jeudi 19 novembre 2015

SOS Psy



Des jours tragiques que nous avons vécus, plusieurs figures positives se sont détachées : l'agent cagoulé du GIGN qui sauve, le médecin secouriste qui soigne, mais aussi le psychologue qui écoute. Ou plutôt la "cellule psychologique", comme on parle de "cellule antiterroriste" : elle renvoie à un collectif, des psychologues en quelque sorte volants, qui viennent là où on les appelle, là où le mal frappe. Contrairement à la psychologie de ville, si on peut dire, où c'est le patient qui se déplace.

A chaque drame, partout, auprès des victimes et même de ceux qui ne le sont pas directement, les psychologues sont cités et sollicités. A tel point qu'on ne s'interroge plus sur leur présence, leur intervention, à quoi ils servent et ce qu'ils font. Les caméras pourtant très fouineuses n'investissent pas ces fameuses "cellules psychologiques", ne nous montrent pas ce qui s'y passe, sur ces télévisions où l'on nous montre tout. Comment se déroulent les entretiens ? Combien de temps durent-ils ? Quelle est la formation des personnels ? Que recommandent-ils aux victimes ? Y a t-il recours aux médicaments ? Cette activité est-il rémunéré ? La psychologie s'est installée dans notre société comme un fait acquis, une évidence, une bienfaisance insoupçonnable, qu'on n'interroge pas.

La figure du psy, c'est une banalité de le remarquer, se rapproche étrangement de celle du prêtre d'autrefois. A l'un et à l'autre, l'écoute semble être la qualité principale, l'utilité immédiate. Mais le curé était puissamment outillé : sacrement de la confession, rémission des péchés, actes de contrition, jugement dernier, vie éternelle. Que nous propose le psy, quelles sont ses armes pour affronter le malheur du monde et nous en guérir ? Car la simple écoute n'est pas suffisante, et l'on ne traite pas d'une souffrance au milieu d'un événement comme calmement allongé sur le divan, dans le cabinet du thérapeute.

Une question : pourquoi faut-il des spécialistes en cas de malheur, pour notre consolation ? L'affection des proches, famille, amis, ne suffit-elle pas ? La science serait-elle plus compréhensive que l'amour ? Une autre question : les traumatisés sont-ils suivis ? Car nous savons que la psychologie ne traite pas des maux en une séance. Souvent, les séquelles d'un drame apparaissent après, longtemps après.

Les psy qui nous entourent sont de deux sortes : le praticien sur le terrain, celui qu'on ne voit jamais, membre d'une anonyme "cellule psychologique" ; l'expert requis par la télévision, qui vient prodiguer ses explications en public. De ce dernier, j'aimerais qu'il évolue d'une psychologie clinique à une psychologie critique. Qu'il ne se contente pas de décrire, mais de contester. Toutes ces images qui déferlent depuis plusieurs jours sur les écrans, tout ce récit tragique tenu complaisamment par les commentateurs, toute cette dramatisation d'un événement en lui-même dramatique et qui n'a pas besoin de superlatifs, tout ça ne crée-t-il pas aussi des traumas dans les têtes fragiles ?

Les psy sont partout, et cette présence, à chaque fois mentionnée, semble nous rassurer. La tendance va plus loin : non seulement les psy sont partout, mais nous sommes tous des psy, potentiellement, à notre façon, quand l'occasion se présente. Ainsi, j'ai reçu dans ma boîte électronique d'enseignant des recommandations savantes sur la "gestion des émotions des élèves" (sic). Je n'en ai pas fait usage, aucun des miens n'ayant manifesté un quelconque trouble, ni besoin d'en parler (à quoi j'aurais volontiers consenti, à la demande). Comme quoi nous n'avons sans doute pas tous besoin de psy, même quand ils sont partout.

15 commentaires:

Marc a dit…

Le monde a eu un commencement et il aura une FIN. L'important c'est l'au-delà. La fin de ce monde-ci est proche, peut-être encore une génération grand maximum. On nous fait croire qu'on décide c'est faux, on décide sur des petites choses bien sûr, sur la vie privée.
S'il n'y a pas d'au-delà on peut comprendre l'état du monde actuel. Ça réjouit les psys...

Emmanuel Mousset a dit…

Il ne se porte pas si mal, le monde, depuis qu'un tas de gens, dès l'origine, nous disent que c'est la fin du monde !

Anonyme a dit…

Comme quoi nous n'avons sans doute pas tous besoin de psy, même quand ils sont partout.
?
C'est plutôt le contraire : les psy ont besoin des autres pour exister et justifier leur prétendues connaissances.

Anonyme a dit…

Emmanuel,je me suis fait la même réflexion que toi,au sujet des psy qui avaient remplacé le prêtre,voire la religion.Leur doctrine était suivie par la plupart avec leur" Père "spirituel:Freud,dans les années 80/90.
Le prête écoutait,renvoyant ses ouailles vers la notion de mal et de bien.N'est-ce pas le principe de plaisir et de réalité,prôné par les psy.
Je m'apprête à lire:"Le crépuscule d'une idole"de Michel Onfray,où il parle de l'affabulation freudienne.Nul doute qu'il apporte un éclairage nécessaire à la discussion.T.A.

Emmanuel Mousset a dit…

A lire, oui, mais je trouve que Onfray est injuste et partial envers la psychanalyse.

Anonyme a dit…

"Onfray est injuste et partial envers la psychanalyse" ?
Du moment qu'il dit ce qu'il pense, où est ce que ça coince ?

Emmanuel Mousset a dit…

Il ne faut pas dire ce qui est mal pensé.

Anonyme a dit…

La psychanalyse ne dit des choses justes que pour une partie des humains.
Freud a extrapolé abusivement à partir de son cas personnel et de son vécu.
Bien des enfances et des relations familiales sont totalement différentes de celle qu'il a lui-même connu.
Mais dire cela est un blasphème ... encore un.
Bref c'est un point de vue dans lequel l'observateur (Freud) provoque une distorsion trop importante de la réalité qu'il croit décrire.

Anonyme a dit…

Il faut préférer le vin d'ici-bas à l'eau-delà !

Emmanuel Mousset a dit…

Encore un qui a forcé sur le beaujolais !

Anonyme a dit…

Et qui est le précédent de ce "encore un" ?

Emmanuel Mousset a dit…

Vous.

Camille a dit…

Ne pas confondre les différents psys. Une cellule psychologique est-elle constituée de psychiatres, psychologues, psychanalystes ? Je pencherais pour les psychologues, et alors, bien qu'il puisse être intéressant de voir les contestations faites aux travaux de Freud (sur lesquels je ne me risquerai pas à dire si c'est justifié ou non car je n'y connaît strictement rien), cela n'a pas trop de sens d'en parler ici à moins de préciser que les critiques ne s'appliquent pas aux cellules psychologiques.

A quoi servent les psys ? Eh bien à qui, plutôt, et dans quel cas ? Aux traumatisés, de longue date ou tout récemment, qui ne savent pas ou plus comment parler de ce traumatisme à leurs proches, ne trouvant pas les mots, ayant besoin d'en parler sans traumatiser quelqu'un d'autre, celles et ceux qui ne se sentent pas compris par leurs proches et ont besoin d'un oeil et d'une écoute plus experte, préparés. Aussi à celles et ceux qui n'arrivent tout simplement pas à parler de leur problème, que ça soit un grain de sable gratouillant ou un traumatisme muselant.
Chez certaines personnes il est plus facile de discuter de choses profondément intimes à des inconnus, tel/le "l'inconnu/e du bar".... ou les psys, qui ne sont pas vraiment inconnus mais en-dehors de notre vie professionnelle et personnelle.
Je ne suis pas quelqu'un d'inconditionnel des psys, j'ai dû en visiter une ou deux fois, et j'y allais parfois à reculons, cependant c'était important. Réfléchissez en-dehors de votre personne et ne vous focalisez pas sur les effets de mode. Au mieux, dénoncez-les tout en rappelant que cela partait d'une bonne pratique. Vous risquez de faire du mal à des personnes qui n'osent pas aller chez les psys parce qu'ils trouvent cela honteux ou ont peur que cela soit inutile ; ne rajoutez pas votre pierre à cette culpabilisation idiote.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je dénonce l'usage abusif et non scientifique de la psychologie, qui fait peut-être plus de mal que de bien, en entretenant notre narcissisme. Ce matin, sur France-Inter, un psy expliquait, à la suite des attentats, qu'il fallait penser à soi, être égoïste (sic) et se considérer en victime, sans chercher à relativiser sa situation (avoir échappé à la mort ne doit pas être une consolation, selon le quidam). A gifler !

2- J'ai la plus grande estime pour la psychanalyse, le courant freudien et lacanien, que je n'assimile pas aux psys qui pullulent aujourd'hui, dont on ne sait d'où ils viennent.

Anonyme a dit…

1 - Intérioriser, extérioriser... Beau sujet de dissertation !
2 - Quel crédit porter aux mots de quelqu'un qui ne sait si c'est deux ou trois fois qu'il est allé chez un psy et qui y allait "parfois" à reculons ? De la maladresse, du vent, de l'intox ou tout bonnement du très peu crédible...