mardi 4 décembre 2012

Un passé en chute libre



Jérôme Poinsu, dans L'Aisne Nouvelle parue hier, revient sur un point intéressant de l'histoire locale du parti socialiste, sur une pleine page : les nombreuses tentatives de "parachutages" dans la circonscription. Particularité : à part Odette Grzegrzulka, tous les autres étaient des personnalités nationales, et non des moindres, François Hollande en personne, Dominique Strauss-Kahn, Marisol Touraine ou, moins connu, Pierre Guidoni. On peut même ajouter à la liste Jack Lang, dont le nom avait un moment couru à l'occasion des dernières élections législatives. Je veux moi aussi revenir sur ce passé qui éclaire en partie notre présent, et apporter quelques réflexions complémentaires.

Les témoins de ce temps qui n'est pas si éloigné (quinze-vingt ans) sont toujours présents, plus ou moins, dans la vie publique saint-quentinoise : Maurice Vatin, Jean-Pierre Lançon, Bernard Lebrun, Denis Lefèvre. Ce qui retient tout de suite mon attention, c'est la prudence et même la retenue dans les propos des deux premiers. Bernard Lebrun est un peu plus prolixe. Ce que je trouve incroyable, et révélateur de toute une mentalité, c'est le témoignage de ce "Saint-Quentinois qui préfère garder l'anonymat" (sic). Et puis cette "autre personnalité locale" qui, elle aussi, ne donne pas son nom, comme si ce passé faisait peur, comme si sa vérité était difficile à regarder en face.

Ce passé de "parachutages" généralement avortés est singulier et embarrassant. D'abord, il prouve que les socialistes locaux ne trouvaient pas en leur sein, à l'époque, un leader capable de les conduire à la victoire. Ensuite, durant ces années-là, la notion de "parachutage" n'avait pas le sens péjoratif qu'elle a pris aujourd'hui, où l'enracinement local est beaucoup plus valorisé. Enfin, ces "parachutages" n'étaient envisagés que parce que les socialistes locaux étaient très divisés, que seul un leader venu de l'extérieur pouvait les rassembler. Vatin, Lançon, Lebrun, Lefèvre n'ont pas cessé de s'entre-tuer politiquement, de charrettes en charrettes, dans une logique, je dirais même une culture infernale de l'éviction : Lançon a été exclu dix ans, Vatin, Lebrun, Lefèvre l'ont été il y a quelques années. La prochaine fois, à qui le tour ? Dans ces conditions, le salut vient d'ailleurs, si possible du national.

Le problème, et Poinsu le montre bien avec le "parachutage" raté de Marisol Touraine, c'est que le mal entraîne le mal : une section divisée, affaiblie, complexée de devoir faire appel à l'extérieur n'est pas le meilleur terrain pour que la "parachutée" se pose en douceur. Odette Grzegrzulka, la seule à réussir son "parachutage" parce qu'en 1997, le parti avait été saigné à blanc (des exclusions en masse, à cause de la double dissidence, les socialistes rejoignant Chevènement ou ralliant la liste communiste en 1995), n'a cependant pas réussi à s'implanter durablement, à défaut d'une section suffisamment forte et unie. Ce passé ne passe pas. Il vaudrait mieux le regarder en face, l'assumer, en tirer des leçons pour ne pas le reproduire, au lieu de se réfugier dans l'anonymat ou la retenue, quand ce n'est pas dans le déni. Car ce passé-là, en chute libre, n'a aucun avenir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

même un ane "politiquement engagé" aurait battu Charles Baur.. aussi la victoire d'Odette- si sympathique soit-elle( la victoire ET Odette) n'est pas très significative

Emmanuel Mousset a dit…

C'est ce qu'on dit après coup. Mais une élection n'est jamais gagnée d'avance.