lundi 25 août 2014

Des ministres irresponsables



Arnaud Montebourg et Benoît Hamon sont des ministres irresponsables. Alors que la France traverse de grandes difficultés, alors que le président de la République chute dans les sondages, alors qu'une partie de la gauche conteste le gouvernement, ils ne trouvent pas mieux que d'adresser des critiques publiques à un exécutif dont il font partie. C'est ce qu'on appelle, précisément, être irresponsable.

Montebourg nous explique qu'il a contribué à lancer un débat au sein du gouvernement. Mais une équipe gouvernementale n'est pas un club de pensée, un cercle de réflexion, un lieu de débat. Un exécutif, comme son nom l'indique, est chargé d'exécuter, d'agir, d'appliquer une politique, pas d'en débattre, d'y réfléchir, encore moins de la contester. Il y a, dans le personnage qu'a joué hier Montebourg à Frangy, de la légèreté, de la désinvolture, de l'irresponsabilité. A voir ce triste spectacle, quand on est socialiste, c'est insupportable.

Hamon ne vaut pas mieux. Il nous assure de sa loyauté, faux cul comme il n'est pas permis. Il se dit proche des frondeurs, ce qui est un comble quand on est ministre. Il prétend peser en interne sur la ligne du gouvernement : comme si c'était de la responsabilité d'un ministre ! Pour qui se prend-t-il ? Pour ce qu'il a été toute sa vie : un chefaillon de sous-courant qui négocie des bouts de ficelles dans les nuits fatiguées de congrès. La France, la gauche, le parti socialiste méritent mieux.

Etre responsable, c'est quoi ? Chacun d'entre nous le sait bien, dans sa vie privée comme professionnelle : c'est prendre sur soi, c'est jouer collectif, c'est respecter la hiérarchie et se faire respecter. Montebourg et Hamon ne prennent rien sur eux, se désolidarisent de ce qui ne leur convient pas, jouent perso, ne respectent ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni les décisions de leur parti. Ils ont le sens du clan, de leur clan, pas du collectif. Ils n'appellent pas, dans l'exercice de leurs fonctions ministérielles, le respect.

Nous sommes en République, le parti socialiste est une organisation démocratique : chacun est donc libre de penser ce qu'il veut et de s'exprimer comme il l'entend. Ces principes nous sont à tous précieux. Mais la liberté n'exclue pas la responsabilité. Personne n'a obligé Montebourg et Hamon à devenir ministres et personne ne les force à le rester. Je peux comprendre qu'on soit en désaccord avec la ligne du gouvernement, y compris quand on est socialiste : mais alors, on ne prend pas de responsabilité, on n'accepte aucune charge, on ne devient pas élu, on reste militant de base.

A Saint-Quentin, en désaccord avec les orientations et les choix de mes camarades, c'est ce que j'ai choisi de faire. C'est évidemment pénible, tout militant politique a envie d'occuper un pouvoir, d'exercer des responsabilités. Mais quand on n'est plus en phase avec une équipe, on n'y reste pas, on reprend sa parole, qu'on peut alors exercer librement. Ce principe vaut à tous les niveaux politiques, de la simple section jusqu'au gouvernement.

Le Premier ministre, en annonçant ce matin la démission de son gouvernement, a parfaitement pris la mesure de l'irresponsabilité de ses deux ministres et de la crise dans laquelle ils entraînaient le gouvernement. Fermer les yeux et se boucher les oreilles, faire le dos rond, laisser passer, c'était la solution de facilité, et un encouragement donné à toutes les forces antigouvernementales à l'intérieur du parti, qui sapent son autorité et celle du gouvernement, qui n'attendent qu'un signal pour s'agiter encore plus et anticiper la succession de François Hollande. Pour l'opposition de droite, ç'aurait été pain béni. Non, un ministre est par définition quelqu'un de responsable : quand il cesse de l'être, par calcul ou par inconscience, il doit partir.

7 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Quand on est responsable on doit essayer d'influencer l'Allemagne, pour l'inciter ainsi que les autres membres de l'UE à faire une politique de protectionnisme économique à l'échelle de l'Europe. Afin de nous protéger des économie des pays émergents, notamment la Chine et l'Inde, avec lesquels nous ne pouvons rivaliser en matière de coût du travail. Ainsi la politique économique de l'offre, et de la réduction sans fin du coût du travail est une politique bien que menée par les socialistes, de droite. Ainsi Montebourg et Hamon font-ils preuve de courage et essaient de sauver l'honneur de la gauche. Seule une politique protectrice de la zone économique européenne pourrait relancer le marché intérieur européen, augmenter le niveau de vie de nos concitoyens, et de tous les Européens. C'est l'augmentation de la demande qui relancera l'offre, et non le contraire. Sinon on se condamne à un cercle vicieux sans fin d'allègement du coût du travail et d'épuisement de la demande interne à l'Europe, une telle politique de l'offre aboutira à la ruine de l'Europe. L'Allemagne sera peut-être la dernière à mourir dans un tel contexte, mais elle mourra elle aussi, ne pouvant rivaliser en matière de coût du travail avec les pays émergents. Ne pouvant faire que le monde soit plus juste et équitable, faisons en sorte que l'Europe soit forte économiquement, en se protégeant, afin d'offrir au reste du monde un modèle de société socialement juste. Valls et Hollande sont des traîtres à la gauche, qu'ils en tirent toutes les conséquences. Quand à la logique kantienne d'obéissance et de soumission aux ordres, j'ai déjà dit que c'était une philosophie obsolète, d'origine prussienne, que même les Allemands ont rejeté, devant l'horreur du résultat qui culmine dans le nazisme. Obéissance et soumission, c'est bien pour élever les enfants ou pour mener des armées; mais cela n'a pas à s'appliquer à des adultes.

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan,

Je ne discute pas de ta ligne politique, qui n'est pas la mienne. Mais parler d'obéissance, de soumission et de nazisme là où je parle de responsabilité, de fidélité et de discipline, non. Quant à l'accusation de "trahison", elle appartient à une culture politique qui, là non plus, n'est pas la mienne.

Anonyme a dit…

Ce matin j'écoutais les mêmes commentaires sur les déclarations couplées de Montebourg et Hamon, hier à la fête de la rose. Soudain, branle- bas de combat dans les rédactions, voici qu'une alerte arrive nous annonçant un remaniement de gouvernement, et franchement je n'ai pas eu besoin d'entendre les diverses analyses pour comprendre que la situation tournait "au vinaigre" et que la mayonnaise ne prenait plus entre les ministres "frondeurs" et le couple Valls-Hollande. Les difficultés à venir pour le premier ministre me sont apparues comme une évidence, tout d'abord pour trouver des ministres fiables et "obéissants" alors que les "mutins" se font de plus en plus nombreux à gauche , ensuite conséquence de cette rébellion ambiante la difficulté accrue pour désormais faire adopter les projets de loi à l'assemblée. Je pensais qu'avec les derniers chiffres déplorables de l'économie nous avions touché le fond, je m'aperçois malheureusement qu'il n'en était rien et maintenant je me dis "que peut-il ou que va-t-il encore arriver de pire?" et vraiment je croise les doigts pour que la descente aux enfers, la spirale infernale s'arrête rapidement !!
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Anonyme a dit…

C'est une crise structurelle, une crise grave . C'est une crise qui démontre la faiblesse de la gauche, son amateurisme, son impréparation face à la crise, son incapacité à la surmonter collectivement. Une gauche du chacun pour soi, une gauche du sauve-qui-peut.
Il ne reste plus grand-chose de l'autorité du président de la République, qui porte sa part de responsabilité Car tout ce qui n'avait pas été tranché avant l'élection présidentielle, tout ce qui avait été mis sous le tapis pendant la campagne présidentielle éclate aujourd'hui à la figure de François Hollande. La bombe a beau être à retardement, elle est dévastatrice.
L'absence de croissance a servi de détonateur. Deux années de quasi-stagnation économique, de chômage de masse et de poussée lepéniste fournissent à Arnaud Montebourg des arguments de poids pour renouveler la charge contre « le dogme de l'orthodoxie budgétaire», mettre en avant « le grave risque déflationniste dans la zone euro » , réclamer, avec Benoît Hamon, « une politique de soutien à la consommation partout en Europe » et assumer la rupture avec le président qu'il a servi pendant deux ans en invoquant « la responsabilité collective d'interrompre ce coulage économique par l'austérité ».
François Hollande est sur la défensive car, à peine élu , il avait imprudemment promis le retour imminent de la croissance au nom de «la théorie des cycles», et comme la croissance ne vient pas, il peut dire tout ce qu'il veut, on ne le croit plus.
Tout le contraire du «changement, c'est maintenant» clamé de façon hasardeuse pendant la campagne présidentielle.
La pression est d'autant plus forte que Marine Le Pen accroît son emprise sur l'électorat populaire en contestant radicalement l'euro et son fonctionnement .
François Hollande n'ignorait rien de ces fragilités parce qu'il avait été onze ans durant premier secrétaire du PS. Mais il voulait être président et il croyait pouvoir fabriquer sa propre synthèse à l'Elysée. L'absence de croissance signe la fin brutale du rêve.

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Emmanuel Mousset a dit…

On peut multiplier autant qu'on veut les commentaires, en pour ou en contre, il n'y a en politique que deux choses qui comptent : avoir le pouvoir et avoir du temps. Hollande a trois ans devant lui pour convaincre les Français. D'ici là, beaucoup d'eau sera passée sous les ponts.

Evi a dit…

Emmanuel ta réponse à l'excellent commentaire du précédent anonyme me déçoit.
Ne vois tu que la V R est à bout de souffle?
Comment aujourd'hui un seul homme peut dicter une politique? Et puis le PS n'était pas prêt. Tu sais mieux que d'autres que FH a été élu par défaut (déni de Sarkozy) et parce que DSK a été mis hors jeu.
Que fais tu des promesses de campagne non tenues, pire il conduit une politique pour laquelle il n'a pas été élu.
Alors oui les français ne sont pas idiots, ils ont vite compris qu'ils se sont trompés de marchandise.

Mais parlons plutôt de l'actualité c'ad de Valls 2
Je ne suis pas pour que des écolos rentrent ds ce gouvernement, si c'est le cas je le comprendrais car EELV a une dette de 17 députés vis à vis du PS.
D'où notre obsession pour la proportionnelle et surtout l'évolution des institutions.

tourtounou a dit…

Donc, en fait quand on fait partie de la politique, on n'est toujours obligé d'être d'accord avec nos supérieurs ?. On ne peut pas les critiquer ? Si ils sont contre quelque chose, faire croire qu'ils sont pour, serait sûrement mentir. Je n'aime pas trop Montebourg, mais le fait qu'il ait osé dire ce qu'il pensait, même en étant en désaccord avec le président, le fait un peu remonter dans mon estime.
Idem avec Hamon . On est pas obligé de dire "oui, oui, vos idées sont géniales" au président, si on ne le pense pas.

ça m'étonne déja d'un professeur, le rôle du professeur ,en plus d'instruire les éléves , étant de développer leur esprit critique, et donc de comprendre ( Une prof d'espagnol au collège se débrouillait d'ailleurs très bien à çaà
d'un prof de philo encore plus . Kant a bien défini l'esprit critique.
l'esprit critique est une attitude qui n’accepte aucune assertion sans s’interroger sur sa valeur . Montebourg en fait preuve . Il s'interroge sur sa valeur
"La critique constructive est une forme de communication, dans laquelle une personne essaye de corriger le comportement des autres d'une manière non autoritaire, en maintenant la juste autodétermination individuelle et de la responsabilité personnelle d'autrui." il s'agit effectivement d'une critique constructive . Il n'a pas dit "le président est un censuré, ses idées c'est de la m*" et s'est arrêté là . Non, il a donné des arguments, disant quelle politique il préférait. Je ne sais pas si celle qu'il suggérait est meilleur que celle d'Hollande, n'étant pas dans l'économie, mais côté esprit critique et critique constructive, il a quand même assuré ( même si je le rappelle), je ne l'apprécie pas)
mmanuel

Kant, lui avait écrit ceci dans "critique de la faculté de juger"
Nous procédons dogmatiquement avec un concept lorsque nous le considérons comme contenu sous un autre concept de l'objet, qui constitue un principe de la raison et que nous le déterminons conformément à celui-ci, ce procédé est celui qui est conforme à la faculté de juger déterminante. Mais nous le traitons simplement en critique si nous le considérons seulement dans la référence à nos facultés cognitives et par conséquent aux conditions subjectives de la pensée, sans s'engager à décider n'importe quoi au sujet de son objet" Montebourg la faculté de juger.

Ensuite, ceci m'étonne de vous . Vous avez déja annoncé vous même être scepticisme, ça fait partie de l'esprit critique le specticisme.
deuxièmement, si je me rappelle bien de vos cours, quand nous débattions, même si dans un avis , nous n'étions pas de votre idée, même si on donnait l'idée devant toute la classe , tant que c'était bien argumenté, l'idée était accepté ( pareil pour nos notes de de dissertations . Vous mettiez vraiment des points sur l'argumentation , et pas sur le fait que vous soyiez d'accord avec nos idées)

Oui , oser critiquer c'est pour moi important.

Et le fait de vouloir refaire tout le gouvernement parce que deux ont simplement fait preuve d'esprit critique, comme quand nous on en faisait preuve devant la classe (en philo) me fait penser au collège où on punissait la totalité de la classe parce que cinq ou six éléves chahutaient. (et encore ici, ce n'est même pas du chahut, mais de l'esprit critique, comme je l'ai déja fait remarqué)