lundi 3 novembre 2014

Des clowns partout



Dans les années 1970, le dessinateur Georges Wolinski avait intitulé un de ses albums : "Nous vivons une époque formidable". Dans nos années 2010, il faudrait plutôt titrer : "Nous vivons une drôle d'époque". Jusque dans ma ville natale, Saint-Amand-Montrond, j'ai entendu parler, ce week-end, de ces clowns qui ne font plus rire mais qui font peur : le phénomène est général, absurde, irrationnel, à mi-chemin entre la provocation et la délinquance.

Le désir de déguisement est une tendance récente et profonde de notre société, qui touche un peu tous les milieux. Ainsi, autrefois, dans les manifs, le comportement et le vêtement étaient sobres : habits de ville ou de travail, banderoles, pancartes et slogans. Aujourd'hui, et depuis pas mal de temps, les traditionnelles manifestations ont perdu de leur classicisme pour virer au carnaval : ballons, drapeaux, confettis, perruques, accoutrements fantaisistes, etc. Je n'aime pas, je trouve qu'on n'a pas besoin de se déguiser pour protester et revendiquer.

A Saint-Quentin, il y a quelques jours, une association tenait un stand dans le cadre de la journée contre le cancer du sein. Très bien. Mais pourquoi avoir enfilé des tee-shirts roses et, par dessus, des soutiens-gorges blancs. Je n'ignore pas bien sûr la symbolique et la volonté de dédramatisation. Mais cette manie du déguisement est à la fois peu sérieuse, inutile à la cause qu'on veut défendre, et ridicule. Pourquoi vouloir à tout prix faire les clowns ?

Les politiques ne sont pas à l'abri de cette mode, eux qui pourtant devraient y résister et se montrer exemplaires. Arnaud Montebourg s'est revêtu d'une marinière pour vanter le made in France. Avait-il besoin de cette comédie pour faire passer le message ? C'est prendre les gens pour des idiots en laissant croire qu'ils ne comprendraient pas avec des mots, qu'il faut se déguiser pour communiquer. Idem pour Ségolène Royal en toge, avec un drapeau à la main, pour nous dire je ne sais plus quoi (on avait l'impression de la voir en chemise de nuit ...).

Se déguiser, je n'aime pas : c'est renoncer à soi-même, c'est s'amuser alors qu'on est un responsable public. De fait, nous assistons à une folklorisation de notre société. A la télé, se déguiser est devenu un must. Cet engouement pour le travestissement résulte aussi d'une société ludique du loisir, du divertissement. Le comble, c'est quand on se déguise paradoxalement en soi-même, à cause du miroir que nous renvoient sans cesse les médias. Je vais prendre l'exemple, parmi d'autres, de Jean-Luc Mélenchon, tellement il est frappant : j'ai le sentiment que cet homme politique, par ses outrances, ses mimiques, se caricature lui-même, joue son propre rôle, en exagéré et en accéléré. Son masque, c'est son visage ! Nicolas Sarkozy, c'est pareil : lorsque je l'entends parler, je ne sais plus si c'est lui ou son imitation par Laurent Gerra. Nous sommes vraiment entrés dans l'ère des clowns.

Moi-même, en rédigeant ce blog, en collaborant à "St-Quentin Mag", en me produisant dans de multiples activités, je me demande si je ne cède pas à cette tendance, si je n'interprète pas mon personnage, clown malgré moi, en quelque sorte. Il faut faire attention.

4 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Moi aussi j'ai souvent confondu Reiser Et Wolinski. Je préfère infiniment Reiser et son côté génial à Wolinski, un peu fade selon moi. Bref "Une époque formidable" est bien de Reiser

Emmanuel Mousset a dit…

Puisque tu le dis ...

Anonyme a dit…

Un clown triste à ce qu'on dit...

Emmanuel Mousset a dit…


Il y a de quoi ...