mercredi 20 mai 2015

La réforme impossible ?



Pourquoi est-il impossible de réformer l'école ? Pourquoi un gouvernement de gauche est-il, sur ce sujet, contesté par des forces de gauche ? A chaque fois, le débat est mal engagé, désinformé, partisan, hystérique. Aborder la question scolaire en termes de matières, de programmes ou d'horaires, c'est se condamner à l'impasse, à l'échec, à des controverses surréalistes. Je crois qu'il faut partir du commencement, qui est la pédagogie. Je vais essayer de le faire à partir de trois propositions qui concernent trois points essentiels, sur la discipline, l'excellence et l'ennui.

1- Une discipline n'est pas une fin mais un moyen
. Je répète régulièrement à mes élèves que la philosophie que je leur enseigne n'est pas un but en soi, qu'une fois le bac en poche ils n'entendront peut-être plus jamais parler de leur vie de cette matière, que plus jamais ils n'ouvriront un bouquin de philo. Et j'ajoute aussitôt que ce n'est pas grave du tout, qu'ils ne sont pas en philo pour la philo, mais pour développer un certain nombre de qualités intellectuelles (curiosité, critique, argumentation, etc) qui leur seront utiles et nécessaires dans leur vie professionnelle, peut-être même dans leur vie tout court.

La philosophie n'est donc pas un objectif (sauf pour ceux qui veulent devenir prof de philo, mais je n'en connais pas beaucoup ...), mais plutôt une occasion. Ces qualités intellectuelles développées par la philosophie ne sont pas propres à cette matière : on les retrouve dans toutes les autres, chacune les traitant à sa façon particulière. C'est pourquoi le débat sur l'école ne doit pas tourner aux comptes d'apothicaire entre le latin, l'histoire ou je ne sais quelle autre discipline, chacune défendant son pré carré. C'est l'approche globale qui prévaut, la solidarité entre les disciplines et leur utilité. A part les philosophes, personne ne fait de la philosophie pour le plaisir de philosopher, mais parce que c'est utile à quelque chose, que ça prépare à l'avenir.

2- L'excellence est un non sens. C'est une notion qui m'irrite, qui me semble purement idéologique, qui ne correspond à aucune réalité du terrain et du métier. Je ne cherche pas à ce que mes élèves soient excellents, mais à les faire progresser. Les élèves excellents, il y en a quelques-uns, ils sont très rares, et ils ne sont pas excellents grâce à mon travail : ce sont des élèves doués, comme on dit. Ce ne sont pas eux qui m'intéressent, mais les mauvais élèves et la masse des élèves médiocres, parce que je sais que grâce à moi (et à eux !), ils peuvent s'améliorer. S'ils deviennent moyens, je suis satisfait. S'ils sont bons, je suis heureux. Mais je n'ai pas besoin d'espérer une chimérique excellence pour accomplir mon travail et apporter aux élèves.

3- L'ennui est un faux problème. La réforme du collège est souvent justifiée par cet objectif, lutter contre l'ennui des élèves. Mais l'ennui est un état naturel : on impose à l'élève des disciplines qu'il ne choisit pas, qui a priori ne l'intéressent pas, qui exigent tout un travail de sa part : l'ennui est donc une réaction normale, à laquelle on peut donner un autre nom, moins avouable, la paresse. Un collégien qui s'ennuie, c'est comme un écolier qui se plaint d'être fatigué en rentrant chez lui : c'est normal, c'est logique, mais ça ne doit pas devenir un prétexte pour ne rien faire.

Dans une classe, l'ennui mène à beaucoup de choses, à condition d'en sortir, par le travail de l'élève et par l'enseignement du professeur. Ce n'est pas une question de programmes, de leur contenu, mais de pédagogie : il n'y a pas de programmes ennuyeux, parce que tout peut être rendu utile et intéressant ; en revanche, il y a des profs très ennuyeux, parce qu'ils ne savent pas faire, parce qu'ils n'ont pas été préparés à ça, parce qu'ils se font des idées fausses sur le métier, parce qu'ils se laissent guider par leur propre nostalgie d'anciens élèves. S'il y a une réforme à faire, c'est moins sur les programmes que sur la formation des enseignants.

Et puis, en matière de pédagogie, le maître-mot est de laisser la liberté à l'enseignant, à partir des objectifs qui sont ceux de sa discipline : ce n'est pas avec des programmes qu'on enseigne, mais avec un savoir faire, de la souplesse, un sens de l'adaptation aux élèves qu'on a devant soi, un mélange d'autorité et de passion. Un enseignant qui ne s'ennuie pas en faisant cours n'ennuiera pas ses élèves.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"A chaque fois, le débat est mal engagé, désinformé, partisan, hystérique."
Ne pensez-vous pas que votre remarque est valable pour tous les débats politiciens quelque en soit le sujet ?
Le bien commun n'est pas ce qui guide le plus les débatteurs mais plutôt la défense d'intérêts particuliers.
Ces intérêts particuliers sont enfouis systématiquement sous une présentation dégoulinante de bos sentiments.