vendredi 26 août 2016

L'honneur de la République est sauf



Le titre de ce billet est un peu grandiloquent, je l'admets. Mais il est justifié. Dès le premier arrêté anti-burkini, j'ai écrit que l'esprit de la République était bafoué et que la loi ne l'autoriserait pas. Mais le droit, même constitutionnel, permet des subtilités juridiques qui réservent parfois des surprises. Il n'y en a pas eues, tant mieux : le Conseil d'Etat a invalidé aujourd'hui l'arrêté qui, honteusement, contredit ce qui nous tient le plus à cœur : les droits de l'homme, la laïcité, la liberté d'expression, la simple tolérance.

Le plus grave dans cette triste affaire, qui n'aura pas fait honneur à notre pays aux yeux du monde, ce sont les divisions au sein du gouvernement. Autant je peux comprendre que des différences s'expriment sur les questions économiques et sociales, autant les valeurs républicaines devraient unir fortement la gauche. La preuve que non, hélas. Hommage aux deux ministres, deux femmes (ce n'est pas un hasard) qui ont condamné avec le plus de fermeté et de lucidité ces odieux arrêtés : Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine. La ministre de l'Education nationale a été particulièrement incisive : les libertés individuelles sont remises en cause, la parole raciste est libérée, le lien entre burkini et terrorisme est mensonger. La ministre de la Santé a ajouté que la laïcité n'était pas le refus des religions. Après ça, je ne vois rien d'autre à dire.

En revanche, quelle déception dans le commentaire du chef de l'Etat, qui a fait ce que je déteste par dessus tout en politique : s'abstenir, attendre, renvoyer tout le monde dos à dos. "Ni provocation, ni stigmatisation", a-t-il dit : non, trop facile, et faux. Dans l'affaire du burkini, il n'y a aucun provocation et que de la stigmatisation. A moins que François Hollande, par le mot de "provocation", n'ait désigné les 30 maires qui ont pris ces arrêtés et qui jettent ainsi de l'huile sur le feu. Auquel cas je serais d'accord avec lui. Mais j'attends quand même d'un président de la République, de droite ou de gauche, ancien ou actuel, qu'il défende les principes de la République, que la légitime attente de la décision du Conseil d'Etat n'empêchait pas.

Manuel Valls est allé beaucoup plus loin, en soutenant carrément les maires populistes et démagogues, en sur-interprétant le burkini comme signe d'asservissement de la femme. Je ne suis pas surpris, venant de lui, admirateur de Clémenceau et représentant d'une gauche qui place l'autorité avant toute autre forme de considération. Mais venant d'Emmanuel Macron, qui lui aussi a rallié le camp du soi-disant ordre public, alors là, les bras m'en tombent : quand on se veut libéral en matière économique, il faut l'être aussi en matière de mœurs et admettre que les femmes sur la plage, que cela plaise ou non, s'habillent comme elles l'entendent (ou se déshabillent comme elles l'entendent), pourvu qu'aucune contrainte, dans un sens ou dans un autre, ne s'exerce sur quiconque. Qu'importe, tous auront été désavoués par le Conseil d'Etat, l'honneur de la République ce soir est sauf, et c'est l'essentiel.

20 commentaires:

D. a dit…

La fin du billet pourrait suggérer que vous placez l'honneur au niveau vestimentaire.
L'honneur, c'est bien autre chose que la façon de se vêtir.
Ou de manger...
Vos champions vous déçoivent... Enfin !
Pour ma part, de l'équipe mise en place par François Hollande, remaniée quelque peu par la suite, je crains qu'elle n'ait jamais été une équipe mais un ensemble hétéroclite où les "moi" prédominent sur le "nous".
On attendait d'une équipe de gauche qu'elle ne joue pas comme les trois équipes de droite qui ont précédé.
Mais le changement, on l'attend encore.
Et dire que dans neuf mois, va naître un nouveau gouvernement dont on craint le pire vu qu'il sera positionné à l'extrême droite, c'est couru d'avance.

Emmanuel Mousset a dit…

Je soutiens exactement le contraire : l'honneur de la République, c'est de n'imposer ou de n'interdire aucun vêtement, c'est de ne même pas intervenir dans une querelle vestimentaire. L'honneur de la République, c'est de défendre le premier principe de sa devise : la liberté.

Mes champions ne me déçoivent pas. Ils restent mes champions. Mais quand je ne suis pas d'accord, je le dis. C'est ça aussi, l'honneur de la République, je dirais même son devoir : pour le citoyen, dire qu'il n'est pas d'accord, surtout à propos de ses proches (avec les adversaires, on n'est jamais ou rarement d'accord).

Erwan Blesbois a dit…

La seule et unique condition du vivre ensemble n'est pas la liberté (liberté de quoi ? Des égocentrismes contre la chose publique), mais tout ce qui permet de nous rassembler. Ce qui est (ou devrait être) commun à absolument tout le monde. Quand on est de religions différentes, d'orientation politique différente, de pays d'origine différents, de sexe et de sexualité différents, de milieux sociaux différents, que reste-t-il permettant de tous nous rassembler ? Que nous reste-t-il en commun ? Notre condition d'être humain, notre identité nationale, un certain nombre de symboles, de traditions et de codes sociaux : l'assimilation et rien d'autre. Ce que certains font tout pour détruire et diaboliser (l'identité nationale, la France et ses terroirs, que vomit l'auteur de ce blogue, Emmanuel Mousset, qui exalte le cosmopolitisme déterritorialisé, du moment qu'il s'accompagne de la constitution d'une élite, d'une aristocratie par delà bien et mal) est la seule chose qui permettra de rassembler les Français, contrairement au communautarisme : affirmation de son égocentrisme dans le port du burkini, provocation, oui provocation comme le dit Hollande, qui flirte avec le fantasme d'anéantir ce qui fait le bien commun en France, qui divise même avec la meilleure volonté du monde. Notre pays est menacé d'anomie : une désorganisation sociale résultant de l'absence de normes communes. Ce terme d'anomie résume à lui seul tout le problème de l'illusion du fameux vivre ensemble en France. Car il est impossible, absolument impossible, de forcer à cohabiter des gens n'ayant rien en commun. Ou alors que les Français de longue date, honteux de leurs origines, coutumes et morale (honte instillé à la jeunesse des années 80 par Mitterrand, "la génération tonton" dont fait partie Emmanuel Mousset, "touche pas à mon pote") mettent la clef sous la porte, et quittent discrètement le pays en masse, pour ne pas effaroucher nos nouveaux cohabitants, au nom du politiquement correct.

Anonyme a dit…

"Je soutiens exactement le contraire : l'honneur de la République, c'est de n'imposer ou de n'interdire aucun vêtement,"
Sauf pour des motifs de sécurité publique de sécurité au travail ou d'hygiène dans certains lieux publics ...
car pourquoi ne pas pénétrer dans une banque avec un masque ou dans une piscine en combinaison de travail ...
cela irait mieux en le précisant

Philippe a dit…

Je viens de lire un article qui en creux souligne notre naÎVETÉ.
ICI SUR CETTE PAGE :
http://www.marianne.net/aalam-wassef-il-n-y-aucune-honte-barrer-route-extremisme-islamiste-tous-les-moyens-legaux-possibles
Sommes nous de gros couillons ?

Marie-Christine a dit…

Entériner la mauvaise conscience des femmes d’êtres des femmes,
d’avoir un corps de femme,
de renvoyer à l’homme la confirmation qu’il est un homme,
et de recevoir de lui celle qu’elle est une femme,
humaine comme lui,
en différence, comme lui,
ni plus ni moins

En habillant cette mauvaise conscience pour mieux l’intérioriser,

L’inscrire avec un burin dans le marbre d’une représentation collective obligée,

Laisser s’infiltrer avec obstination dans les esprits une pudibonderie niaise née
du mépris du corps,
d’une névrose collective,
d’une hypocrisie masculine abyssale

Alors comme ça...

Ce génocide symbolique est en cours sous nos yeux, dans nos pays démocratiques…
Il s’installe comme une chose normale.
Et déjà, dès que je pointe cela du doigt, les insultes pleuvent…

J’en ai la gorge nouée…

Maxime a dit…

Donc pour vous l'interdiction de la burkha est un déshonneur pour notre pays? L'interdiction du voile à l'école aussi?

Anonyme a dit…

Philippe, c'est une bonne part des pages du n° de "Marianne" qu'il faut lire pour sortir de la naïveté ( que je déplorais déjà,lors du premier billet d'Emmanuel à propos du burqkini).

"La laïcité à poi" page 8 et de la page 14 à 23 les points de vue de femmes qui combattent l'islamisme.

Le Conseil d'Etat a raison , il reste à combattre et dire à l'islam (de France et d'ailleurs) que la charia ne sera jamais la loi de notre République.

Anonyme a dit…

Vous vous trompez complètement dans la mesure où le Conseil d'Etat n'a suspendu qu'un seul arrêté anti-burkini, celui de Villeneuve-Loubet, dans la mesure où ses fondements juridiques étaient contestables; les autres restent valables dans la mesure où ils sont fondés sur le risque de trouble à l'ordre public parfaitement fondé en droit.
La République, en France, n'est pas que la liberté de faire ce qui plait aux citoyens ce qui s'appelle le libéralisme politique, mais bien d'autre chose, ni simplement l'absence de roi et toutes les lois laïques sont postérieures de 35 ans à l'établissement de la IIIè République.
Contrairement à ce que vous avez affirmé à plusieurs reprises les lois de laïcité notamment celle de 1905 ne sont pas de lois anti-religieuses nais seulement des lois organisant la vie publique dans le cadre d'un pluralisme religieux où l'Etat et tous ses représentants se doivent d'être neutre et d'organiser la coexistence pacifique des religions. Toutes les expressions religieuses sont autorisées dans un cadre privé, puis public dans la mesure où elles ne troublent pas l'ordre public. Il va de soi que toutes les formes d'absence de religion se trouvent sur un pied d'égalité avec les religions.
La République a repris à son compte la déclaration du Comte de Clermont-Tonnerre lors de la Révolution française pour l'émancipation des Juifs qu'elle accorde tous les droits aux individus en tant que tels mais non en tant que membre d'une communauté religieuse. Autrement dit de nos jours et comme par le passé les musulmans comme les juifs, les catholiques, les protestants et tout autre religion ne peut exiger de La République des droits particuliers du fait de leur religion. Encore plus clairement dit dans la République Française les musulmans n'ont pas à revendiquer de droits spécifiques en raison d'une identité religieuse. Donc exit burqa, voile, hidjab, niqab et burkini de l'espace public! Les petites minorités d'activistes musulmanes et leurs partisans de gauche et d'extrême-gauche voire même de droite en raison d'un clientélisme électoral n'ont pas le choix. Tous ces idiots utiles de l'islamisme politique doivent se faire une raison. Ceux qui n'acceptent pas cette réalité et ils en ont le droit, ont aussi le droit d'aller voire ailleurs "si l'herbe est plus verte".

A a dit…

"La charia ne sera jamais la loi de notre République" ?
C'est ce que vous pensez, ce que vous voulez, tout comme moi...
Mais il n'est pas suffisant en démocratie d'avoir raison tout seul dans son coin.
Ou à quelques uns...
Il faut instruire nos jeunes, inculturés comme culturés, afin que lors des élections, au grand jamais ne soient déposés suffisamment de bulletins de vote pour des mous du collier capables d'instaurer un jour, pourquoi pas, cette fameuse et rétrograde charia dans notre république car il est nécessaire de toujours rappeler que ce sont les électeurs qui décident.
En 1979, en Iran, c'est une masse populaire indéniable qui a instauré le régime actuel de Téhéran.
Alors plutôt que de se méfier des masses, inculquons leurs les bases permettant de juger du bien et du mal des choses politiques...

N comme naturiste a dit…

Des plages pour ces musulmanes qui veulent se baigner tout habillées, pourquoi non ?
Il y a bien des espaces réservés aux naturistes qui veulent et peuvent se baigner en plus simple appareil ?
Il ne fallait pas concéder aux seconds ce qu'on voudrait interdire aux premières !
Privatiser l'espace public, c'est là toute la question aurait pu dire William Shakespeare...
Rendre au public ce qui a pu être privatisé est un autre combat.

Emmanuel Mousset a dit…

- La décision du Conseil d'Etat fera jurisprudence et permettra d'invalider les autres arrêtés.

- J'ai toujours dit que la loi de 1905 n'était pas antireligieuse (en République, c'est inconcevable).

- Le problème n'est pas d'avoir raison tout seul ou à plusieurs, mais d'avoir raison, peu importe à combien.

Anonyme a dit…

Vous persistez dans l'erreur quand vous dites "la décision du Conseil d'Etat fera jurisprudence et permettra d'invalider les autres arrêtés" pour le motif que j'ai énoncé dans mon commentaire.
Vous avez une position de la gauche anti-républicaine et communautariste comme vos amis d'extrême-gauche à la recherche d'un prolétariat de substitution puisque les ouvriers votent en majorité FN. Vous appliquez les souhaits de la fondation "Terra nova".

Emmanuel Mousset a dit…

1- Les tribunaux nous départageront.

2- Je n'ai pas d'amis politiques à l'extrême gauche.

3- Une forte minorité d'ouvriers votent FN, mais la majorité s'abstiennent.

Anonyme a dit…

Sans avoir d'amis politique à l'extrême gauche on peut toujours se retrouver sur sa ligne politique, même partiellement. Elle est moins modérée que vous mais vous êtes plus subversif de par votre présumée modération parce que plus écouté, crédible. Comme Madame Najat Vallaud Belkacem et Madame Marisol Touraine. Le PS applique les préconisations de la fondation Terra nova pour chercher un électoral de substitution au monde du travail qui ne vote plus socialiste, ni à gauche. Parfois l'abstention est le premier pas avant un votre FN. Le PS avec le mariage pour tous a perdu une partie du vote musulman qui a permis, entre autres la victoire de François Hollande en 2012.
Vous ne réalisez pas que vous et vos amis socialistes,et comme l'extrême-gauche, soutenez par naïveté implicitement l'action d'une minorité politico-religieuse qui veut imposer dans l'espace public les signes d'une appartenance religieuse qui vous méprise en vous traitant de "kouffar" ou mécréant dont cette action n'est qu'une étape. Vous ne mesurez pas, ne voulez pas savoir les pressions qu'exercent les intégristes musulmans pour le port du voile et de tout vêtement à connotation religieuse musulmane. Pour eux à court, moyen et long terme il s'agit de fracturer la société française en opposant les musulmans aux autres qui ne seraient que les "idiots utiles" de ces gens-là. Bref de créer les conditions d'une guerre civile dont vous seriez aussi victime puisqu'ils vous méprisent vous, les vôtres et même l'extrême gauche qu'ils vouent au mieux à la conversion ou à l'esclavage ou la mort. Pour vous dégriser je vous invite à lire le livre de Gilles Kepel "Terreur dans l'hexagone, genèse du djihad français" paru chez Gallimard. Il vous apprendra comme à moi bien des choses et vous décillera les yeux.

Comme ces féministes d'opérette telle Clémentine Autain qui n'a pas désapprouvé les agressions sexuelles de femmes commises à Noël dernier à Cologne par des immigrés. Certains ont une préférence nationale, d'autres ont une préférence étrangère à leur propre monde au nom d'une vision idéalisée et électoraliste des musulmans vus comme les damnés de la terre, et les victimes de l'impérialisme occidental. Alors qu'il s'agit d'une lutte interne au monde musulman qui fait plus de victimes musulmanes et dont nous sommes partie prenante dans la mesure où la plus grande partie des musulmans où qu'ils se trouvent partagent notre vision du monde.
L'extrême gauche a un mérite sur vous celui de n'être pas naïf et d'afficher plus clairement la couleur. Cependant les "idiots utiles" de leur cause comme disait Lénine en bien d'autres temps, révolus.

Soyez socialiste mais pas naïf !

Je ne suis bien amusé à la déclaration de votre mentor Emmanuel Macron "je ne suis pas socialiste" lors d'une visite au Puy du Fou de Philippe de Villiers. Déjà il y a 1 an il avait des déclarations sur l'incomplétude de notre démocratie en l'absence de roi. Expliquez-moi donc votre contradiction entre soutenir Macron et être socialiste. A mon avis Macron est un électron libre qui peut nous réserver bien d'autres surprises, à votre grand dam, une fois de plus.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Vos propos sont excessifs : ce que vous dites sur Autain est manifestement faux et polémique. Je ne me situe pas sur ce terrain-là.

2- La "naïveté" n'existe pas en politique ; il n'y a que des points de vue, plus ou moins argumentés.

3- Macron est libre, comme je suis libre, comme j'espère vous êtes libre, comme tout citoyen en République a le devoir d'être libre. Mais ça n'en fait pas un "électron". Je le crois fidèle au gouvernement et au président.

Anonyme a dit…

Je persiste sur les 2 points que vous évoquez.
La naïveté en politique, cela existe c'est, notamment, votre analyse sur la question
du burkini comme j'ai essayé de vous le démontrer. D'autres commentateurs vous en ont fait le reproche lors d'un de vos précédents posts de votre blog.
Quant au 3è vous "bottez" bien facilement en touche: une fois ce gouvernement et ce président partis il peut vous réserver bien des surprises qui vous déplairont alors que vous en faites votre mentor. C'est bien pour cela que je le considère déjà comme un électron libre.

Philippe a dit…

Vous transformez la politique politicienne PS en religion indépassable.
Pourtant cette religion ne vous reconnaît pas comme étant l'un des siens, notamment son, de plus en plus mini, sous ensemble PS.
La sous-préfecture de St Q au niveau PS ne vous a jamais adoubé pour une fonction d'une quelconque importance.
Je fréquente ce blog car je compatis toujours avec les "affligés" de la vie, les malades, les perdants etc. je dois avoir des gènes de st bernard (le clébard).
Cessez de flasher sur des macron hollande hier des valls ils s'en cognent de vous de nous et des autres !

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne me reconnais ni dans votre langage, ni dans vos propos. Question de style.

Philippe a dit…

j'ai le style scalpel ... que je retourne bien sûr vers moi dans l'intimité de mon cabinet de réflexion.