dimanche 8 novembre 2015

Parlez-moi de culture



Vendredi soir, sur France 2, une très belle émission nous a rappelé les grandes heures de la fameuse émission littéraire de Bernard Pivot, Apostrophes. En une heure trente, j'ai été ramené quarante ans en arrière (nous fêtons cette année le 40ème anniversaire de sa création, en 1975). Je ne sais pas si j'ai changé depuis, mais comme notre société, elle, a changé ! Une émission culturelle en prime time, comme on ne disait pas alors (détail significatif, qui démontre l'extrême américanisation de nos mœurs, jusque dans le langage le plus anodin), c'est inconcevable aujourd'hui. Une émission qui draine des millions de téléspectateurs en une soirée, c'est impossible ou très exceptionnel à une époque où les chaînes de télévision se sont multipliées par centaines. Une émission qui donnait pendant plus d'une heure la parole à Julien Green, Marcel Jouhandeau ou Nabokov, c'est fini, puisqu'il n'y a plus aujourd'hui de Julien Green, de Marcel Jouhandeau ou de Nabokov.

En même temps, je fais la part de la nostalgie : le temps qui passe déforme notre perception et embellit le passé. En regardant vendredi soir cette belle émission, je me suis rendu compte qu'Apostrophes a surtout marqué mon adolescence, quand je découvrais le monde et que j'avais besoin de repères culturels (la deuxième moitié des années 70). J'avais complètement oublié que l'émission de Pivot avait duré jusqu'en 1990. Dans les années 80, je la regardais beaucoup moins. Dans mes préférences, elle avait été détrônée par Droit de réponse de Michel Polac, plus novateur, plus percutant. Il y a autre chose dont j'ai pris conscience : Apostrophes nous a gratifiés de grands moments, avec Soljenitsyne, la querelle des nouveaux philosophes ou la sortie mémorable de Bukowski, mais beaucoup de ses séances ne m'intéressaient pas, parce que le sujet ne m'intéressait pas ou que les invités ne me disaient rien.

Quoi qu'il en soit, il faut bien reconnaître que notre société ne vénère plus la grande culture, comme elle pouvait le faire du temps d'Apostrophes, et c'est déplorable. Regardez le débat public, voyez ce qui se fait sur internet, lisez les échanges sur les réseaux sociaux, écoutez bien les animateurs de télévision et leur façon de s'exprimer : c'est consternant, même si je sais qu'il y a plus grave dans la vie. Notre monde aime la technologie, le sport, la petite blague et le divertissement spectaculaire : il n'aime plus la culture. Depuis combien de temps, à droite comme à gauche, n'avons-nous pas eu de grands ministres de la culture ? A gauche, la culture était un sujet de prédilection, un passage obligé : qu'en est-il maintenant ? Je n'en entends plus beaucoup parler. Et quand on me dit que l'autorité sera le sujet principal des prochaines élections présidentielles, je suis effrayé.

Pour ces élections régionales, c'est surtout le FN qui s'empare de la culture, pour prévenir qu'il ne financera plus les manifestations d'art contemporain. Voilà où nous en sommes. J'ai connu une époque où intellectuel de gauche était un pléonasme ; aujourd'hui, je n'ose même plus dire que je suis prof de philo, de crainte que ça ne me desserve politiquement (je me demande si le mal n'est pas déjà fait). Que voulez-vous : Cyril Hanouna, par ailleurs sympathique, a remplacé, dans le cœur de beaucoup, Bernard Pivot !

24 commentaires:

Anonyme a dit…

Maintenant c'est intellectuel de droite patriotique qui est un pléonasme.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, la droite n'a pas son Charles Maurras comme la gauche avait son Jean-Paul Sartre. Eric Zemmour (car qui d'autre que lui à droite ?) n'est pas un "intellectuel", au sens rigoureux et historique du terme. Quant au Front national, le seul intellectuel qui ait rejoint ses rangs avec grand bruit est Jean Roucas, qui l'a quitté récemment avec fracas.

Anonyme a dit…

Vous ne pourriez pas être plus caricatural encore? Tant qu'à faire. Parfois vous avez raison de dire que vous n'osez plus dire que vous êtes prof de philo.

Emmanuel Mousset a dit…

Ne seriez-vous pas Jean Roucas, par hasard ?

Anonyme a dit…

« Wenn ich Kultur höre ... entsichere ich meinen Browning !. » phrase attribuée à Marine Le Pen, étant donné qu'elle est la réincarnation postmoderne d'Adolf Hitler, sauve qui peut !

Anonyme a dit…

Les gens en ont assez d'être Attalisés, Mincisés, BHLisés, ils veulent entendre des choses neuves, et les seules choses neuves sont dites par Eric Zemmour, qui est désormais ostracisé.

bil36 a dit…

M. Mousset,

Je suis opposé à l'arrêt du financement de certaines manifestations culturelles mais dénoncer la connivence (pou parler poliment) entre artistes et politiciens me semble urgent.

Exemple marquant (bien qu'ancien) une pièce de théâtre ou l'on jetait des excréments sur le christ était subventionnée par l'Etat (http://www.lefigaro.fr/theatre/2011/10/30/03003-20111030ARTFIG00226-romeo-castellucci-la-piece-qui-fait-scandale.php) pendant que l'Etat interdisait le spectacle de Dieudonné....

Erwan Blesbois a dit…

Zemmour est juste un intellectuel un peu plus malin que les autres ; BHL, Minc ou autres Attali, qui prêchent une certaine haine de la France par amour de leur judaïsme. Zemmour lui a bien compris qu'une France forte était la condition de la protection des juifs. BHL est un mégalomane qui s'imagine qu'il peut à lui tout seul humilier la France sans possibilité de lui rendre la pareille. Mais au final BHL et Zemmour tirent le même constat ; la France est faible. BHL s'en délecte, il a plusieurs portes de sortie au pire ; Israël, Etats-Unis. Zemmour est honnête et probe, il sait payer ses dettes, quand BHL est un fils ingrat.

Emmanuel Mousset a dit…

Réponses dans l'ordre des commentaires :

1- L'ironie est l'arme des faibles, quand ils n'ont pas d'arguments.

2- Beaucoup aimeraient être autant ostracisés que Zemmour : on ne voit et n'entend que lui partout !

3- En matière d'interdiction ou d'autorisation de spectacles, c'est à la justice de délibérer.

4- Les antisémites ont toujours leur "bon juif".

Anonyme a dit…

Zemmour "il est partout", argument antisémite (ils sont partout).

Erwan Blesbois a dit…

Les juifs sont aujourd'hui, à cause de la terrible censure de la Shoah (censure surmoiïque), les seuls qui ont "les couilles" de dire ce qu'ils pensent, et de façon pertinente, on aime ou on n'aime pas. Les "souchiens" ont leur a coupé leurs attributs, alors lâchement ils votent de plus en plus nombreux de façon grégaire Le Pen. Mais ce n'est pas ça être un homme. Les juifs sont nos derniers hommes (pas au sens de Nietzsche), ou plutôt des genres de héros (quand Laurent Joffrin, l'archétype du Français qui "pense comme il faut", est une plate couille molle) ; alors oui j'aime bien Finkielkraut, Zemmour et Bruckner (un des seuls à ne pas l'être) parce qu'ils ont une certaine idée de la France. J'aime un peu moins Attali, Minc et BHL car ils ont une vision mondialisée, méprise quelque peu le peuple de France et prônent plus ou moins l'ultra libéralisme ; tout comme les socialistes et toi d'ailleurs. Au temps d'Azincourt, sans conteste tu aurais collaboré avec l'Anglais (plus cosmopolite parce que marin), heureusement Jeanne d'Arc ne partageait pas tes idées. Comme Laurent Joffrin tu es de ceux qui disent comment il faut penser, mais qui ne disent pas ce qu'ils pensent, c'est du conditionnement.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Les chats sont partout : le déplorer, être anti-chat, ce n'est pas être antisémite.

2- Erwan, sur ton histoire de couilles, je ne te suis pas.

Erwan Blesbois a dit…

En Allemagne, on le voit bien la censure de la Shoah s'estompe, et leurs "vieux démons" de domination européenne reviennent, par le biais de l'économie. C'est paradoxalement en France que la censure de la Shoah s'exerce le plus sur les consciences à cause notamment de la littérature de Zeev Sternhell, qui attribue finalement plus de responsabilité à la France dans la Shoah, qu'à l'Allemagne, terrible paradoxe peut-être vrai, mais terriblement destructeur pour l'estime de soi. On pourrait qualifier le Français ainsi, c'est un homme qui a la haine de soi, et par ton idéologie tu participes de cette haine de soi, inculqué également dans les écoles, dans ma jeunesse en tout cas. Zemmour nous tend la main et tente de nous redonner une seconde jeunesse, mais on le traite d'affreux réactionnaire, quand il essaie de nous redonner confiance et estime de soi, c'est un héros. Mais pour le moment c'est la haine de soi et le ricanement quant au statut de Français "souchien", qui reste de mise.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, ce n'est pas ce que dit Sternhell. Il met simplement à jour un refoulé, un impensé : la France, malgré les déclamations gaullo-communistes et le discours longtemps officiel, a bel et bien entretenu sa propre tradition fasciste. Avant l'Allemagne, le fascisme est en effet né en France, au début du XXe siècle. Mais c'est le nazisme qui l'a porté à son degré le plus tragique.

Quant à l'héroïsme et à la jeunesse de Zemmour, les décatis de la pensée se donnent les héros qu'ils méritent. Je ne vais pas le leur disputer.

Erwan Blesbois a dit…

C'est vrai qu'on peut lui préférer Laurent Joffrin !

Anonyme a dit…

Les décatis de la pensée c'est à dire les "gueux" les perdants etc. beau mépris.
La gentry à la française (grossièrement les gagnants et les heureux de l'évolution économique et ceux qui ont maintenu des emplois protégés) bref cette gentry qui prétend conduire le peuple mais méprise en réalité.
Elle le juge incapable d'exercer son libre arbitre. C'est le pire des racismes.

Emmanuel Mousset a dit…

Zemmour n'est ni un gueux, ni un perdant.

Erwan Blesbois a dit…

"je n'ose même plus dire que je suis prof de philo, de crainte que ça ne me desserve politiquement" ; de toute façon tout le monde sait bien que les profs de philo sont payés pour être les chiens de garde de la bourgeoisie, ou de la gentry pour parler comme anonyme 20:20.

Erwan Blesbois a dit…

Gauche et droite se sont rejointes sur l'autel du libéralisme. La droite soutient l'immigration pour des motifs économiques ; elle veut faire pression à la baisse sur les salaires, pour elle les hommes sont interchangeables, et préfère les gueux corvéables à merci, que les classes moyennes dont elle planifie soigneusement le déclassement à plus ou moins brève échéance, son projet de société une classe de super riches, représentés par la gentry, et des gueux ; sur le modèle anglo-saxon. Elle se soucie comme d'une guigne du problème de l'identité, dont Sarkozy avait fait pourtant son cheval de bataille, mais ce n'était qu'un cheval de Troie pour être élu. La gauche a à peu près le même projet économique libéral, et en plus elle compte sur l'immigration pour la soutenir électoralement. Le plus mal loti est effectivement le peuple "souchien", en mal d'identité, qui vote désormais massivement pour le FN. Mais quel choix démocratique laisse-t-on au vieux peuple de la "grande nation" (la "grande nation", c'est ainsi qu'on appelait la France lorsqu'elle servait encore de modèle aux autres nations, au XVIIème siècle notamment), sinon de s'appauvrir et de perdre ses repères (puisqu'on ne veut même plus qu'elle serve de modèle pour une immigration de masse d'origine musulmane) et d'accepter ce destin sans broncher ? Mais sur ce blog on nous répète sans arrêt que le choix du FN n'est pas un choix démocratique. Personnellement la limite que je mettrais au choix du FN est qu'il constitue un particularisme et non un universel, en cela il s'inscrit en faux avec la vocation atavique de la France, et donc il est dangereux ; Le FN n'a effectivement pas pour projet de servir de modèle, mais le repli sur soi, sur son identité, d'où l'odeur rance et fétide qu'exhale ce parti, comme tout ce qui n'est pas en contact avec l'air libre, une odeur de moisi se dégage. Il faut hélas, toujours hélas remonter comme toujours à De Gaulle pour trouver l'homme providentiel en accord avec son peuple et ses élites.

Anonyme a dit…

Sortez tous davantage !
Aérez vous la cervelle !
Ayez davantage d'exercice physique avant d'essayer de penser.
Presque tous les "penseurs" étaient au minimum "marcheurs"...
Parce que ce qu'on lit là, ça fume...
C'est quasiment de l'enfumage...
Si à partir du mot "culture" on arrive là où aboutissent ces commentaires, il doit y avoir un problème quelque part...

Emmanuel Mousset a dit…

Le problème, c'est que vous avez perdu ou n'avez jamais eu l'habitude de penser, et que ça vous fait tout drôle. Ne vous inquiétez pas, on en guérit.

Anonyme a dit…

Erwan a dit "Le FN n'a effectivement pas pour projet de servir de modèle, mais le repli sur soi, sur son identité, d'où l'odeur rance et fétide qu'exhale ce parti"
Oui mais la nature, y penser vous au cycle naturel ?
Car c'est sur l'humus fétide rance moisi que va refleurir le lys.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous êtes un mauvais botaniste : le lys n'est ni une plante vénéneuse, ni une fleur de marécage.

Anonyme a dit…

Je parlais du lys de la Maison de France