vendredi 20 novembre 2015

A qui profite le crime ?



Une semaine après les attentats, nous ne parlons que de ça. En 9 ans de rédaction de ce blog, c'est la première fois. La vie normale reprend peu à peu son cours, la campagne des régionales aussi, à partir de ce week-end. Personne n'ose poser la question : quelles seront les retombées électorales au scrutin dans 15 jours maintenant ? Car il y aura forcément des conséquences politiques. Mais lesquelles ?

Le chef de l'Etat s'est donné une image de chef de guerre, protecteur de la nation. Il a réagi rapidement, a riposté à la mesure de l'événement et de sa gravité. Les Français lui en sauront gré. La polémique sur les "failles" de la surveillance policière est dérisoire et déplacée. Mais le rôle de François Hollande n'est plus exactement celui de janvier, où il s'était fait défenseur de la liberté. Aujourd'hui, c'est la nation même qui est menacée, et nous ne connaissons pas les suites de cette tragédie. On sait comment on entre en guerre, on ignore comment on finit. Et puis, en matière électorale, les Français continueront, comme ils l'ont toujours fait, à voter sur les questions de politique intérieure, emploi, pouvoir d'achat, retraite ... et pas sur la politique étrangère du président de la République.

Le Parti socialiste, mal en point dans les sondages, doit afficher plus que jamais sa solidarité avec le chef de l'Etat, dans la situation qui est la nôtre. Avant les attentats, ça n'a pas toujours été le cas. Des candidats pourtant estampillés PS ont eu la tentation de jouer solo, de se dissocier du gouvernement, de refuser le soutien de ses ministres, ce qui est tout de même aberrant, surtout quand des ministres sont présents sur des listes ! La gauche de la gauche et les écologistes ne sont pas, à mon avis, dans un contexte favorable : ils répugnent généralement à toute forme d'union sacrée, surtout lorsqu'il s'agit de prendre des mesures sécuritaires et de faire la guerre.

Et la droite ? Elle est divisée entre deux soucis contradictoires : ne pas briser l'unité nationale, n'avoir en tête que l'intérêt supérieur du pays en ces temps douloureux, et en même temps faire entendre sa différence, critiquer la politique étrangère du chef de l'Etat, se poser en alternative à l'occasion des élections régionales. Finalement, c'est la droite qui a la tâche la plus difficile, la plus délicate.

A qui profite le crime ? Nous le savons si bien, nous le redoutons tellement que nous faisons silence : ce qui se passe depuis une semaine, le déferlement d'images violentes sur nos écrans, ne peut que profiter au Front national, déjà à un niveau élevé avant les attentats. Car les thèmes qui lui sont chers, insécurité, menace islamiste, désir d'ordre et d'autorité, référence à la nation, circulent désormais, encore plus, un peu partout. Le vote FN, c'est le vote de la peur et de la xénophobie, que les événements tragiques ne peuvent que renforcer.

Il faut bien sûr lutter contre cette tendance, qui n'est pas non plus inéluctable. Car il ne sert à rien d'ajouter de la violence à la violence, du désordre au désordre. La France a besoin d'unité et de calme, que ne lui apporterait certainement pas une victoire du Front national. Ce qu'il faut expliquer, c'est que le nationalisme et le djihadisme, l'extrême droite et l'islamisme radical, s'alimentent l'un l'autre, comme dans un effet de miroir inversé. Tous les deux se confortent mutuellement en se dénonçant réciproquement. Ce sont les meilleurs ennemis du monde, deux radicalités solidaires dans leur opposition, partageant un même fond identitaire, quoique complètement différents. La distinction, c'est que les uns sont simplement dangereux et les autres criminels. Ce qui est certain, c'est qu'en votant FN, on ne combattra pas la barbarie, on ne fera que rendre plus difficile une situation déjà difficile.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour moi tout est dit et bien dit !

http://www.dailymotion.com/video/x3ekxz8_attentats-de-paris-michel-houellebecq-son-violent-coup-de-gueule-contre-francois-hollande-et-manuel_tv

Erwan Blesbois a dit…

On nous a demandé en France de tout renier, par notre éducation ; les frontières, l'appartenance ethnique, la religion, le terroir... On en a développé un esprit de dérision énorme, mais bien fragile face au péril islamiste. De l'autre côté, il y a un retour du bâton, les identitaires d'extrême-droite trouve le terreau dans des bouleversements économique, sociaux et sociétaux, qui sont trop déstabilisants. Tout comme on peut et on nous invite à comprendre sociologiquement, le terreau identitaire islamiste, dans la détresse des banlieues, qui plonge certains de nos jeunes compatriotes musulmans ou même d'origine chrétienne ou autre, dans le jihad islamiste. On nous demande de vivre, de faire la fête, d'être libre, cosmopolite ; et pourtant malgré tout ça on se fait canarder. Alors que faire ? Avoir comme seul bouc-émissaire, car toute société a besoin de bouc-émissaire, les seuls identitaires d'extrême-droite, qui eux n'ont aucune excuse sociologique, et se situent dans la mouvance fasciste française, à l'origine du nazisme ? Comment expliquer l'origine de cette monstruosité : une violence qui va crescendo depuis que je suis au monde ; ça avait commencé piano, piano, il y avait bien sûr quelques dérèglements, mais il me semble que là ça commence à atteindre des extrêmes dans la crise. La crise, LA crise devient LA CRISE, dans tous les domaines : économiques, sociaux, religieux, sociétaux, de l'éducation. Bien sûr on peut faire appel à la bonne volonté des gens, mais est-ce que cela ne risque pas de rester un vœux pieux ? La bonne volonté, c'est accepter de ne pas chercher de bouc émissaire, et l'héritage des faits que nous ont inculqué l'histoire : la mouvance identitaire française est d'origine fasciste, même si elle prétend nous protéger des excès des fanatiques musulmans. Entre fascisme et islamisme, il faut être sacrément équilibré pour tenir sur cette ligne de crête, et continuer à faire la fête, être libre et cosmopolite.

Anonyme a dit…

Même si ce que vous pressentez se passe et que l'extrême droite arrive en tête au premier tour, ce ne sera pas la fin de la France.
Dès le second tour, le balancier repartira vers la gauche (à moins de nouveaux événements dramatiques).
L'indication fournie par la participation, elle, sera intéressante en fonction de la présidentielle qui s'en suivra une bonne année après.

Erwan Blesbois a dit…

Houellebecq sens bien l'air du temps, il a un talent certain pour le restituer et même pour anticiper l'avenir, mais il n'a aucune solution politique pour résoudre les problèmes qui se posent à nous aujourd'hui. Pris au pied de la lettre, il risque même de faire le jeu du FN, malgré lui, même si son rôle est de nous mettre en garde contre nos tempéraments de Français inconséquents. Oui nous sommes inconséquents, nous n'anticipons rien ; mal récurent français qui a conduit notamment au désastre de 1940. Or les causes produisent des effets, comme notre politique désastreuse au Proche et Moyen Orients, et comme une politique d'immigration calquée sur celle de l'idéologie de gauche "sans frontièriste", et du patronat cherchant une main d'œuvre à meilleure marché, gauche et droite se rencontrant sur des positions irresponsables. Enfin en matière de politique étrangère nous ne sommes pas les seuls responsables, et nous ne sommes plus assez puissants pour prétendre être une puissance mondiale, nous sommes devenus une puissance régionale, et peut-être faut-il accepter ce nouveau rôle avec modestie, comme le fait l'Allemagne en ne jouant plus aucun rôle concernant la politique étrangère. Je vois moins le FN héritier de la volonté de puissance nationale, qu'acteur d'un repli sur soi, sur ses frontières nationales, le FN comme actant cet état de fait que nous n'avons plus un grand rôle à jouer sur la scène internationale et qu'il faut se replier sur soi. Le FN est plus lâche et veule qu'autre chose, il n'a pas de volonté d'hégémonie et d'extension territoriale comme le nazisme, son projet est plutôt de recul par rapport à des ambitions qui ne sont plus à notre portée. Est-ce à dire que je souscris à un parti qui est l'héritier des idées fascistes en France et qui a accouché du nazisme ? Non mais que les problèmes qu'il pose, même si les solutions qu'il apporte sont néfastes, mériteraient d'être débattus par les deux grands partis qui représentent les Français ; notamment le parti socialiste pour qui le problème de l'identité ne se pose même pas, n'a pas lieu d'être en république ; la gauche pour qui on a renié par éducation ; les frontières, l'appartenance ethnique, la religion, le terroir... Le parti socialiste semble en tirer une certaine fierté, mais qui nous a conduit là où nous sommes. La république risque d'être un vœu pieux si elle ne sait pas se défendre efficacement contre ses ennemis. Or aujourd'hui l'ennemi est-il l'islamisme ou le FN ? Valls pourrait dire "La république n'a ni frontières, ni couleur, ni religion, ni terroir, ni coutumes." ; eh bien cela poussé à cette extrémité devient du nihilisme, le nihilisme de notre gouvernement, car notre république à une histoire, un terroir, des coutumes que notre gouvernement nie (lire "Le suicide français", d'Eric Zemmour). Houellebecq a raison de dire : "Il est très peu probable que l’insignifiant opportuniste qui occupe le poste de chef de l’Etat ou les actes dignes d’un retardé congénital du Premier ministre, sans citer les "ténors de l’opposition", sortent avec les honneurs de cet épisode."

Erwan Blesbois a dit…

Et je ne pense pas que ce soit balancer des bombes sur les musulmans comme nous le faisons depuis 1945, qui résoudra le problème, au contraire !

Erwan Blesbois a dit…

Puisque l'histoire et les événements tragiques de la seconde guerre mondiale ont fait qu'Israël s'installe en Palestine, il faut tout faire pour qu'une paix juste aboutisse entre ces deux nations, je sais que c'est presque impossible ; mais il suffirait finalement de bonne volonté des deux côtés. Ensuite il faudrait en finir avec l'ingérence quasi systématique des Américains et de leurs alliés en terre musulmane avec des tapis de bombes. Ceci explique cela et non la religion. Effectivement je pense que les musulmans se sont radicalisés dans la religion pour se fédérer contre les Occidentaux, parce que les Occidentaux dont fait partie Israël, les ont agressé. Comment réagiriez-vous si vous étiez constamment sous les bombardements américains et de leurs alliés, vous tendriez la joue gauche, vous ne vous radicaliseriez pas ? Trop d'ingérence et d'impérialisme des Occidentaux en territoires musulmans !
Le pays France ou autre, est comme un organisme, il a une capacité d'absorption des corps étrangers limité, si il en absorbe trop, il meurt d'étouffement, Moi je propose d'accueillir pour l'instant, en l'état actuel de la crise, beaucoup moins de musulmans, surtout plus par angélisme et compassion, faisons avec tous ceux qui sont déjà ici, on peut le faire mais guère plus, car il y a un antagonisme avec certains musulmans radicalisés, pour les raisons que j'ai expliqué et dont nous sommes responsables par notre ingérence ; c'est ingérence et immigration qui doivent baisser. Même si les impératifs économiques poussent à toujours plus de pression migratoire, n'y-a-t-il pas d'autres solutions démographiques que l'immigration ? A l'échelle mondiale, à terme il faudra un Etat global supra national, mais laissons faire à la vitesse de la nature, c'est-à-dire un rythme assez lent. En attendant il faut de la justice entre les nations pour qu'elles arrivent à la concorde universelle, une fois cet idéal atteint les peuples pourront se mélanger, comme les peuples européens se mélangent déjà sans antagonisme. Cela arrivera certainement, il n'y a pas de raison, mais pas tout de suite. D'abord il faut beaucoup plus de justice entre les nations, moins d'impérialisme de la part des grandes puissances, et surtout pas de charité à l'anglo-saxonne, cela humilie.

Anonyme a dit…

Un détail: Houellebecq est plus direct vis-à-vis de Valls que ne le laisse penser la traduction: il n'écrit pas "des actes dignes d'un attardé congénital". Mais parle de " il ritardato congenito che svolge le funzioni di primo ministro", du "retardé congénital qui fait office de premier ministre". L'attaque est ad hominem. L'euphémisme est du traducteur.

Emmanuel Mousset a dit…

Un grand écrivain et un piètre politique.

Anonyme a dit…

Michel Houellebecq met les pieds dans le plat en affirmant que le duo Hollande-Valls non seulement ne résoudra pas la crise mais va même l'aggraver.
Il est vrai que les déclarations dans Valeurs Actuelles de Bachar al-Assar qui n'est certes pas un sain affirmant qu'il n'est pas question pour son pays concernant sa relation avec la France " de perdre son temps à collaborer avec un pays, ou un gouvernement, ou une institution qui soutient le terrorisme " imposent un débat de fond.
Le président syrien ne craint pas d'être clair, citant les liens bien connus de la Caste politique française avec le Qatar, l'Arabie Saoudite, la Turquie.
En fait pour Bachar, l'actuelle opposition de la France à l'Etat Islamique est de la frime, permettant aux futurs candidats à la présidentielle de 2017 de se positionner.
Je ne suis pas loin de penser comme lui, à ce jour il a raison de ne pas vouloir le soutien de la France, trop incertain...
Après les révélations de Philippe de Villiers non contestées à ce jour, les déclarations de Bernard Squarcini, ancien directeur du renseignement intérieur qui nous informe que les services syriens depuis 2 ans détenaient les noms et les parcours des 8 terroristes mais que Valls pour des raisons idéologiques les avaient refusés, la barque commence à être lourde pour le pouvoir
Michel Houellebecq qui n'en oublie de charger aussi la droite est moins convaincant quand il évoque une démocratie directe à la suisse.
Il n'en reste pas moins que nos institutions actuelles permettant à des politichiens tels Hollande et Valls d'étaler leur immense incompétence, doublée d'un cynisme intégral méritent un vrai examen de conscience. On verra plus tard...

Emmanuel Mousset a dit…

C'est tout vu. Avec la référence à Villiers, je vois à qui j'ai affaire. S'il fallait perdre son temps à contester toutes les affirmations idiotes, on n'en finirait pas.