lundi 25 mai 2015

Référendum et mariage




Une fois n'est pas coutume, je laisse le billet d'aujourd'hui à Michel Magniez, délégué régional de l'association SOS homophobie, qui m'a fait parvenir une réaction, ci-dessous, à mon billet d'hier, d'un avis différent au mien, même si la finalité est identique.
J'en profite pour rappeler qu'il animera demain soir un débat à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, au cinéma de Saint-Quentin, à la suite de la projection du film de Michael Mayer, Alata (affiche en vignette). Il aura pour invité Jean-François Birebent, professeur agrégé d'histoire-géographie. La séance commencera à 20h00.


1 - Je ne pense pas que "la réforme du mariage aurait sans nul doute été majoritairement approuvée" par voie référendaire en 2012-2013 : la Manif pour Tous n'aurait eu de cesse d'accumuler les mensonges et d'attiser les craintes, comme elle l'a fait durant un an, et je pense que la majorité en faveur du mariage pour tous aurait vraisemblablement été plutôt courte. Les sondages de l'époque tendent d'ailleurs à accréditer cette hypothèse, si l'on considère que l'organisation d'un référendum aurait sans doute clivé encore davantage les deux camps.

2 - Il est même possible que le référendum ait été gagné par les opposants, à une courte majorité, ce qui aurait été désastreux moralement pour les couples concernés, et politiquement pour le gouvernement. En effet, il est plus facile de mobiliser des gens contre une réforme, même pour de mauvaises raisons, que de les faire se déplacer pour cette réforme. De plus, la manif pour tous avait les moyens financiers et les réseaux nécessaires pour développer une vaste campagne de dénigrement contre les droits LGBT, alors que les partisans de ces droits n'avaient pas de moyens comparables pour mener campagne.

3 - La promesse de campagne de Hollande était claire : l'ouverture du mariage était de fait promise aux couples de même sexe, et il n'était pas question de soumettre cette promesse à un référendum pour la valider. Là encore, politiquement et moralement, il aurait été catastrophique de remplacer la mise en oeuvre de l'action promise par l'organisation d'un référendum qui aurait conditionné la réalisation de cette action.

4 - La constitution française ne permet de toute façon pas d'organiser un référendum sur des questions comme celle du mariage pour tous.

5 - D'une manière plus générale, on peut contester qu'il soit bon d'organiser un référendum sur les droits d'une minorité, en subordonnant l'octroi de ces droits au bon vouloir de la majorité. Le droit de vote des femmes aurait-il dû être décidé par référendum dans les pays où il n'existait pas ? La fin de l'apartheid, l'ouverture des droits civiques aux USA, la mise en place de la Halde puis du Défenseur des Droits en France... auraient-elles dû être soumises à l'approbation des majorités qui exerçaient elles-mêmes l'oppression ou les discriminations ?

6 - Enfin, la Manif pour Tous aurait elle-même souhaité l'organisation d'un référendum : c'était sa grande idée que de retarder au maximum l'application de la promesse de F. Hollande. Elle pensait ainsi pouvoir mobiliser encore davantage de personnes contre ce projet, et faire croire que Hollande n'avait aucune crédibilité. Le référendum, en France, était clairement un piège tendu, et je suis heureux que ni Hollande, ni Ayrault, ni Taubira, ni Bertinotti, ne soient tombés dans ce piège tendu par les opposants.

Au final, je me réjouis bien évidemment du succès du référendum organisé en Irlande, mais aussi de la réforme du mariage mise en place en France. Je pense qu'il ne faut pas regretter que la France ne soit pas passé par voie référendaire : et d'ailleurs, l'Irlande est le seul pays à avoir choisi cette voie - la France ne fait donc pas figure d'exception en ayant réalisé le choix de la procédure législative. L'engagement de l'exécutif et d'un certain nombre de responsables PS/MRC aurait cependant pu être plus grand encore : rappelons d'une part que le gouvernement a choisi de passer par la voie de la proposition de loi, alors qu'il aurait pu en faire directement un projet de loi. D'autre part, il est significatif que dans l'Aisne par exemple, la députée MRC Marie-Françoise Bechtel ait préféré s'abstenir sur ce texte, en s'appuyant indirectement sur certains des arguments avancés par la Manif pour Tous. Ces divisions au sein du camp de la gauche sont à mon avis plus regrettables que le refus justifié, par le gouvernement, du recours au référendum sur cette question.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En France on est trop pressé ...
Il faut laisser à la population le temps de la réflexion.
Entre le lancement du référendum (connaissance de la question) et le vote il faut plus d'un an ...
De façon que les arguments de raison puissent se faire entendre car dans un premier temps ce sont les réactions affectives qui sont sur le devant de la scène médiatique et maintant de la toile.
Encore faut-il accepter le débat et laisser des initiatives référendaires à la population et pas seulement aux professionnels de la politique.

Anonyme a dit…

L'argumentation finale est claire : pourquoi laisser la majorité choisir (et donc la démocratie opérer) lorsque celle-ci risque de nous donner tort ?

Au final, la dérive est immédiate et la démocratie n'existe pas si l'on suit une telle réflexion : chaque "camp" politique pourrait imposer ses vues au peuple par la force, en prétendant détenir LA vérité... Chose que le camp adverse réfutera immédiatement.

Le seul arbitrage valable et impartial, c'est le choix de la majorité des citoyens, pas le fait de brandir ultra-subjectivement LE "Bien", LA "Vérité",etc... Ou alors il ne faut pas se revendiquer démocrate.