samedi 15 novembre 2014

La guerre fait des bulles



Parmi les nombreuses façons de commémorer la Grande Guerre, la plus originale est sans doute de s'appuyer sur la bande-dessinée. C'est ce à quoi s'est livré cet après-midi, à la bibliothèque municipale, Benjamin André (en vignette). La Première guerre mondiale, pendant le conflit, mobilise toute la société, y compris les dessinateurs. La célèbre Bécassine se met au service de la Croix-Rouge. Trois albums l'enrôlent dans la cause nationale : "Bécassine pendant la guerre" (1916), "Bécassine chez les alliés" (1917) et "Bécassine mobilisée" (1918). Même les Pieds Nickelés, pourtant affreux anarchistes, deviennent patriotes, flanqués d'un tirailleur sénégalais qui leur crie : "V'la li boches !"

Car la première caractéristique de ces BD, c'est de dénoncer les "boches", cruels, immoraux, barbares, au regard de quoi la France représente un modèle de civilisation et d'humanité. La deuxième caractéristique, c'est de ne pas aborder les horreurs de la guerre : Bécassine soigne des blessés légers, jamais de graves mutilés ; Croquignol, Filochard et Ribouldingue vont sur le champ de bataille, mais ne descendent jamais dans l'enfer des tranchées. L'époque est ainsi : on part au combat la fleur au fusil, on porte de seyants pantalons rouges (qui feront d'efficaces cibles pour l'ennemi), on s'exclame qu'"on l'aura, la tête à Guillaume !"

Il faut attendre les années 1970 pour que la bande-dessinée aborde la guerre 1914-1918 d'un point de vue plus historique, plus réaliste. Le maître en la matière, inégalé depuis mais très souvent copié, c'est Jacques Tardi, dont on peut citer et recommander les albums "C'était la guerre des tranchées" et "Putain de guerre". On passe alors d'une idéologie patriotique, moraliste et civilisatrice à une idéologie antimilitariste, humaniste et pacifiste. Tardi ne laisse pas prise à l'imagination, son dessin s'attache aux détails, les vignettes se fixent sur les visages et la psychologie qu'ils expriment.

Dans cette veine, au cours des années 80, on trouvera Servais et Dewamme, avec "Tendre Violette". Les Anglais ont aussi, à la même période, leurs auteurs de référence : Pat Mills et Joe Colquhoun, avec "La guerre de Charlie", en huit volumes, une lecture sociale et anticapitaliste de la Grande Guerre.

Enfin, Benjamin André a rappelé que nous avions, à Saint-Quentin, notre BD sur le sujet : "Raconte-moi", dessinée par Serge Dutfoy, le premier conflit mondial vu par un jeune Saint-Quentinois de 7 ans.

Une très agréable conférence, suivie par un public nombreux : Benjamin a su traiter d'un thème grave avec des pointes d'humour, à quoi se prête souvent l'univers de la BD, même quand elle est confrontée à la tragédie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour,
en complément l'excellent hors série de Beaux Arts mag
http://www.beauxartsmagazine.com/0125-815-La-Grande-Guerre-en-bande-dessinee.html
bon dimanche en BD