vendredi 29 mai 2015

Camba 1er, lamberto-socialiste



Jean-Christophe Cambadélis a été hier soir élu premier secrétaire du Parti socialiste, par l'ensemble des adhérents (auparavant, il avait été simplement désigné par les instances nationales, parce qu'il fallait bien remplacer Harlem Désir au plus vite). Camba, quel parcours ! En 1986, ce n'est encore qu'un militant trotskiste, alors que la gauche a déjà connu ses heures de gloire (la victoire de 1981) et ses métamorphoses irréversibles (le tournant de la rigueur en 1983). C'est le moment où il choisit d'adhérer au PS, avec quelques centaines de ses camarades, tous lambertistes, une version hard du trotskisme. Pourquoi lui, pourquoi là ? Allez savoir ce qui se passe dans la tête d'un lambertiste !

Camba, je l'ai personnellement connu en deux temps : de 1995 à 1998, où nous sommes tous les deux membres de la même section, celle du XIXe arrondissement de Paris. Christophe Borgel, qui s'occupe aujourd'hui des fédérations à la direction du parti, est déjà à ses côtés, son plus proche. En 1997, je fais la campagne législative de Cambadélis, qui est le député sortant (il est monté très vite dans l'appareil, parce que c'est un pur homme d'appareil, désormais à son sommet, comme c'est logique). Je le retrouve dans les années 2000, au sein du courant strauss-kahnien : l'ancien trotskiste devenu lieutenant du futur patron du FMI, ça ne manque pas de sel !

Camba, ce n'est pas un type particulièrement sympa. Mais est-ce qu'on vous demande d'être sympa en politique ? Comme partout, il faut surtout être efficace. De ce côté-là, Camba n'est pas un manchot. Sa spécialité ? Les alliances impossibles. Son secret ? L'école lambertiste, la meilleure formation en matière de tactique, et le syndicalisme étudiant pour les travaux pratiques. Camba, ce sont des yeux qui se plissent et une voix grave : le gars qui comprend tout avant tout le monde et qui dit à chacun ce qu'il a envie d'entendre. Quand le Grec se met à sourire, ce qui n'est pas vraiment sa spécialité, c'est que vous êtes perdu.

Le lambertisme est un bon produit à l'importation pour le PS, éprouvé depuis longtemps à FO. Premier fait d'armes de Camba : il est l'inventeur de la gauche plurielle en 1997, il ramène les communistes dans le sillage des socialistes, alors que le PS, depuis plus de 10 ans, s'était converti à la politique de rigueur. A la fin des années 2000, nouveau coup politique de Cambadélis, en interne : il scelle la réconciliation entre fabiusiens, strauss-kahniens et rocardiens, qui se détestaient cordialement, les bombarde "reconstructeurs" et va chercher Martine Aubry comme dénominateur commun. Lors du présent congrès, il ramène Martine dans le camp majoritaire, alors que tout la destinait à prendre la tête des frondeurs. Un type qui est capable de ça a de l'or dans les mains et devient forcément le patron.

Une blague court depuis longtemps Solférino sur Cambadélis : "c'est le gars qui, pour vous unir, vous rassemble dans une salle, ferme la porte et garde la clé". Au bureau national, il a gardé la bonne vieille méthode de Mitterrand : laisser les chefs de courant parler et s'écouter eux-mêmes, faire autre chose pendant ce temps-là (Mitterrand en profitait pour rédiger des cartes postales, les militants aiment bien ça) et conclure comme on a commencé, sans rien changer, mais tout le monde est content d'avoir pu démocratiquement s'exprimer.

Dans L'Obs du 13 mai, Jean-Christophe Cambadélis se lâche, ce qui n'est pas son genre. Il donne son accord pour un congrès en mai, parce que c'est le mois des vacances et des jours fériés, que les minoritaires auront donc plus de mal à mobiliser. Il fallait y penser ! Quant à la rédaction de sa motion, c'est du cousu main : de Collomb à Aubry, tout le monde peut s'y reconnaitre, la tournure des phrases est un modèle en la matière. En politique, il suffit d'entendre les mots qui plaisent à l'oreille et le tour est joué. Camba le sait plus que n'importe qui, il excelle dans l'exercice. Un lambertiste peut faire signer n'importe quoi à n'importe qui, on l'a vu à Saint-Quentin en 2008.

J'ai confiance en Jean-Christophe Cambadélis, nouveau secrétaire général : le parti est mal en point, il va le remettre au travail. Les lambertistes, anciens ou actuels, sont des bosseurs. Camba va faire se bouger des sections ou des fédérations souvent amorphes, aux activités réduites aux obligations statutaires et administratives. Le sommet ne sera pas épargné : "les permanents ne sont pas au maximum de leur capacité de travail", "la production des secrétaires nationaux se réduit souvent aux communiqués de presse", c'est du Camba dans le texte ! Car le pire ennemi du PS, ce n'est pas la défaite, c'est la fainéantise.

Aucun commentaire: