vendredi 25 avril 2014

GM de la GLF



Saint-Quentin est une ville étape des conférences maçonniques. A peu près tous les deux ans, un Grand Maître vient nous entretenir de l'initiation, des obédiences, des symboles, etc. A chaque fois, j'honore ce rendez-vous, bien que je connaisse par coeur le discours. Hier soir, c'était le Grand Maître de la Grande Loge de France, Marc Henry, au Théâtre Jean-Vilar, à l'invitation de la loge Tradition et Liberté (en vignette, à gauche). Il est petit, fluet, le visage osseux et le crâne dégarni, une barbichette à la Lénine, un physique de professeur Tournesol vieilli. Il est debout, très droit, micro en main, costume sombre de clergyman, à l'aise, voix douce, élocution parfaite, sans notes, très pédagogue. Il n'hésite pas à poser des questions au public, manie l'humour habilement. Le parterre du théâtre est bien rempli, jusqu'au premier balcon. Au dessus de l'intervenant, dans le balcon d'honneur, comme à l'opéra, on reconnaît une figure familière, Monique Ryo, et dans la salle, quelques frères du Grand Orient.

Marc Henry commence par énumérer trois mauvaises raisons de devenir franc-maçon : faire des affaires, retrouver une bande de copains, fuir le domicile conjugal (sic). Il aurait pu en rajouter une quatrième : réussir en politique (je crois même que c'est une contre-indication). Il compare l'initiation au défunt service militaire : on rompt avec son milieu, on revient différent. Le Grand Maître a cette formule qui me laisse sceptique : "recevoir des hommes bons pour les rendre meilleurs". On a déjà du mal à être bon ; alors, être meilleur ... Finalement, les francs-maçons ont un côté enfants de choeur. Et quand Marc Henry nous annonce que la loi sacrée de la maçonnerie, c'est "aimez-vous les uns les autres", j'ai carrément l'impression d'entendre un curé. Ajoutez à ça les rites, les cérémonies et les symboles, la messe est dite. Quand on pense que certains croient encore que les maçons sont hostiles à la religion ... Ils en sont farcis.

Les propos du Grand Maître nous entraînent très haut, très loin, d'une réflexion sur les hasards de la naissance au milieu des spermatozoïdes jusqu'aux origines de l'univers avec le big bang. Il n'y a que deux sujets qui ne sont pas abordés à la Grande Loge de France : la politique et la religion. C'est bien dommage : après quinze ans d'animation de débats, je me rends compte que trois thèmes passionnent : la politique et la religion justement, et le sexe. Marc Henry décrit les règles et le comportement de ses frères en loge : écoute, respect, tolérance, pas d'opposition frontale, pas de paroles pour ne rien dire. C'est beau, j'en rêve ; mais une fois sortis des loges, les maçons notoirement connus ne gardent pas tous ces bonnes manières, l'actualité locale le montre.

Après l'exposé, le moment des questions est l'occasion d'en savoir plus. Beaucoup d'initiés sont dans la salle, on les reconnaît à la façon dont ils sont sapés : il y a un look maçon, y compris chez les soeurs. Et puis, on repère très vite leur vocabulaire. Contrairement à l'idée commune qu'on s'en fait, je ne connais rien de moins secret qu'un franc-maçon (un socialiste est beaucoup plus difficile à identifier). Un spectateur interroge le Grand Maître sur le montant des cotisations : le prix d'un café par jour, répond-t-il, c'est à dire entre 300 et 400 euros par an, précise-t-il. Autre question : comment devient-on franc-maçon ? Par la sincérité du postulant et la confiance des frères. Point de départ : être quelqu'un de bien (mais c'est quoi, quelqu'un de bien ? Je ne suis pas sûr d'en faire partie ...).

Dans toutes ces conférences maçonniques auxquelles j'assiste depuis très longtemps (j'ai commencé avec Roger Leray, rue Cadet !), je retrouve la même limite : l'intervenant ne peut pas trop en dire, puisque l'initiation se vit, mais ne s'explique pas vraiment. Du coup, nous avons droit à une série de généralités, de banalités qu'on ne peut que partager : la fraternité, l'amour de la vertu, l'ouverture d'esprit, la construction de soi, ... Autre limite : la démarche maçonnique est essentiellement symbolique et personnelle. Or, un symbole, on peut facilement lui faire dire personnellement n'importe quoi, l'interpréter n'importe comment. Le seul garde-fou, ce sont les valeurs de la République, qui borde en quelque sorte l'initiation. Mais je ne suis pas sûr que ce climat artificiel de faux mystères et de puissance apparente n'ait pas des effets négatifs dans certaines têtes en quête de vrais mystères et de puissance réelle, même si les faits ne peuvent à la longue que les dessaouler de leurs fantasmes.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Etre maçon, une contre-indication pour réussir en politique ?

Vous n'avez jamais été tête de liste,
Michel Garand si et Xavier Bertrand est maire.

Il faudrait que vous développiez votre propos afin de nous démontrer cet adage.

Emmanuel Mousset a dit…

Si j'avais été maçon, je n'aurais pas plus été tête de liste. Et Garand et Bertrand ont occupé leur position respective sans rapport avec leur engagement maçonnique.

Aujourd'hui, le mélange politique-maçonnerie a si mauvaise presse qu'il est contre-productif.