mardi 31 mai 2011

L'argent, le pouvoir, le sexe.

Victoire de la morale, réaction du féminisme, c'est ainsi qu'on interprète le mouvement d'opinion, l'effet médiatique à l'issue des affaires DSK et Tron. Je crois plutôt que nous assistons à la troisième phase de normalisation de la société française sur les moeurs américaines : après l'argent, après le pouvoir, c'est au tour du sexe.

Je m'explique : au XXème siècle, le grand mouvement de civilisation, c'est l'hégémonie culturelle grandissante des Etats-Unis sur l'ensemble du monde, qui se fait sentir en France dans les années 50 et qui s'accélère à partir des années 60-70. En trois phases : d'abord, l'argent cesse chez nous d'être un tabou dès les années 80-90, alors que pendant longtemps le catholicisme puis le communisme l'avaient condamné (mais l'Amérique n'est ni catholique, ni communiste !).

Ensuite, c'est l'image et la pratique du pouvoir qui se sont transformées, américanisées, dans les années 2 000 : fini la conception monarchique et gaullienne ! Désormais, il n'est plus question que de transparence, compétence, gouvernance. Et surtout, l'homme politique veut ressembler à monsieur tout le monde, comme aux USA, où il n'y a pas véritablement de "gouvernement" au sens français mais une administration, où il n'y a pas de "ministres" mais des secrétaires, où l'Etat n'est pas national mais fédéral. Nous allons désormais en France vers ça.

L'argent, le pouvoir, il ne restait plus que le sexe : c'est fait désormais, nous sommes devenus une nation protestante, après 1 500 ans de catholicisme. L'affaire DSK doit être analysée non d'un point de vue psychologique ou politique mais théologique. Qu'est-ce que le protestantisme ? Une version démocratique du christianisme, une recherche de pureté et de perfection sur terre, l'obsession du mal, l'exigence de vérité, la prédominance de la morale.

Nous y sommes : quand nos hommes publics présentent leurs excuses à tout bout de champ (Guéant encore aujourd'hui), quand l'opinion réclame la vérité et recherche des responsables, quand le zéro défaut est exigé dans n'importe quel domaine, quand on voit le mal partout, quand les citoyens se transforment en justiciers, oui nous sommes devenus sans le savoir des protestants.

A la différence du catholicisme et surtout de l'orthodoxie, qui vénèrent les saints et pardonnent les turpitudes des simples humains, attendant le Royaume pour en goûter les délices, le protestantisme exige que les hommes soient des anges dès maintenant (je force un peu le trait mais il y a de ça). C'est ce qu'on appelle aussi le puritanisme, qui a d'ailleurs sa grandeur d'âme, tout comme le catholicisme, compromis souvent dans les affaires du monde, a ses ombres terribles.

Il faut relire Luther et Calvin pour comprendre ce qui arrive à Strauss et Tron. C'est une histoire des mentalités qu'il faut faire. En matière d'argent, de pouvoir et de sexe, nous sommes devenus américains. Je ne porte d'ailleurs pas de jugement, je ne sais pas si c'est bien ou mal, je vous livre une réflexion.

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