Nos ancêtres des cavernes

L'ouverture il y a quelques jours d'une réplique de la grotte Chauvet est un événement mondial. D'abord, quelle drôle d'idée, unique en son genre et pourtant géniale : faire visiter un site entièrement faux, qui imite à la perfection le vrai. C'est bien la première fois qu'on applaudit, dans le domaine de l'art, à une entreprise de faussaire ! Car cette grotte doit être paradoxalement protégée des hommes, elle qui a été jusqu'à présent, pendant 36 000 ans, préservée de tout. Initialement, dans la période préhistorique, peu d'individus pénétraient dans cette enclave enfouie assez profond, accessible par un boyau ... difficilement accessible. Comme si la grotte Chauvet n'avait pas été faite et aménagée pour les hommes.

Cette affaire me passionne. On discute beaucoup, en ce moment, des programmes d'histoire, savoir si le siècle des Lumières ou la Renaissance doivent figurer. Mais c'est l'enseignement de la préhistoire qui compte, qui écrase tout : ce sont les origines de l'humanité qui nous intéressent, pas les péripéties ultérieures qui toutes se ressemblent parce qu'elles se répètent. L'histoire proprement dite, ce sont quelques dizaines de siècles, rien du tout par rapport à la durée de la préhistoire, qui s'étale sur des dizaines et des dizaines de millénaires. Les enfants, qui ont toujours raison, le savent d'instinct : ils aiment qu'on leur parle d'hommes des cavernes, de mammouths et de dinosaures. Moi aussi.

Pourtant, on ne sait pratiquement rien de la préhistoire. Mais c'est ce qui fait tout son intérêt : il y a des énigmes, des mystères, on se pose des questions, il n'y a pas de réponses certaines. La préhistoire, c'est une matière à philosophes, pas à historiens ou à scientifiques. Pourquoi la grotte Chauvet n'était-elle pas un habitat, à une époque où l'on se caillait ? A quoi servaient ces milliers de dessins peints, plongés dans l'obscurité, seulement réveillés par le torche des artistes ? Il est probable que ce qu'on appelle aujourd'hui l'art, à finalité esthétique, était à l'époque une forme de culte, de religion. Mais quelles merveilles sur ces parois ! Comment ce sauvage, cet inculte d'homme préhistorique a-t-il pu faire ça ? Peut-être parce que le civilisé c'était lui, et les barbares, nous, aujourd'hui, et depuis pas mal de temps. Comme si l'humanité avait mal tourné, comme si elle avait lentement dégénéré, sous ses impressionnants progrès techniques ...

Et puis, mystère des mystères : ces peintures innombrables ne représentent jamais aucun homme, aucun végétal, pas un paysage, pas même ce ciel, cette lune et ces étoiles qui devaient alors paraitre tellement mystérieux. Non, que des animaux, de toute sorte, surtout des bêtes dangereuses. Mais pas de scènes de chasse. Allez expliquer ça !

Si vous ne pouvez pas aller tout de suite en Ardèche, je vous conseille la lecture du hors-série du journal Le Monde, consacré à la grotte Chauvet. Vous pouvez aussi voir ou revoir le récent et dernier très beau film de Werner Herzog, La Grotte des rêves perdus. Rien que le titre fait envie ...