mercredi 31 août 2016
La Grande Peur des bien-pensants
Hier, la démission d'Emmanuel Macron m'a d'abord laissé dubitatif (voir billet précédent) : il ne faut pas transiger avec le soutien au président de la République et la solidarité gouvernementale, surtout à quelques mois d'une élection présidentielle. Je n'aimerais pas que Macron devienne à son tour un vulgaire "frondeur". Mais non : ses explications à Bercy et sur TF1 m'ont rassuré, ce n'est pas le chemin, forcément tortueux, qu'il prend. Il a rendu hommage au chef de l'Etat, à son Premier ministre et à l'action du gouvernement, sans émettre la moindre critique : c'est l'essentiel. Quant à sa candidature à la prochaine présidentielle, il s'y prépare, c'est certain, c'est son droit et il a repris sa liberté pour cette raison-là. Mais je suis persuadé qu'il ne se présentera pas contre François Hollande, qu'au contraire il lui apportera beaucoup si celui-ci décide de se représenter.
Quant au fond, comment ne pas être d'accord avec Emmanuel Macron ! Il y a la méthode : vouloir construire d'abord un projet de société, passer seulement ensuite au choix du candidat qui le portera. C'est la bonne méthode ! La droite et la gauche font le contraire : elles mettent en place un système de primaires qui fait se déchirer les personnes et qui relègue au second plan l'élaboration d'un projet commun. La politique s'en trouve discréditée aux yeux de nos concitoyens !
Le système politique, justement : c'est là où Macron vise juste, où il est le plus fort, où il peut élargir son audience dans les mois qui viennent. Ce système ne marche plus, est vermoulu. Les partis politiques sont devenus des appareils qui moulinent dans le vide, qui brassent du vent, qui s'opposent artificiellement. Résultat : l'extrême droite fait des scores affolants, elle s'apprête à figurer une fois de plus au second tour de l'élection présidentielle. La radicalité de Macron est moins économique que politique : c'est le système actuel qu'il veut changer.
Economiquement, nous connaissons sa philosophie : le social-libéralisme, l'idée que le libéralisme économique peut se conjuguer avec le progrès social. C'est là où le gouvernement aurait pu et dû aller plus loin. Je pense à la loi El Kohmri, dont la première version était excellente, mais qui a été vidée de sa substance à force de compromis stériles qui, au bout du compte, ne satisfont personne, ni syndicats, ni patronat. Bien sûr, Macron a réussi à libéraliser le transport par autocar et à étendre le travail dominical. Mais ce sont des avancées encore insuffisantes par rapport à ce que pourrait apporter une véritable révolution social-<i>libérale.
Libérer les forces économiques, ouvrir les secteurs protégés, casser les privilèges corporatistes afin d'obtenir une baisse massive du chômage, de redonner du pouvoir d'achat aux salariés, de réintégrer à la société les exclus, de réduire les inégalités entre ceux qui ignorent la crise et ceux qui la subissent de plein fouet, oui, voilà un projet audacieux pour une social-démocratie renouvelée.
Sur le "ni droite ni gauche" qu'on lui prête à tort, Emmanuel Macron a de nouveau été très clair : la droite et la gauche existent, correspondent à des traditions historiques et intellectuelles parfaitement respectables, et l'ancien ministre lui-même se définit comme "un homme de gauche". Mais la vie politique actuelle ne peut pas se réduire à ce clivage. Là encore, le regard de Macron est pertinent. Ce qui fait notamment le succès de l'extrême droite, c'est qu'elle échappe aux clivages traditionnels.
Surtout, ce qui semble évident, c'est que des convergences sont avérées, par exemple sur l'Europe mais pas seulement, entre centre-gauche et centre-droit. A contrario, qui ne voit qu'à l'intérieur du Parti socialiste s'affrontent des points de vue totalement irréconciliables (sauf au moment de se répartir les places et les investitures) ? C'est à cette confusion que Macron veut mettre fin. C'est néanmoins ce qu'il y a de moins novateur dans sa démarche : il y a bien longtemps, dans certains pays d'Europe, comme en Allemagne, que gauche social-démocrate et droite libérale parviennent, dans certaines circonstances, à travailler et à gouverner ensemble.
Ce séisme dans notre culture politique, qu'Emmanuel Macron compte bien provoquer, ne peut susciter que les réactions négatives du système. Hier et encore aujourd'hui, les critiques ont été nourries. Je m'en réjouis, c'est bon signe. Même le sage Juppé a senti son chapeau à plumes voler : il s'est départi de son habituel modération pour faire un commentaire acide et parfaitement inutile. Macron parviendra-t-il au bout de sa longue marche ? Je n'en sais rien, tant son initiative est inédite, iconoclaste et risqué. Mais nous serons nombreux à marcher avec lui.
Sur TF1, cet homme jeune, moderne, à la culture financière et numérique, a fait spontanément une référence archaïque, tout à la fin, qui est à mes yeux son rosebud, la clé qui explique sa personnalité : il a cité Bernanos ! Qui connaît aujourd'hui Bernanos ? Qui sait que cet homme n'est pas un sportif ou un chanteur, mais un écrivain, catholique de droite, anticonformiste, défenseur de la Commune, adversaire de l'Espagne franquiste et du régime de Vichy ? Qui lit encore Bernanos aujourd'hui, à part Macron, moi et quelques autres ? Il est l'auteur d'un ouvrage magistral, paru en 1931 : "La Grande Peur des bien-pensants". Et si c'était ça, au fond, que combat Macron ? En tout cas, depuis 48 heures, les bien-pensants, par leurs cris d'orfraie, lui rendent un bel et involontaire hommage. Leur Grande Peur, c'est la remise en cause d'un système sur lequel repose leur pouvoir.
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15 commentaires:
Emprunter un titre à Georges Bernanos pour défendre Macron c'est une imposture, autre mot dans ses "Essais et écrits de combats" ainsi sont rassemblés tous ces écrits non-romanesques dans la Bibliothèque de La Pléiade.
Macron incarne un conformisme le plus plat et le plus banal. Normalien, énarque, banquier d'affaires chez Rotschild et ministre d'un gouvernement qui se dit de gauche mais qui fait une politique ultralibérale , la même que la droite, sous la férule de l'Allemagne puisqu'il ne s'est livré qu'à un simulacre de renégociation du traité Merkozy en 2012. Il a toujours pris ses ordres à Berlin auprès de Schaüble et Merkel pour notamment écraser sous le poids d'une dette impayable le seul gouvernement progressiste de l'UE, la Grèce de Tsipras, qui ne demandait qu'une simple renégociation. Promu ministre par un président qui se comporte comme un petit apparatchik timoré comme quand il fût pendant 11 ans à la direction du parti "socialiste". Il semble promis l'an prochain à une raclée électorale historique largement méritée.
J'ai emprunté ce titre parce que Macron lui-même a cité Bernanos. A lire votre logorrhée, vous faites partie des bien-pensants d'extrême gauche. Chaque parti a les siens, hélas.
Raté, encore raté ! Comme vous, sur le burkini, je peux emprunter des analyses à l'extrême-gauche sans avoir la moindre affinité avec elle. Je suis plus dans l'esprit d'un Bernanos qui, je pense, n'aurait pas du tout aimé un Macron qui n'est qu'un demi-habile, un politicien au service de l'argent-roi.
Les bien-pensants sont toujours au service du système politique, économique et social en vigueur. Comme vous, comme votre parti "socialiste" et votre futur ex-mentor Macron vous en êtes non seulement à son service mais aussi vous voulez aggraver par vos propositions de "libéral de gauche" les conditions de vie des classes moyennes et populaire. Aggraver la politique de Hollande-Valls.
Cela se voit que vous n'avez jamais lu une ligne de ces fameux "essais et écrits de combats de Bernanos, vous auriez lu "Les grands cimetières sous la lune" où Bernanos dénonce les crimes du camp franquiste lors de la guerre civile espagnole, un camp censé être le sien pour trouver une approbation chez ses adversaires politiques.
Je suis un esprit trop libre pour appartenir à un parti ! Ma liberté de penser était insupportable à mon député socialiste qui, quoique frondeur, n'a jamais le courage d'aller au bout de ses analyses; comme tous ces faux-durs de frondeurs et la velléitaire Martine Aubry.
A lire non pas votre logorhée mais votre prose on peut constater combien vous êtes quelqu'un de très conformiste, tout le contraire de moi qui ait toujours été hostile au libéralisme triomphant de Margaret Thatcher et Ronald Reagan donc depuis 1979 et 1981, ce que votre parti "socialiste" a entériné depuis 1983 au nom de l'Europe devenue elle-même ultralibérale. Avec Vallls-Hollande c'est une étape supplémentaire de la droitisation d'un parti qui va faire naufrage l'an prochain parce que les électeurs qui ont permis sa victoire en 2012 ne se reconnaissent pas du tout dans leur politique. Ce que vous ne voulez pas voir par aveuglement volontaire. Le votre et celui de votre parti trop sûr de lui pour mesurer le changement de paradigme en cours en GB suite à l'élection de Theresa May comme Premier Ministre, plus discret que celui impulsé jadis par sa lointaine prédécesseur.
Ne pensez ni pour Bernanos, ni pour moi. Contentez-vous de penser pour vous-même, ce ne sera déjà pas si mal ... Pour le reste, vous n'êtes pas socialiste, c'est votre droit, je ne vous le reproche pas.
Ne vous inquiétez pas, je ne pense ni pour Bernanos encore moins pour vous ! Si, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, les gens qui pensent librement comme moi ne sont pas conformistes comme vous et donc savent penser, parfois contre leur camp si tant est que les esprits libres aient un camp. Je me revendique, comme je vous l'ai déjà dit à maintes fois sur votre blog, de la gauche de transformation sociale du moins celle qui essaie, pas la votre qui est la plus conformiste et la plus orthodoxe gestion de l'économie néolibérale comme la droite avec alibi européen.
Vous aussi, donc, pensez par vous-même ! Sortez donc du prêt-à-penser émis par votre parti à moins que vous ayez encore envie de faire une carrière politique malgré vos échecs répétés.
Commencez-donc à vous appliquer les conseils que vous prodiguez aux autres.
C'est du baratin, tout ça. Votre problème, c'est que vous vous définissez par rapport aux autres, en opposition, et non par rapport à vous-même. Par exemple, dites-nous de quel parti politique et de quel candidat vous vous sentez proche. Quand vous aurez répondu, vous serez sorti du baratin. Parce que moi, à la différence de vous, je m'engage derrière un parti et pour quelqu'un. Vous, à part la parlote, vous ne prenez aucun risque, vous vous contentez de critiquer. Votre seule excuse, bien maigre, c'est que beaucoup de gens sont comme vous, préfèrent cette facilité.
La question d'être socialiste ou pas est un vaste problème et en tout cas le socialisme n'appartient à personne et surtout pas à ceux qu'en réclament le plus. Encore moins à votre mentor Macron! Il vous faudra choisir qu'entre des gestionnaires aux divergences épaisses comme un papier à cigarette. Entre ce dernier, Hollande et Valls.
Vous ne pensez pas librement parce que chez vous la discipline de parti est tellement forte que vous n'avez guerre énoncé de sérieuse divergence. Aucun des présumés frondeurs n'a trouvé grâce à vos yeux, et pourtant aucun d'entre "ne casse la baraque", cela devrait vous inciter à exercer une liberté de pensée qui vous fait plutôt défaut à moins que n'ayez encore envie d'une carrière politique.
Vos blogs ressemblent plus à des robinets d'eau tiède, vous n'êtes que la variante de "gauche" de l'oligarchie politique et médiatique. Ecrivez moins, prenez plus le temps de lire des livres dont vous pourriez rendre compte et rendre à votre blog une saveur qu'il n'a plus.
A baratin, baratin et demi ! Je vous ai déjà dit que je me situais à gauche entre Jean-Pierre Chevènement pour lequel j'ai milité en 2002 avec au final une déception parce qu'il a fini par se coucher une troisième fois le 21 avril 2002 devant un petit apparatchik timoré faisant fonction de premier secrétaire du PS.
Actuellement je reste fidèle aux orientations politiques de JPC mais dans la mesure où son ancien parti le MRC n'est que le supplétif sans aucun poids de votre parti "socialiste" il ne m'intéresse pas, je me situe proche de Jean Luc Mélenchon, et j'ai fait un court passage au PS pour constater que les libre-penseurs comme moi étaient plutôt vus comme des emmerdeurs. Comme je n'ai pas envie d'une carrière politique aucun parti n'a vraiment envie de moi, je n'ai pas envie non plus . En effet j'ai un désaccord majeur avec JLM : une VIè République n'est qu'une opération de diversion ce qui compte c'est de retrouver notre souveraineté pour que nous autres français, comme to je vous les avais cité lors d'un précédent commentaire : Marcel Gauchet, Jean-Pierre Le Goff, Emmanuel Todd pour ne citer que ceux qui me viennent le plus en-tête). et la raison politique celle d'énoncer des arguments raisonnées et rationnels qui sortent de l'ordinaire pour un projet en rupture avec le désordre établi que vous défendez.
Un dernier mot sur mes orientations politiques et économiques je suis très proche de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir qui se revendique homme de gauche et proche de Mélenchon qui, cependant, se refuse à écouter ses avis et conseils trop libres et non conformistes.
En plus tous les partis ne sont plus que des machines électorales où l'on ne pense plus, où le dirigeant local n'a besoin que de militants disciplinés envers lui et sa tendance politique. Vous-même en avez fait l'expérience à votre détriment.
"Comme je n'ai pas envie d'une carrière politique aucun parti n'a vraiment envie de moi" : non, vous vous trompez, c'est exactement le contraire qui est vrai. Si vous aviez des ambitions, vous deviendriez un rival, on se méfierait de vous, les portes des partis resteraient fermées. Mais, n'ayant "pas envie d'une carrière politique", vous êtes le militant idéal, celui qui ne fait d'ombre à personne. Allez-y, adhérez, vous serez reçu à bras ouverts.
Suite à quelques expériences décrites je ne souhaite pas militer pour un politicien qui trahira mes idées voire les siennes pour un plat de lentilles notamment ceux qui se disent socialistes. Je ne dis pas que je ne le ferais jamais mais seulement ponctuellement parce que l'offre politique est trop verrouillée par des politiciens qui prétendent s'opposer mais qui, en fait, font la même politique Europe oblige.
Si Montebourg voire Mélenchon approfondissent leurs volontés de changer le système politique, économique et social par un projet politique fort, cohérent et rigoureux je ne dis pas que je ne militerais pas pour l'un d'entre eux. .
Commencez par être fidèle à vous-même. Après, vous pourrez donner des leçons de fidélité aux autres.
Ne vous inquiétez pas pour moi-même et la fidélité à mes idées qui m'a éloigné de toute carrière politique. Inquiétez-vous plus pour vous et pour la fidélité de votre parti en train de faire naufrage à force d'être infidèle à toute forme de socialisme.
Vous n'avez que le mot de "fidélité" à la bouche, comme tous les maris volages.
En plus tous les partis ne sont plus que des machines électorales où l'on ne pense plus, où le dirigeant local n'a besoin que de militants disciplinés envers lui et sa tendance politique.
La plaie, ce sont en effet les partis.
Car au lieu de penser "programmes" pensent "élections".
Et je veux bien reconnaître que c'est difficile de faire de la "politique" sans penser "élections".
Or, soixante-huitard attardé, il me reste un slogan qu'on proférait en lançant des pavés : "élections : pièges à cons"...
De Gaulle, notre bouc émissaire pourtant, avait cru mettre en place une république pouvant dépasser les partis.
De son adoubement jusque sa malencontreuse idée de faire élire le président de la République au suffrage universel, on aurait pu croire qu'il y était parvenu.
Il est patent, quelque cinquante ans et plus plus tard que le Grand Charles et ses amis se sont fourvoyés et nous ont envoyés dans le décors.
La Vème est finissante, la VIème demande à naître avec une remise à plat de la distribution des pouvoirs parce que "l'Europe" telle que constituée ne peut satisfaire.
La démocratie sans partis politiques, ce n'est plus la démocratie.
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