jeudi 16 février 2017

La colonisation est un crime



La déclaration d'Emmanuel Macron sur la colonisation, hier à Alger, est politiquement aussi importante que celle de Jacques Chirac, président de la République, sur le régime de Vichy. Dans les deux cas, les crimes sont reconnus, la mémoire n'est pas effacée. La France a souvent des problèmes avec sa propre histoire, qu'il faut solder si on veut avancer. Macron, en ayant ce courage, en faisant ce choix, endosse les habits d'homme d'Etat. Qu'a-t-il dit exactement à propos de la colonisation ? Trois choses essentielles :

1- La colonisation est barbare. Elle prive un peuple de son indépendance, elle fait de ses membres des citoyens de seconde zone, elle est de ce fait incompatible avec la démocratie. De plus, elle instaure un système d'exploitation économique indigne. Macron est allé jusqu'à parler de crime contre l'humanité, terme qu'on réserve habituellement au génocide juif. Peu importe les mots, c'est l'idée qui compte : la condamnation de la colonisation.

2- La colonisation a apporté les droits de l'homme, l'école, la République, mais sur le papier, puisque dans la réalité, c'est l'inégalité, l'injustice et la discrimination qui prévalaient. Il n'empêche qu'on peut reconnaître des bienfaits à un système détestable, qui n'altèrent pas le jugement négatif qu'on porte globalement sur lui, et la condamnation qui s'ensuit. Déjà, en octobre dernier, dans Le Point, Emmanuel Macron admettait qu' "il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie" dans la colonisation. Les seconds l'ont hélas emporté sur les premiers.

3- La condamnation ferme et définitive de la colonisation ne doit pas reposer sur la culpabilisation morale, mais sur les faits historiques et l'intention politique. Macron l'a souligné : on ne fait rien de bon dans la culpabilisation. Il n'y a que la vérité qui compte. C'est à partir d'elle qu'on peut construire et envisager l'avenir. Qui aujourd'hui souhaiterait revenir sur la condamnation de Vichy et la responsabilité de l'Etat dans ce régime, si bien reconnues et énoncées par Jacques Chirac en son temps ? Personne ! Il en sera de même pour Emmanuel Macron avec sa condamnation de la colonisation, première réaction d'un chef d'Etat qui n'est pas encore chef d'Etat.

Dans cette affaire, la riposte la plus violente est venue de l'extrême droite, en forme d'hommage involontaire à Macron, puisque cette famille politique a toujours défendu avec ferveur la colonisation, jusqu'à comprendre, sinon soutenir, la factieuse et criminelle organisation terroriste, l'OAS. A ce propos, le débat illustre parfaitement l'idée chère à Emmanuel Macron : certains sujets politiques transcendent le clivage droite/gauche. La colonisation en fait partie. Au XIXème, une partie de la gauche républicaine était colonisatrice, au nom de l'émancipation des peuples. Au XXème, c'est une partie de la droite, avec le général de Gaulle, qui a décolonisé.

C'est du passé, mais qu'il est bon d'avoir en mémoire. Et puis, le passé, surtout récent, ne passe jamais vraiment : des millions de citoyens français d'origine maghrébine ont droit à réparation. Beaucoup d'hommes politiques y pensaient, Emmanuel Macron hier l'a fait.

21 commentaires:

Philippe a dit…

QQ remarques en sus en complément
Dans les années 1880, dans des joutes parlementaires d’une grande violence verbale contre Jules Ferry, Georges Clémenceau a dit définitivement tout le mal que l’on pouvait penser et que l’on peut penser du système colonial.
150 ans plus tard E.Macron utilise en Algérie un terme juridique non adapté en parlant de « crime contre l’Humanité » pour évoquer le système colonial.
Si crimes contre l’humanité signifie massacres, exécutions sommaires, tortures, viols, on peut y mettre les gouvernements français de 54-62, le gouvernement algérien des années 1990, le sort des indiens des USA, la répression anglaise des Mau-Mau du Kenya des années 1950 etc. tous les pays sont concernés à un moment ou un autre de leur histoire ….. vaste programme …..
Ce système colonial, à partir du moment où il a été installé en faisant fi d’avis comme ceux de Clémenceau, a été à l’origine de crimes et délits « coloniaux » et de leurs contraires en positif.
E.Macron s’est fait piégé par le pouvoir algérien actuel qui est un régime à propos duquel beaucoup de critiques peuvent être faite.
Ce Régime a besoin d’entretenir idéologiquement une vision simpliste des relations Algérie/France, vision simpliste essentiellement à propos des années 1954-1962. Cette guerre complexe a eu au moins 4 dimensions qui se mêlaient  : indépendantistes algériens contre l’armée française, indépendantistes entre eux (FLN/MNA), algériens pro-français contre indépendantistes algériens, in fine pieds noirs pro-OAS et OAS contre tous les autres. Le Régime actuel accrédite la fable d’une guerre uniquement indépendantiste FLN contre Armée française.
Dans l’immigration algérienne en France on risque de trouver les relents et séquelles de ces différentes composantes souvent adverses
Le risque sans doute faible mais non nul qu’une telle approximation exprimée par un ex ministre peut présenter serait qu’il serve de justificatif ou caution morale au passage à l’acte d’un jeune djihadiste en France.

Maxime a dit…

"Crime contre l'humanité" ? Non mais on rêve ! En tout cas, votre Macron n'aura jamais ma voix. Il ne connait rien à l'histoire coloniale.
Au fait, ce n'était pas une démocratie la IIIème République ?

Erwan Blesbois a dit…

Non Maxime c'était une forme de totalitarisme. Pour tout progressiste digne de ce nom à l'instar d'Emmanuel Macron, tout le passé de l'Histoire de l'humanité est globalement très mauvais, le présent est préférable et le futur s'annonce forcément radieux grâce au progrès.

Anonyme a dit…

hélas oui et je peux en témoigner; professeur en 1964-66 en Algérie ( donc après l'indépendance) j'ai pu mesurer les dégâts du "fait colonial ": moins de la moitié des enfants algériens étaient scolarisés pendant l'occupation française ( n'en déplaise aux nostalgiques de l'Algérie française il y a bien eu occupation comme en France en 1940 qu'on me démontre le contraire: les autochtones n'ont pas demandé à être envahis que je sache) , à Tlemcen, ville de plus de 50000 habitants, il n'y avait en 1964 que deux médecins algériens, aucun cadre administratif,pratiquement aucun professeur algérien dans le secondaire si bien qu'il a fallu faire appel à des enseignants de toutes nationalités( 20 différentes sur un effectif de 180 professeurs)
Plus tard dans le Pacifique ( Nouvelle Calédonie en 1988) j’ai retrouvé la même situation ou presque: toute l"'administration et le corps enseignant (lycées et collèges) tenus par des métropolitains et des caldoches (terme utilisé la_bas sans connotation péjorative) ;il a fallu attendre 1990 pour voir un sous-préfet kanak et pour la 1ere fois un avocat kanak
Point de repentance- ça sert à quoi?- mais ne pas oublier de temps en temps que notre histoire n'est pas aussi glorieuse que celle qui nous a été enseignée à l'Ecole et ne pas oublier aussi que le pire des colonisateurs fut NOTRE Jules Ferry prônant l'enseignement obligatoire et gratuit d'un côté et colonisant à tout-va de l'autre

Philippe a dit…

Ce qui est dit par anonyme 16/2 20H29
est partiellement exact avec un bémol ...
Pendant que je soignais en Algérie pour un salaire misérable mes confrères algériens s'installaient en France en nombre !
Il en était de même pour les professions mieux payées en France !
Beaucoup au final préféraient la puissance coloniale marâtre pour y gagner leur vie aux misérables salaires de l'Algérie socialiste chérie !
Il ne faut pas oublier que leurs diplômes étaient français ... aucun obstacle pour s'inscrire à l'Ordre des Médecins par exemple ...................
Rien n'est totalement blanc ni totalement noir avec les humains !
Mais Clémenceau avait raison nos gouvernants du 19ème siècle n'avaient pas à nous entraîner dans cette galère ...................

strictement inconnu a dit…

Je ne mets pas en question le fond de la pensée exprimée par l'initiateur d'En Marche.
Je me place sur la forme : Monsieur Macron parle là en Algérie à titre personnel.
J'aurais dit la même chose, moi, strictement inconnu, ici en France ou là-bas au Maghreb, c'était pareil.
Il y a un précédent, direz-vous avec le général de Gaulle à Londres en juin 1940 ?
Pas tout à fait : de Gaulle était au gouvernement et on était en guerre si rien ne m'a échappé et si je n'ai pas tout faux, Macron n'y est plus et on n'est qu'en état d'urgence qui semble devenir permanent pour des raisons que la raison ignore.
Emmanuel Macron n'est qu'un candidat parmi d'autres qui cherche à faire le buzz.
C'est pas plus beau de chercher à faire le buzz que de raconter des c... comme un autre au Bourget.

D C a dit…

Si on suit Emmanuel Macron, et s'il est logique avec lui-même, demain, il ira aux Antilles, il ira en Guyane, il ira en Polynésie, il ira à la Réunion, il ira à St Pierre et Miquelon, il ira même à Clipperton ou aux Kerguelen, il ira en Terre Adélie et s'il est logique jusqu'au bout, il ira en Corse...
Pour y faire quoi ?
Pour y redire ce qu'il vient de dire en terre maghrebine.
L'Algérie, j'ai appris ça à l'école, c'était trois départements français.
La Corse, deux...
Et si on va par là, pourquoi garder les conquêtes de Louis XIV ? de Louis XI ? et on peut continuer comme ça...
Emmanuel Macron vient de perdre une bonne occasion de se taire !

Maxime a dit…

J'ai hâte de voir le futur radieux si ce jeune premier sans autre programme qu'augmenter la CSG est élu.

Maxime a dit…

De là à dire qu'il y a eu crime contre l'humanité... Il y a un problème de proportions. Puis on ne peut pas juger des politiques du XIXème siècle à l'aune des "valeurs" actuelles.

Philippe a dit…

Allons jusqu’au bout des raisonnements macronniens voir taubiriens, ne reculons devant aucune bêtise !
« Originaire d’une région géographique du Nord de la France qui a vu ses habitants, une tribu celte, émigrer massivement sur les bords de la Tamise pour fuir la soldatesque de Jules César je demande réparation à Rome des préjudices subis par mes ancêtres.
Je demande également réparation pour ceux qui n’ayant pas pu fuir en traversant le Chanel sur des périssoires ont été colonisés, acculturés, privés de leur langue. »
Je vois d'ici la tronche de Virginia Raggi !

Emmanuel Mousset a dit…

C'est un sophisme grotesque.

Philippe a dit…

L'ironie très cher l'ironie !

MF a dit…

pour Philippe
en effet l'indépendance de l"Algérie a fait fuir non seulement des pieds-noirs mais aussi des cadres algériens affolés par le projet politique de Ben Bella..mais il fallait récompenser les moudjahidins et malheureusement on a confié à des incapables des postes de responsabilité ( la pratique du bakchich a perduré..j'en ai été victime en fin de contrat lors de mon retour en métropole ):ceci n'enlève rien à mes impressions de "coopérant" et mon sentiment est qu'il y a bien eu colonisation et rien ne prouve que sans la présence ( doux euphémisme) de la France pendant 130 ans l'Algérie n'aurait pas su se gérer et progresser
Le doit des peuples à disposer d'eux-mêmes:belle formule de De Gaulle( dont je n'ai jamais été un fervent admirateur) mais qui a su - il faut lui en savoir gré- avoir cette vision humaniste

Philippe a dit…

À MF
Occasion de rappeler que les pays chrétiens n’ont pas été les seuls pays colonialistes
Le seul pays qui pourrait servir de comparaison : la Turquie ... mais non ! …car c'est elle-même une ex puissance musulmane coloniale qui a colonisé à la fois des pays chrétiens (que nous avons maintenant dans l'UE) et des pays musulmans dans lesquels les anglais et les français lui ont succédé.
On a aucun moyen de savoir ce que serait devenue une l'Algérie vraiment indépendante ... sans la Turquie ... sans la France ...
Mais, comme je l’ai dit plusieurs fois, tout le mal que l’on peut dire de ce système racialiste appelé « colonisation » l’a été par G. Clémenceau dans les années 1880.

Anonyme a dit…

Un petit rappel historique: la colonisation est aussi le fait de la gauche du temps de la IIIè République comme Jules Ferry et consorts.
La colonisation de l'Algérie n'a pas mis fin à une indépendance mais à une tutelle ottomane pluriséculaire. L'Algérie moderne est le fruit de la colonisation française et elle sert de bouc-émissaire à l'incapacité des dirigeants algériens à sortir de la rente pétrolière et gazière qui est parfois aussi une malédiction parce que c'est la solution de facilité qui néglige les autres secteurs comme l'agriculture. Cela est courant dans les pays en développement comme les problèmes actuels du Venezuela qui s'est contenté de redistribuer une richesse sans anticiper un retournement du prix de ces matières premières. Idem pour l'Angola, le Nigéria etc.

M a dit…

Vous pérorez sur le Maghreb à la suite des propos du candidat du centre...
Parmi les colonisateurs du Maghreb, on est en droit de répertorier les Arabes.
Alors toute cette pantomime du candidat marcheur est à reconsidérer.
M Macron a cherché à faire parler de lui et rien d'autre : le fond de sa pensée ne concerne pas les Algériens ni les Pieds Noirs, ça ne concerne que sa propre personne, se faire mousser.

Anonyme a dit…

Si la colonisation est un crime, elle n'est pas un crime contre l'Humanité n'en déplaise à Macron qui raconte n'importe quoi. S'il avait un tant soi peu de culture juridique il saurait que le crime contre l'Humanité a une définition précise qui ne cadre pas du tout avec ses déclarations pour faire plaisir à la dictature militaire algérienne soucieuse d'avoir un bon bouc-émissaire, la France, et de ses crimes pendant la guerre civile qui a frappé l'Algérie dans les années 90. Il joue sur la repentance comme tout bon oligarque qu'il est.
Macron dit tout et n'importe quoi: sa visite complaisante au Puy du Fou de Philippe de Villiers, sa déclaration sur le mariage pour tous, n'être pas socialiste, jouer sur le ni-gauche ni droite comme le FN le tente etc...En fait tout le monde oublie que seuls 50% des gens susceptibles de voter pour lui sont sûrs de leur choix, alors que c'est 80% pour ceux de Marine Le Pen.

Emmanuel Mousset a dit…

50%, c'est énorme, même si les fachos font mieux.

Philippe a dit…

@ M
"Parmi les colonisateurs du Maghreb, on est en droit de répertorier les Arabes."
= Ok …
L’écrit appelé « Les Prolégomènes » (1377) d’Ibn Khaldoun ne sont pas tendres pour les habitants de l’Arabie et colonisateurs du Maghreb …

Anonyme a dit…

Vous oubliez que 50% des gens sûrs de voter Macron seulement sur les 20% cela ne fait un score sûr et certain de 10% donc à 9 semaines du premier tour Macron n'est pas sûr du tout d'être présent au second tour.

Anonyme a dit…

En ce qui concerne l'Algérie et son histoire il faut lire la tribune de Pierre Vermeren, professeur d'histoire à Panthéon-Sorbonne spécialiste du Maghreb sur le "Le Figaro.fr" pour remettre tout en perspective de l'histoire longue.