vendredi 27 novembre 2015

Une journée unique et historique



Nous avons vécu une journée historique, avec l'hommage national rendu aux victimes des attentats du 13 novembre à Paris. J'ai contribué à mon modeste niveau, sur ce blog, en consacrant plusieurs billets aux maisons saint-quentinoises qui ont arboré le drapeau tricolore. Quoique minoritaires, elles étaient plus nombreuses que je ne l'aurais cru. Cette journée est en rupture avec notre histoire et nos traditions, pour quatre raisons :

1- Jamais un tel hommage n'avait honoré des civils, mais toujours des militaires. C'est un changement dans l'image que nous nous faisons d'une victime, qui n'est plus désormais un soldat, mais un simple citoyen, un innocent.

2- Jamais il ne nous avait été demandé de mettre les drapeaux aux fenêtres. Ce geste n'est pas dans notre culture, mais une coutume américaine. Le protestantisme, qui est le substrat idéologique des Etats-Unis, extériorise la foi et les sentiments, ignore la confession privée au profit de la confession publique, comme ces étonnants cercles d'anciens alcooliques qui étalent, devant tous, leurs travers. A notre tour, nous sommes invités à ne pas garder le patriotisme dans notre cœur, mais à l'afficher aux balcons. De même, nous ne mettons plus de cierges dans les églises, en une dévotion personnelle, mais des petites bougies sur la voie publique, comportement également américain. La journée que nous avons vécue confirme un phénomène vieux d'un siècle et demi : l'américanisation de nos mœurs, paradoxalement sous couvert de patriotisme.

3- Jusqu'à présent, on ne pavoisait que pour une victoire, un événement glorieux, un acte héroïque, comme le 14 juillet et sa célébration de la prise de la Bastille. D'ailleurs, pavoiser, au sens ordinaire du terme, c'est manifester sa fierté dans la joie. Nous avons assisté aujourd'hui à un tournant : on a pavoisé à l'occasion d'une tragédie, d'un massacre et, pour le dire en termes militaires, d'une défaite.

4- Cette journée a réaffirmé la quête d'identité qui travaille la société française depuis une vingtaine d'années, avec sa réponse : la référence patriotique, qui pourtant ne va pas de soi. La population pouvait, face à l'horreur et à la barbarie, mettre en avant le buste de Marianne ou la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Non, c'est le drapeau tricolore qui a emporté la conviction, qui a semblé être l'ultime recours, le principe rassembleur contre la terreur, y compris à gauche, contrairement là aussi à ses traditions.

Mais quel est donc ce patriotisme que tout le monde brandit ? On cite Romain Gary : "le patriotisme, c'est l'amour des siens ; le nationalisme, c'est la haine des autres". Non, je n'adhère pas à cette formule trop facile, à cette distinction ténue. Jean-Jacques Rousseau nous explique que les hommes primitifs, qui ont l'esprit de tribu, aiment d'autant plus leurs proches qu'ils détestent les autres. Entre amour et haine, il n'y a pas contradiction mais complicité.

Mon patriotisme n'est pas celui-là : c'est l'adhésion à des idées, une histoire, des événements, une langue, de grands personnages, une littérature, des arts, une culture que je n'ai pas choisis mais qui m'ont formé et dont la valeur est universelle. Rien à voir avec le nationalisme, qui est un particularisme, une réduction de ce que nous sommes à une identité homogène, exclusive, violente.

Cette journée d'hommage national aura enfin été le deuil d'une génération, les trentenaires, vantés jusqu'au 13 novembre pour leur sens de la fête, leur goût pour la dérision, leur individualisme assumé, et qui ont été les principales victimes des attentats. Les voici maintenant rattrapés par le tragique, la guerre, la mort, toutes réalités qui leur étaient totalement étrangères. Le drapeau tricolore et l'hymne national n'étaient pas dans leurs mœurs ; c'est pourtant ces symboles qui leur rendent hommage au moment du grand départ. Décidément, nous avons vécu une journée pas comme les autres, un tournant, peut-être un changement d'époque.

11 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Avant la révolution française, l'Europe de la culture et des arts existait, sous l'influence aristocratique française, que Nietzsche plus tard exaltera, tous les monarques européens étaient plus ou moins cousins, d'ailleurs il se faisaient des guerre en se faisant le moins de mal possible, pas entre soldats, mais entre gentilshommes, on était du même monde. Curieusement la révolution française en voulant universaliser en direction du peuple, les grands personnages, une littérature, des arts, une culture, a surtout abouti à exalter le nationalisme à travers la figure de Napoléon, comme conséquence ultime du génie de la Révolution. Tous les pays d'Europe loin d'adhérer à l'idéal universel de la Révolution, au niveau de la mise au niveau du peuple du patrimoine culturel, se sont mis à exalter leurs particularismes, à partir notamment de l'idée romantique du génie propre à son terroir, avec particulièrement l'Allemagne qui s'est affirmée à partir de l'idée française de nationalisme. Le nationalisme a abouti à l'unification de l'Allemagne en particulier, et d'autres pays européens en général moins ambitieux, mais qui se sont "balkanisés" sur les miettes de l'empire austro-hongrois. Il y a beaucoup plus de nations aujourd'hui en Europe qu'au XVIIIème siècle où l'Europe subissait l'influence culturelle de la France et où il y avait de grands empires qui réunissaient des peuples différents. Ces peuples éparpillés et unifiés sous la bannière de grands princes, n'avaient aucune conscience de leur "génie propre". Avec la Révolution les peuples se sont mis en tête d'acquérir leur souveraineté. L'Allemagne elle s'est persuadée de son rôle hégémonique sur l'Europe, du génie de son peuple, ce qui a abouti de fil en aiguille à la guerre absurde qu'a constitué la première guerre mondiale, puis sa conséquence encore plus sanglante qu'a constitué le deuxième conflit mondial. L'émancipation des peuples s'est accompagné de l'exacerbation des nationalismes, mais pas de la culture, qui loin de s'universaliser, s'est plutôt particularisée sous l'influence romantique. Il a fallu deux cent ans et de terribles massacres et désastres pour qu'une Europe des peuples tente de s'édifier sur les ruines de conflits sanglants, dont la cause fut "le génie des peuples" ; mais le ciment qui aujourd'hui unit ces différentes nations n'est malheureusement ni la culture ni les arts comme au XVIIIème siècle, mais l'économie et particulièrement le libéralisme économique. Il n'y aura pas de paix en Europe tant que les grands personnages, une littérature, des arts, une culture ne feront pas le ciment mais tant que ce sera le libéralisme économique. Le libéralisme économique est un cheval de Troie anglo-saxon, un principe de guerre de tous contre tous, une exaltation de l'individualisme et du narcissisme. Non rien ne change et n'est près de changer, puisque le paradigme de la bourgeoisie, sortie vainqueur de la Révolution contre l'aristocratie, est l'exploitation et le profit par le travail, contrairement aux nobles qui vivait de culture et d'arts ; mais au détriment des peuples soumis à l'esclavage et privés du monde des idées et d'un idéal universel. Le constat est que l'espèce humaine est une espèce paradoxale, qu'un monde aristocratique était injuste, mais produisait moins de ravages qu'un monde soumis à l'hyper exploitation des plus faibles, pour des raisons génétiques ou de maltraitance psychologique, ou du tort produit par le fait d'être né au mauvais endroit, au mauvais moment, et surtout de toutes les ressources naturelle qu'offre la nature. L'espèce humaine est-elle vouée à disparaître, telle est la question !

Erwan Blesbois a dit…

La France n'a jamais été avare du sacrifice de son peuple, de Louis XIV à Napoléon Ier, l’hémorragie du peuple n'a jamais compté, hier au nom de la grandeur de la France, aujourd'hui au nom des droits de l'homme. La France se met en première ligne, veut toujours servir de modèle, ultime vanité, et certainement son dernier caprice.

Erwan Blesbois a dit…

Je me fous de la politique "droit de l'hommiste" du gouvernement, je me fous des élites, je suis un pacifiste, de tendance célinienne, aucune cause à mes yeux ne vaut la peine d'une guerre même contre l'Etat islamique, qu'on leur foute la paix dans leur pays, si ils veulent vivre ainsi ; mais qu'on arrête de les accueillir à tour de bras car eux ne veulent pas nous foutre la paix.

Emmanuel Mousset a dit…

Attention Erwan, Céline a mal fini ...

C a dit…

Cela dépend de ce que l'on met comme sens à l'expression "mal finir"...
Finit-on d'ailleurs jamais de finir ?
La fin de Céline n'est pas connue : ce n'est pas demain encore la veille de sa fin !

Erwan Blesbois a dit…

Alors Houellebecq finira mal certainement, car si je ne prétends pas me comparer à Céline, j'ose comparer Houellebecq à Céline.

Emmanuel Mousset a dit…

Céline, Houellebecq, Blesbois, je ne souhaite pas la mort du pécheur ...

Erwan Blesbois a dit…

Mais toute l'attitude de l'Etat islamique n'est que de provocation, comme celle d'un certain nombre de musulmans plus ou moins radicalisés, pourquoi répondre à la provocation par la violence, pourquoi ne pas répondre en tendant la joue gauche, comme l'enseigne le Christ ?

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, il faut revoir ton catéchisme ou étudier la théologie. Ce sont les personnes qui tendent la joue, pas les Etats (qui d'ailleurs n'ont pas de joues). Il faut prendre les paroles du Christ au sens littéral, pas métaphorique.

D. a dit…

Prendre une "baffe" à la mode Gosciny - Uderzo, c'est déjà avoir commis une erreur.
Tendre l'autre joue pour morfler à nouveau, c'est quoi ?
Un proverbe en latin dit que si l'erreur est humaine, persévérer dans l'erreur est l'oeuvre du Diable...
Même si de l'existence du Démon, il y a autant de quoi douter que de celle de Dieu...

Anonyme a dit…

A Erwan
Brrrrr! çà fait peur! Sérieusement,une fois qu’on a dit tout çà,on fait quoi? C’est bien beau,ou plutôt bien moche de dresser des tableaux apocalyptique dignes de Jerôme Bosch,te de se couvrir la tête de cendres. Mais concrètement, on fait quoi? On laisse tomber l’ “orient”,on laisse massacrer les quelques millions de chrétiens qui y sont encore et on laisse s’instaurer la oumma islamiste de Daech,des affidés de la Qaïda,dont Al Nosra et autres “modérés “syriens,des talibans afghans et pakistanais?On laisse la Turquie envahir le Nord de la Syrie et recréer l’ottomanie? On aide à renverser Sissi et on remet les Frères musulmans à sa place? OK!les USA ont fait connerie sur connerie,j’allais dire comme d’hab. mais la guerre,la vraie,mes p'tits pères,c’est en Europe qu’elle risque d’avoir lieu… et d’ailleurs pour les illuminés de l’auto culpabilisation,je signale que la Bosnie,tout comme le Kosovo et une partie de l’Albanie sont déjà sous la coupe des islamistes de la Qaïda depuis les guerres de “libération “(sans rire) de Yougoslavie,et maintenant,daech dispose en Bosnie et au Kosovo de bases permanentes d’entraînement et de recrutement au vu et au su de nos démocrates de pacotille… alors battre sa couple,c’est bien. Reconnaître ses erreurs,c’est bien aussi… mais tomber dans la pleurnicherie,ce n’est pas seulement irresponsable. C’est juste imbécile.