vendredi 8 août 2014

Le philosophe triste



Depuis maintenant 12 ans, chaque été, en août, le philosophe Michel Onfray officie sur France-Culture, avec la diffusion de ses conférences annuelles devant l'Université populaire de Caen, qu'il a contribué à fonder. Vous pouvez l'écouter quotidiennement, le matin à 11h00 ou en début de soirée, à 19h00. Je ne rate aucune de ses interventions ... bien que je sois en total désaccord avec sa pensée.

Onfray, depuis une bonne vingtaine d'années, s'est acquis un public nombreux. C'est un philosophe à succès, dont les ouvrages se vendent. Mais quelle est sa pensée ? Une critique virulente, négative et parfois assez peu philosophique, outrancière, caricaturale, des philosophes d'aujourd'hui et du passé. Ce nietzchéen pratique ce que son maître pourtant dénonçait : l'esprit de ressentiment.

Avant-hier, il nous expliquait que Kant avait alimenté la pensée nazie (alors que c'est généralement ce qu'on reproche à Nietzsche, à tort là aussi : curieux retournement). Pour Michel Onfray, la philosophie d'après guerre n'a pas su "penser" le nazisme et s'est même laissée imprégner par lui. Il n'y a qu'Albert Camus et Hannah Arendt qui échappent à sa vindicte. On se souvient aussi quel traitement injuste et excessif Onfray avait fait subir à Sigmund Freud.

Je m'intéresse moins à la pensée d'Onfray, tant elle me semble indéfendable, qu'à l'audience qu'elle suscite. Vendredi dernier, au moment des questions de la salle, un intervenant a évoqué les camps de concentration "inventés par les Anglais" et les bombardements américains sur Dresde pendant la Seconde guerre mondiale, "pire que les bombardements allemands". Heureusement, Onfray, qui n'est pas philosophe pour rien, a repris son auditeur, dénonçant le révisionnisme larvé de son propos. Il n'empêche que le mal était fait. Le succès de Michel Onfray vient, à mon avis, de ce qu'il croise l'air du temps, qui porte à la contestation systématique d'un peu tout, des grands penseurs comme de l'interprétation des événements historiques, avec les graves dérives que l'on sait.

La séduction paradoxale d'Onfray, c'est qu'il est le contraire d'un séducteur : vêtu de sombre, peu souriant, visage triste et parole austère, sans lyrisme ni grandes idées à nous proposer. De ce point de vue, c'est l'anti-BHL. Les années 70-80, exaltées et combatives, étaient celle de Bernard-Henri Lévy ; les années 2000, sceptiques et critiques, sont celles de Michel Onfray. Je vous invite néanmoins à l'écouter : toute réflexion est intéressante, et vous pourrez vous faire votre propre idée.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

on sait depuis longtemps que Michel Onfray n'est pas dans vos petits papiers mais pourriez vous être plus précis en nous faisant savoir en quoi vous n'êtes pas d'accord avec sa pensée( il doit donc en avoir une alors qu'en fin de billet vous écrivez qu'il pas de grandes idées; attention ,il faut parfois se relire, conseil d'enseignant)

Emmanuel Mousset a dit…

Non, dans le cadre de ce blog, je ne veux pas m'étendre sur des positions philosophiques qui seraient trop longues à exposer et qui n'entrent pas, ici, dans mes préoccupations. J'ai simplement voulu rappeler, dans les limites forcément restreintes d'un billet, mes quelques réactions aux conférences d'Onfray et surtout à son personnage. Et puis, mon objectif n'est pas de convaincre quiconque de se détourner d'Onfray, mais au contraire de s'informer sur sa pensée, afin de se faire sa propre idée (la mienne importe peu).