samedi 21 novembre 2015
Le Masque du dimanche soir
Que faites-vous le dimanche soir ? C'est un moment un peu hors du temps : les dernières heures d'une semaine, quelque chose qui meurt, une autre qui s'annonce. Notre état d'esprit est particulier, mélancolique. Est-ce pour conjurer ce spleen ? Je m'active : il y a tout ce qui est à terminer, il y a tout ce qui est à commencer. Préparer mes affaires, mon cartable, les cours pour le lendemain et la semaine qui vient. D'où une certaine fébrilité, pas toujours très agréable. Et puis, il y a le divertissement, la télé, auxquels on se dit qu'on a bien droit, dans ce week-end finissant, avant de replonger dans le travail. "Je hais les dimanches", chantait-elle. Les dimanches soirs, tout spécialement ?
Heureusement, quelque chose nous sauve de la morosité ou de l'hyperactivité, qui débute par quelques notes guillerettes de piano, suivies d'une voix appliquée prononçant lentement, comme on ne le fait plus aujourd'hui, où l'élocution est très rapide : "Le Masque et la Plume". Nous sommes sur France-Inter, il est 20h00 et quelques, c'est parti pour une heure. Le titre de l'émission est solennel, un peu vieillot (plus personne aujourd'hui n'oserait donner un tel titre à une émission). Il symbolise le théâtre et le cinéma pour le Masque et la littérature pour la Plume. Très classique, pour une séance qui l'est beaucoup moins.
Le Masque et la Plume fête cette semaine ses 60 ans. Que seraient nos dimanches soirs sans cette émission ? Banalement consacrés aux soucis privés, à nos inquiétudes du lendemain et à nos regrets de la veille ? Les émissions culturelles, je m'en méfie, elles sont souvent chiantes : le Masque, comme on l'appelle plus simplement, c'est un bonheur de découverte, de curiosité, d'intelligence et de contestation ! C'est un ton qu'on ne trouve plus guère ailleurs, alors même qu'on devrait le trouver partout. Des critiques viennent s'expliquer et s'écharper autour de films, de romans et de pièces.
A la télévision surtout, dans les émissions de ce genre, c'est le conformisme, le bon ton, l'esprit de promotion, parfois la flagornerie et le renvoi d'ascenseur qui dominent. Même mon cher Pivot et son Apostrophes n'en étaient pas loin. Le Masque, c'est tout le contraire, et c'est un exercice exceptionnel dans les médias : gueuler son désaccord, descendre en flèche une œuvre qu'on n'aime pas, le dire avec des mots crus, ne pas se priver d'ironiser, ignorer les impératifs de l'audimat ou le respect qu'on doit aux auteurs, il n'y a que Le Masque et la Plume qui se l'autorise. Mais la critique est toujours sérieuse, argumenté et contradictoire, laissant parfois la parole au public. C'est une émission voltairienne. La messe le matin, le Masque le soir : voilà nos dimanches.
Il n'y a que les révolutionnaires qui ne changent rien. Le Masque et la Plume, c'est la même liturgie dominicale depuis 60 ans, l'émission radiophonique peut-être la plus ancienne et qui n'a subi aucune modification à travers le temps. Pourquoi se rajeunir quand on n'a pas pris une ride ? Le Masque ne s'est pas bonifié au fil des années : il était excellent dès le premier cru. Vous ne trouverez absolument rien d'équivalent dans notre paysage médiatique : c'est un phénomène unique en son genre. Si vous avez le malheur de ne pas connaître, goûtez-y très vite : vos dimanches soirs seront transformés.
J'ai eu le plaisir d'assister à plusieurs enregistrements du Masque et la Plume. C'est bien, mais moins bien qu'à écouter à la radio. Regarder n'apporte rien : l'oreille, c'est l'essentiel. Mais surtout, ces enregistrements publics ont lieu en semaine : il leur manque le charme du dimanche soir. C'est comme boire du champagne dans un gobelet en plastique : il faut une flûte de cristal. Je suis né alors que le Masque existait. Je mourrai et je suis sûr qu'il se poursuivra après moi. Est-il alors la peine de souhaiter une longue vie à ce qui est éternel ? Bon anniversaire suffira.
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6 commentaires:
Pourquoi ne parle-t-on presque JAMAIS des deux Témoins de l'Apocalypse qui combattront l'Antéchrist ? C'est pourtant simple. Tout est expliqué, mais on ne veut plus prendre en compte les Pères, Docteurs et Saints de l'Eglise, on préfère s'en référer à un rêve talmudique de royaume terrestre ... C'est un vrai problème pour la Tradition de refuser d'affronter les problèmes et traitent notre temps comme une simple crise parmi d'autres ... !
Marc, je vous ai reconnu sous le masque. Il est l'heure de prendre vos pilules.
En fait moi aussi je vous connais, nous étions ensemble à la Sorbonne en philosophie, entre 1988 et 1993, nous avions certains cours en commun je ne sais pas si vous vous souvenez de moi ?
C'est le WE idéal pour planter un maximum d'arbres car il va faire plus froid mais la terre sera loin d'être encore gelée ! Faites passer le message à vos élus locaux ! C'est magnifique une rue avec des arbres !!! ça change du béton et de nos villes tristes, inesthétiques, même les villages ! Si Dieu a crée des si beaux arbres comme le tilleul, le platane, l'érable, le hêtre, le châ taignier, etc ... ça n'est pas pour rien !!! Dieu a crée une nature si belle, de si beaux paysages, et nous, nous enlaidissons tout, nous détruisons tout, quelle tristesse !
Vous voyez : après les pilules ... ou la prière, ça va beaucoup mieux. J'ai connu un catho à la Sorbonne. L'espèce n'était pas nombreuse. Etait-ce vous ? Je ne sais pas. Un indice : un soir, avec Guillaume, nous sommes entrés dans la basilique de Montmartre. Avez-vous reconnu Erwan, qui était des nôtres ? Vous pouvez me contacter plus personnellement, si vous le souhaitez : emmanuel.mousset@wanadoo.fr
Le "masque", c'est décapant.
C'est en effet comme un exercice cultuel et culturel rendu à la littérature, au cinéma, aux beaux arts...
Ah le Charansole d'antan, ah le Sadoul du passé, ah le Polak comme on n'en fera plus... Les plus virulents m'ont toujours intéressés davantage que les autres mais c'est comme un orchestre : il y faut des grosses caisses et des cymbales comme des petits flûtiaux ou des triangles...
Et le tout, c'est monts et merveilles !
Je n'écoute plus le "masque" que de temps en temps étant retenu par ailleurs et c'est un regret avivé par votre sujet d'aujourd'hui.
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