ensemble des citoyens, qui les prépare à leur insertion professionnelle, qui s'adresse donc à la totalité d'une classe d'âge, qui s'adapte aux capacités et aux besoins des élèves ; ou bien une école qui se donne pour objectif de repérer et d'instruire les futurs cadres de la nation, les métiers à hautes responsabilités, à l'aide d'exigences élevées et sélectives. Veut-on une école où il suffit d'être bon ou une école où il faut être parmi les meilleurs ? Veut-on un collège qui s'inscrit dans le prolongement de l'école primaire ou bien un collège qui anticipe le lycée ? Entre ces deux perspectives, qui renvoient à des philosophies de l'école complètement différentes, j'ai fait depuis longtemps mon choix. Le vrai débat politique est là ; le reste est secondaire, accessoire, technique ou polémique.

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