samedi 15 décembre 2012

Lonsdale, artiste et croyant



Combien étions-nous hier soir dans le palais de Fervaques pour écouter le comédien Michael Lonsdale ? 400, 500 peut-être, beaucoup en tout cas, accueillis sur la musique du Lac des cygnes, en hommage bien sûr au film "Des hommes et des dieux". Lonsdale, c'est d'abord une voix : en fond de salle, je ne le voyais pas ou très mal, mais qu'importe, la voix était là, douce, profonde, lente, parfois rieuse. C'est un homme âgé, courbé, qui se déplace à petits pas, qui donne à la fois une impression de force et de fragilité.

Au moment des dédicaces (voir vignette), c'est un peu comme à confesse (d'après mes souvenirs) : il y a une file, il faut attendre, le vieux prêtre un peu sourd est assis et chacun à son tour s'assied près de lui, visage proche du visage. Mais ce n'est pas une absolution qu'il m'a délivrée, seulement quelques mots gentils, d'une écriture naïve d'enfant, dans l'ouvrage que je lui ai acheté ("Confiance", dont la maquette a été réalisée par un Saint-Quentinois, Matthieu Arnéra, ancien pasteur de l'Eglise réformée de notre ville). Je ne lui ai avoué aucune faute, seulement des remerciements pour ses films, en soulignant que j'avais apprécié sa collaboration avec Luis Bunuel dans "Le fantôme de la liberté". Et puis j'ai laissé ma place aux nombreux autres.

Michael Lonsdale, avec son châle sur les épaules, sa longue chevelure, sa barbe blanche, a des allures d'ermite ou de moine orthodoxes. La rencontre avec le personnage impressionne : nous l'avons vu tant de fois, dans tant de films, depuis si longtemps ! Ce qui est étonnant dans sa filmographie, c'est la diversité des genres : il aura tout fait, tout joué, avec une prédilection pour les rôles d'ecclésiastiques, ironie du sort pour ce croyant profond. Car on ne comprend pas le bonhomme sans la spiritualité chrétienne qui l'anime.

Ce qui est surprenant, c'est qu'il a su faire cohabiter, sans contradiction, son métier et sa foi, alors que la profession de comédien n'a pas toujours été en odeur de sainteté, qu'encore aujourd'hui le milieu des artistes a quelque chose de sulfureux : ces créateurs ne sont-ils pas en concurrence avec le seul et unique Créateur véritable, Dieu ? La liberté de l'artiste, qui théoriquement n'a pas de limite, s'accorde difficilement avec les rigueurs de la religion. Chez Lonsdale, aucun problème : il a tourné avec Luis Bunuel et Jean-Pierre Mocky, athées notoires, anticléricaux provocateurs, sans que ça ne pose de difficulté à personne. Cet harmonie entre l'art et la foi, la liberté et la religion n'est pas si évidente ; elle est naturelle dans la vie de Michael Lonsdale. Une exception cependant : il a dit non à Costa-Gavras quand celui-ci lui a proposé de jouer dans "Amen", le comédien estimant que sa description d'un pape laissant massacrer les Juifs durant la Seconde guerre mondiale était erronée.

Ce que j'apprécie chez cet acteur, c'est sa capacité à s'engager dans un superproduction internationale, par exemple auprès de Steven Spielberg, et accepter en même temps de participer au dernier petit film de Mocky, dont la diffusion est confidentielle. C'est enfin un homme qui a plusieurs cordes à son arc, qui ne s'est jamais enfermé dans sa foi ni dans son métier, mais qui a su s'ouvrir à bien d'autres activités (la peinture par exemple). Une bien belle soirée, une magnifique rencontre, dont nous a gratifié Cécile Jaffary et la librairie Cognet.

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