mardi 5 mai 2015

Le pire de la politique



Devant le spectacle que nous inflige le Front national, je pourrais me réjouir et ironiser à bon compte : depuis toujours, je hais ces gens-là, leur parti, leurs idées, je souhaite leur mort. Pourtant, c'est la tristesse et l'accablement qui me prennent. D'abord, l'extrême droite n'en ressortira pas affaiblie, contrairement à ce qu'on pourrait croire : Jean-Marie Le Pen mis à la porte, c'est une aubaine, une occasion de se débarrasser d'un passé encombrant, qui empêchait jusqu'alors au Front national d'élargir son électorat. Pourquoi voudriez-vous que j'en sois content ? D'autant que le FN n'a pas bougé d'un pouce : ce n'est pas un changement de programme, un débat idéologique, une réorientation stratégique qui provoquent la crise actuelle, mais un conflit de formes et de personnes. Les propos récents tenus par le père, ce sont ses propos de toujours, privés et publics : la fille en a été nourrie au biberon. Rien de neuf sous le soleil brûlant et fascisant de l'extrême droite.

Ma seule consolation, c'est de voir affichée une confirmation : ce parti, incapable de se diriger lui-même, est incapable de diriger la France. Mais, à part les crétins, qui ne le sait déjà, et depuis longtemps ? Le FN n'est pas un parti comme les autres, en effet : il est pire que les autres. Tout ce que la politique a de méprisable est condensé ici. D'abord, l'irresponsabilité affligeante : voilà un parti qui vole de victoire en victoire, à qui les sondages promettent un bel avenir, et qui n'en fait rien, ne profite pas de la perspective, se détruit lui-même. Il n'est même pas à la hauteur des événements que pourtant il suscite. Si ses succès futurs ne seront pas obérés, ce sera malgré lui. Ensuite, la division délétère, mesquine, morbide : le père répudie sa fille, veut lui retirer son nom, moque sa situation matrimoniale, souhaite sa défaite à la prochaine présidentielle. Humainement et moralement, c'est affligeant.

La politique est, en soi, une belle et utile activité. Mais, dans sa réalité, elle est souvent quelque chose de bas, de médiocre, de minable, que l'extrême droite, dans sa fureur et sa folie, exaspère. Le pire du pire, c'est que les frontistes vont tout gober. Les militants, en général, sont des veaux, qui marchent à la carotte et au bâton. Je parie que Jean-Marie Le Pen va se retrouver isolé dans toute cette histoire, à part quelques têtes brûlées qui vont le suivre dans sa chute finale. La politique, c'est l'école de l'adultère, l'art de la trahison, l'apprentissage de l'infidélité. Tous ceux qui ne juraient que par Jean-Marie, y compris depuis très longtemps, vont se retourner contre lui et rallier la fille. C'est une loi universelle de la politique, aussi certaine que la loi de gravitation des planètes ou l'ébullition de l'eau à 100°C : les militants vont toujours vers ceux qui disposent du pouvoir, effectif ou possible, grand ou petit. De ce point de vue, Jean-Marie Le Pen, c'est fini, sans espoir. La politique, ce n'est pas la confrontation des convictions, comme elle se présente idéalement : ce sont les rapports de forces, c'est-à-dire, au gré des circonstances favorables ou défavorables, le bal des reniements et des ralliements. Il faut beaucoup d'efforts sur soi, de foi en la politique pour continuer d'y croire. C'est aussi que le pire n'est jamais certain, parce que l'homme n'est pas totalement assimilable à l'eau ni aux planètes.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Et en 33 étaient ils capables de gouverner ce REICH qui a mis l’Europe à feux et à sang ??

.

Emmanuel Mousset a dit…

Des incapables au pouvoir, ce n'est pas rare. Et des incapables peuvent être aussi des meurtriers.

Anonyme a dit…


"Des incapables au pouvoir, ce n'est pas rare."
En effet notre Président va faire des salamalecs aux Princes du Golfe qui ne sont pas sans rapport avec le développement d'un Islam qui n'est pas celui des Lumières.
Un bon bouquin à lire sur le sujet celui de Boualem Sansal "Gouverner au nom d'Allah" ........

Emmanuel Mousset a dit…

Si Hollande ne devait rencontrer que les chefs d'Etat qui s'inspirent des Lumières, il ne rencontrerait plus grand monde.

Anonyme a dit…

Désolé de relever la contradiction qu'il y a à organiser et à défiler pour protester contre les attentats de janvier et qq mois après de rencontrer des personnages dont beaucoup d'observateurs y compris dans le monde musulmans relèvent le comportement financier pour le moins ambigu dans le financement du salafisme.
Il faut lire certains articles de la presse algérienne et quelques auteurs qui prennent en dénonçant cela beaucoup de risques personnels.

Emmanuel Mousset a dit…

Ca ne change rien à ma réponse. Disons qu'il faut savoir vivre avec ses contradictions. Sinon, on ne fait pas de politique, on reste chez soi et on vit dans un monde idéal.

D. a dit…

Le Lepénisme finira sans doute comme le Boulangisme et l'Hitlérisme : en vaudeville avec en point final, la mort du petit cheval... Mais auparavant, il peut y avoir plus ou moins de grabuge...
Hélas !

Emmanuel Mousset a dit…

L'hitlérisme qui finit en vaudeville, vous y allez fort ...