mardi 14 février 2017

Hamon et Mélenchon font du Macron



Cette élection présidentielle, hors-norme, nous fait craindre le pire. Ce n'est pas plus mal : la peur peut être bonne conseillère, quand elle fait réagir. Mais il y a des évolutions positives, mal perçues parce que apparemment anecdotiques, ou inaperçues au milieu des polémiques négatives. Par exemple, lorsque Benoît Hamon présente son équipe de campagne, une nouveauté, assumée par le candidat socialiste, frappe l'attention des habitués : pas de savants dosages entre courants ralliés, à la mode ancienne. Exit les Lienemann, Filoche et consorts. Plus de logique clanique. Hamon n'a même pas cherché à intégrer à son organigramme ses anciens concurrents, Montebourg et Peillon. Il a choisi de s'entourer d'intellectuels, qui ne forment pourtant pas la catégorie la mieux appréciée de France : l'économiste Thomas Piketty, la philosophe Dominique Méda, entre autres. Ca n'a l'air de rien, mais c'est une évolution. La logique ancienne, c'était de s'entourer des siens. Là, Hamon élargit. Je m'en réjouis, même si je continue à ne pas partager ses idées.

Autre évolution notable, celle de Jean-Luc Mélenchon, lorsqu'il repousse les appels du pied de Benoît Hamon, avec l'une de ses formules dont il a le secret : "avant, l'union était un combat ; maintenant, l'union est une combine". Le candidat de la France insoumise privilégie les idées aux marchandages électoraux : renoncer à telle proposition au profit de telle circonscription. C'est étonnant, parce que la culture politique de Mélenchon a longtemps été celle des négociations d'appareil et du partage des places, surtout des meilleures. J'applaudis : les convictions l'emportent sur la distribution des mandats. Mais là où Mélenchon se trompe, c'est qu'à l'époque du grand Mitterrand, c'était déjà la course au pouvoir qui structurait la vie politique, sous couvert d'idéologie. Aujourd'hui, le roi est nu et les ambitions, désormais visibles, sont devenues insupportables quand elles n'ont plus pour moteur que l'intérêt personnel.

Dernière exemple d'une prise de conscience positive : les récents propos de Julien Dray, complétés ce matin par ceux de Stéphane Le Foll sur France Inter. Tous les deux ont sonné l'alarme : le grand danger, c'est le Front national. Il y a péril en la demeure, et ce n'est pas par lyrisme mal inspiré que je le dis. Mais je vais plus loin qu'eux : depuis une vingtaine d'années, la gauche a renoncé à se battre contre l'extrême droite, au prétexte que son électorat était populaire, qu'il ne fallait pas le braquer, le culpabiliser. Du coup, on l'a déresponsabilisé, on a rendu possible la dédiabolisation du FN. C'est une faute politique grave. Contre l'extrême droite, beaucoup d'angles d'attaque sont envisageables ; l'essentiel est qu'on l'attaque, qu'on ne renonce pas au nom du motif hypocrite, paresseux et vicieux (souvent entendu dans les rangs de la gauche) que critiquer le FN, ce serait assurer sa publicité, argument dégueulasse. J'ai toujours cru que la vieille rhétorique antifasciste avait encore son utilité, parce qu'elle parle à l'imaginaire populaire, mais que bien sûr elle ne suffisait pas.

La gauche évolue sans qu'on s'en rend bien compte. La droite aussi, sans doute, mais ce n'est pas ma famille, donc j'y suis moins sensible, je remarque beaucoup moins. D'où vient cette évolution de la gauche ? La réponse peut paraître incroyable, mais la dynamique lancée par Emmanuel Macron n'y est pas pour rien, elle produit son influence : lui le premier a mis à l'honneur les idées, lui le premier s'est dégagé des logiques d'appareil. Et son succès en partie énigmatique vient de là. A la différence de monsieur Jourdain qui, chez Molière, faisait de la prose sans le savoir, Hamon et Mélenchon font du Macron en ayant probablement conscience de cette inspiration, puisqu'elle est celle de nombreux Français, qu'on ne peut pas ignorer quand on songe à se faire élire. 

9 commentaires:

Philippe a dit…

L'électorat potentiel de E.Macron
http://www.lejdd.fr/Politique/Qui-sont-les-electeurs-de-Macron-847430
Les 3 se sont inspirés (peut être inconsciemment) de S.Royale

Anonyme a dit…

Vous vous trompez à propos de Mélenchon mais c'est normal, c'est votre parti-pris en faveur de Macron qui vous aveugle. Comme une hirondelle ne fait pas le printemps un semblant d'union n'aboutit jamais et même un coup de fil téléphonique et un bon repas n'y suffiront. Cela vous a échappé mais le divorce d'analyse entre l'actuel candidat du parti "socialiste" ne date pas d'hier. Mélenchon a finit par comprendre en 2008 que le PS ne changerait jamais d'orientation politique à savoir l'Europe à tout prix, n'importe quelle Europe, même celui d'une régression économique et sociale. Après avoir mené victorieusement le camp du Non de gauche au TCE en 2005 Mélenchon a eu encore quelques illusions et s'est mis à penser en dehors des cadres de pensée préétablis, la crise grecque de 2005 a été un révélateur du caractère irréformable de l'UE tenue d'une main de fer par l'Allemagne de Madame Merkel avec en interne sa coalition avec les sociaux-démocrates et en externe avec les pays de l'Europe du nord et du paradis fiscal luxembourgeois de Monsieur Juncker qu'elle a promu comme allié à la présidence de la Commission européenne. Dans ces conditions il ne peut y avoir la moindre alliance avec des gens, partis et particules comme En Marche qui acceptent cette servitude. La bulle Macron doit éclater et le P"S" doit être pasokisé comme en Grèce, ceux qui acceptent l'Europe allemande comme entre 1940-1944. Il faut avant toute chose convaincre le peuple français d'être à nouveau libre de choisir son destin. Tout est encore possible dans cette élection présidentielle, le contexte international est favorable, au peuple français d'élire un président qui ne lui fera pas perdre 5 ans dans un système moribond et malfaisant.

Anonyme a dit…

La gauche n'a pas renoncé à se battre depuis 30 ans contre le FN mais son combat a échoué parce qu'il repose sur un moralisme inopérant et sur des analyses infondées. Tant que le FN était dirigé par le père Le Pen la gauche pouvait être tranquille on savait bien que toutes les provocations du chef ne visait qu'à se faire exclure du système qu'il dénonçait pour mieux assurer sa posture de victime. Maintenant la situation a totalement changé avec le fille Marine qui ne se cache pas de vouloir arriver au pouvoir et à cet effet a procédé à un certain aggiornamento idéologique et structurel et de personnes. De plus chaque fois qu'elle gouverne la gauche fait une politique néolibérale avec alibi européen donc rétrograde économiquement et socialement ce qui est pain béni pour le FN de Marine Le Pen. Ce n'est pas le petit Macron qui y changera quoique ce soit.

Anonyme a dit…

ça y est le PSG a battu Barcelon 4 à 0. Finies les émeutes en banlieue, finie l'affaire Fillon, finie la sinistrose ambiante, pour au moins 2 jours...

Emmanuel Mousset a dit…

C'est quoi le PSG ? Parti socialiste de gauche ? Je ne connais pas. Ni le résultat de cette élection, 4 à 0. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

P a dit…

<< C'est quoi le PSG ? Parti socialiste de gauche ? >>
A vouloir faire l'âne, il arrive de braire.
Votre moquerie sous-entend que vous pensez qu'il existe un PSD aussi en France : un Parti Socialiste de Droite.
C'est vraisemblablement le vôtre...

Emmanuel Mousset a dit…

J'aime beaucoup les ânes, surtout les ânes gris de mon cher Berry. J'aime aussi l'âne du film de Bresson, "Au hasard, Balthazar". L'âne est l'un de mes animaux fétiches, avec la chouette.

Sinon, le PSD existe réellement, et c'est en effet mon parti, mais vous vous trompez sur sa déclinaison : Parti Social-Démocrate.

P S a dit…

Sinon, le PSD existe réellement, et c'est en effet mon parti, mais vous vous trompez sur sa déclinaison : Parti Social-Démocrate.
...
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Eh bien, quelle révélation !
Vous voilà fier d'être membre du même parti (PSD) qu'un certain Liviu Dragnea, qu'un incertain Sorin Grindeanu, ce fameux parti qui a réussi à mettre en une seule nuit plus de 600 000 roumains dehors par température sibérienne dans ce petit état pour le contester au cri de "Liberté, Egalité, PSD au cul !" suite à leur tentative d'amnistier les turpitudes de Liviu pour des emplois fictifs (tiens, tiens...).
On ferait pas mal, chez nous d'avoir la même efficience en France que la Direction Nationale Anticorruption de Roumanie où son efficace procureure, Laura Kovesi a fait condamner plus de 3 000 élus ou fonctionnaires en 3 ans (dont des ministres dont 2 de votre célèbre PSD (Parti Social Démocrate)...

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je ne suis pas membre de ce PSD, je ne me reconnais pas en lui.