dimanche 24 mai 2015

Aggiornamento sur le référendum



Tout le monde a noté le paradoxe irlandais : un pays catholique et conservateur, où l'Eglise est encore très influente, adopte largement le mariage homosexuel, à l'issue d'un référendum, le premier du genre en Europe, alors que la France de la Grande Révolution et des Droits de l'Homme, historiquement en pointe dans les combats progressistes, s'est offerte un psychodrame autour du sujet, dont les plaies ne semblent pas encore cicatrisées. Du coup, j'en viens à regretter que le gouvernement ne soit pas passé par la procédure référendaire : la réforme du mariage aurait sans nul doute été majoritairement approuvée, en faisant l'économie d'une crise qui a inutilement mobilisé une masse de citoyens hostiles et depuis meurtris.

Comme toute la gauche, j'ai beaucoup de mal, non sans raisons, avec l'idée de référendum, qui n'appartient pas à notre tradition, qui est d'essence populiste et bonapartiste : l'appel au peuple par un homme. Je lui préfère l'élection en bonne et due forme, la démocratie représentative, où l'on choisit entre des projets, sans la brutalité du oui et du non à une question souvent d'opportunité, à des fins partisanes. Et puis, le résultat d'un référendum sur le fil du rasoir, moitié-moitié, n'est pas non plus satisfaisant. Mais, aujourd'hui, je crois que la gauche doit faire son aggiornamento sur le référendum et lui redonner un sens nouveau. Ce n'est pas une réaction conjoncturelle, mais une réponse de fond à la crise de la politique que nous traversons depuis quelques années.

L'idée de réforme est complètement discréditée. Nous avons l'impression que n'importe laquelle, proposée par un gouvernement de gauche ou de droite, soulève des résistances, une opposition multiple et massive qui rendent notre pays irréformable. La gauche qui se veut réformiste ne peut plus rester sans réagir. Ou alors on décide de ne plus rien changer ! Il y a plus grave : c'est l'idée même de démocratie qui est remise en cause par une majorité de Français, jugeant la classe politique corrompue et incompétente. Je ne partage pas ce point de vue, mais je dois bien reconnaitre qu'il est très répandu. La seule solution, je n'en vois pas d'autres, c'est le référendum, qui permettrait de légitimer les grandes réformes et de renvoyer le peuple à ses responsabilités.

Si la gauche veut sauver la réforme et la démocratie, elle doit reprendre et renouveler la pratique du référendum, éventuellement en redéfinissant ses règles. En un quinquennat, nous pourrions aisément imaginer deux ou trois consultations des citoyens sur des sujets majeurs (la refondation de l'école, l'avenir des retraites, l'évolution du code du travail, les problèmes éthiques, par exemple). Sinon, c'est l'extrême droite qui tirera profit, toujours plus, de la crise de la politique. Elle a récupéré la question sociale, apparaissant (faussement) comme le meilleur défenseur des catégories populaires. Elle s'est emparée de la laïcité, en la mettant scandaleusement au profit de la xénophobie. Si l'on ne veut pas qu'à son tour la démocratie soit revendiquée par l'extrême droite, il faut s'ouvrir beaucoup plus largement à la pratique du référendum. Les maux de la démocratie française ne pourront être guéris que par plus de démocratie, et pas moins de démocratie. Au final, le choix est bien celui-là : une démocratie renforcée par le recours au référendum ou bien la solution autoritaire, qui n'est pas conforme à notre tradition républicaine.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Plus Gaulliste que les gaullistes ??

Anonyme a dit…

Nos oligarchies ont peur de leur population.
Nous avons troqué un ancien régime aristocratique pour un clone bourgeois.
J'ai à une époque lu ce qui se fait en Suisse depuis plus de 100 ans c'est globalement très sage.
J'ai été étonné de voir que dans ce pays c'est une initiative "populaire" qui a mis fin complètement à la peine de mort ... avant nous !
Il faut dire que les débat y sont très longs entre le dépôt de la question et la votation et qu'au fil des débats les esprits ont le temps de se faire des opinions motivées et de quitter les affect basiques.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je ne suis toujours pas gaulliste. Le Général n'a pas orienté le référendum vers des réformes sociales. Le seul référendum que je retiens de lui avec satisfaction : la réforme du Sénat et la régionalisation, en 1969, mais la consultation a été détournée de son but.