dimanche 30 décembre 2012

La police sur son 31



Ce qui est intéressant dans la vie, autour de nous, ce sont les paradoxes : eux seuls nous font réfléchir, pas les situations normales. C'est demain jour de fête, peut-être la plus grande fête de l'année : la joie, la paix, le partage, l'amour, l'amitié, le bonheur prévalent donc, dans ces moments-là. Or, que lisons-nous dans la presse, que voyons-nous sur nos écrans de télévision ? Que la police et la gendarmerie vont être mobilisées comme jamais dans l'année, dissuadant, contrôlant, réprimant, allant jusqu'à survoler en hélicoptère les quartiers "sensibles", c'est-à-dire populaires. Les villes, moyennes et grandes, vont être quadrillées, les forces de l'ordre sur le qui-vive. Des préfectures et des municipalités ont pris, par prévention, des arrêtés interdisant l'alcool, les carburants, les feux d'artifice, les pétards, les armes ... Nous se sommes pourtant pas dans un Etat policier et c'est pourtant une soirée conviviale, festive. La contradiction est devenue tellement coutumière que personne n'y pense ni ne s'interroge.

Ce qu'on ne dit pas, qu'on ne dit plus, qu'on n'ose pas dire, c'est que la fête n'est pas seulement la rencontre sympathique, gentillette et amusante qu'elle prétend être. Elle libère aussi les pulsions, les violences, les jalousies, les rancoeurs dont les êtres humains sont capables, même si la civilisation, la plupart du temps, fait correctement en nous son travail. C'est pourquoi les autorités sont requises pour éviter, canaliser, empêcher les débordements et les dérapages, selon les euphémismes en vogue : l'alcool qui favorise les bagarres, la vitesse et l'imprudence sur les routes qui occasionnent des accidents, les jeux morbides de feux de poubelles et de voitures, les agressions, vols et cambriolages en hausse durant cette nuit, voilà la face cachée de la fête, son visage sordide, sous les flonflons, les cotillons et les bulles de champagne.

Ce qu'on préfère ne pas voir, c'est que la fête, moment exceptionnel dans une existence, moment qui promet d'être heureux, a quelque chose de trouble, de sauvage et parfois de barbare. Même dans l'intimité de l'espace privé, la fête provoque des incidents qu'on découvre, stupéfaits alors qu'on devrait être habitués, dans la presse locale des jours suivants, à la rubrique des faits divers. La fête, c'est du rose bonbon qui vire au bleu marine.

Je serais tenté de vous conseiller de faire demain comme moi, c'est-à-dire rien, strictement rien : se coucher de bonne heure, vers 22h00, lire un peu avant, et se lever tôt le 1er janvier, savourer le petit matin, entre le dégueulis, le verre brisé et les carcasses calcinées sur la chaussée : apprécier à sa juste mesure la journée qui commence d'une nouvelle année. Mais si la vie ordinaire vous attriste à ce point qu'il faut vous étourdir dans les quelques heures de la fête, allez-y, cédez à votre faiblesse, je ne vous le reprocherai pas. Attention tout de même aux abus, au retour et à la police ...

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