samedi 28 novembre 2015

La chasse au petit Jésus



Décembre approche, et avec lui les fêtes. C'est donc parti : la chasse au petit Jésus est ouverte. Depuis deux ou trois ans, les crèches de Noël dans l'espace public sont montrées du doigt et condamnées pour atteintes à la laïcité. Mon ami Olivier Lazo, le sympathique et dynamique président d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme dans l'Aisne (voir billet du 9 septembre), a bien voulu me prévenir, par courriel, que Xavier Bertrand faisait copain avec Jésus et ne suivrait pas les recommandations de l'Association des maires de France et de ses représentants, François Baroin (Les Républicains) et André Laignel (Parti socialiste), qui prônent l'interdiction.

Je n'ai pas répondu à Olivier, parce que je n'aime pas décevoir un ami. Il m'a invité à traiter du sujet sur ce blog : je le fais. D'abord, à tous mes amis de gauche, je demande de ne plus penser à Xavier Bertrand, de ne plus parler de Xavier Bertrand, de ne plus se référer à Xavier Bertrand. J'ai le sentiment que beaucoup d'entre eux se lèvent avec Xavier Bertrand en tête, se couchent mêmement avec Xavier Bertrand, mangent matin, midi et soir avec Xavier Bertrand à l'esprit. Je vais jusqu'à me demander s'ils ne font pas l'amour en pensant à Xavier Bertrand ... Pitié, pitié, pitié ! Chers amis, chers camarades, pensez à vous, partez de vos convictions, affirmez vos points de vue, mais ne vivez plus avec Xavier Bertrand !

Sur cette affaire de crèches, peu m'importe ce que pense et ce que fait le député-maire de Saint-Quentin : je me détermine par rapport à moi, pas par rapport à lui. Et je pense quoi ? Que cette polémique, qui revient en hiver comme les bourgeons au printemps, les moustiques en été et les marrons en automne, est ridicule, complètement ridicule. Autrefois, nos ancêtres laïques songeaient-ils à jeter l'opprobre sur des crèches qui ne sont que des motifs décoratifs, des objets de folklore plus que de foi ? Non, alors suivons leur exemple, au lieu de s'inventer de faux combats et des dangers imaginaires. La vue d'une crèche de Noël n'a jamais converti personne, et n'est d'ailleurs pas faite pour ça, mais pour faire joli. Olivier, laisse tomber cet affrontement de polichinelles.

Il y a plus grave. A l'heure où le fanatisme frappe la France, où le terrorisme et le totalitarisme islamiste menacent le monde, n'ajoutons pas de l'hystérie antireligieuse à l'hystérie religieuse. Restons-en à l'application de la loi républicaine, tempérée par le bon sens et le souci de la paix civile. Sachons discerner les priorités et les urgences. Après la chasse au voile musulman, après la chasse à la crèche chrétienne, à qui le tour ? Non, ce n'est pas ça la République, le coup de fusil quand la religion pointe le bout du nez, mais c'est l'existence et l'expression de toutes les convictions, y compris spirituelles, dans la liberté et le respect.

Enfin, nous vivons dans une société où la symbolique est en crise, où un pauvre sapin de Noël prend des allures inquiétantes de dangereux prosélytisme religieux, où la Marseillaise révolutionnaire est utilisée par des contre-révolutionnaires, où un pays de culture catholique reprend les traditions d'une nation protestante (voir le billet précédent). Il nous reste quelques signes, dont nous avons perdu le sens et que nous sur-interprétons : c'est ainsi qu'une crèche de Noël est perçue à tort pour une offense à la République et une entorse à la laïcité. Il faudrait que l'une et l'autre soient devenues bien faibles, bien fragiles pour craindre le petit Jésus, le bœuf et l'âne auprès de Joseph et Marie.

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