mercredi 13 avril 2016

Elle c'est elle



Depuis quelques jours, la presse locale fait état de changements au sein du personnel municipal et communautaire, laissant supposer une rivalité entre Frédérique Macarez et Xavier Bertrand, chacun installant son "clan" respectif. Quelle lecture politique peut-on en faire ?

Je ne crois pas qu'il faille sur-interpréter des mouvements qui sont d'abord administratifs. Les véritables évolutions politiques, quand il y en a, passent par les élus, pas par les employés. Il y a des avancements de carrières, des fins de contrat et un jeu de chaises musicales qui sont dans l'ordre ordinaire des choses et n'ont pas de signification politique particulière.

Et puis, il y a la dimension psychologique, qui n'est pas non plus directement politique. Les humeurs, les tempéraments, les empathies ou les incompatibilités expliquent aussi les départs et les arrivées. Nous sommes plus dans l'humain que dans le politique. Quand le chef s'en va, ses affidés aiment à le suivre ; quand un nouveau chef arrive, ses proches se rapprochent. C'est naturel, on ne peut guère en tirer d'autres conclusions.

Bien sûr, derrière l'administratif et le psychologique, il y a toujours une question politique, très difficile, terrible même : à qui peut-on faire confiance ? En politique encore plus que dans la vie, les êtres humains sont prompts à se retourner, en vertu de leurs intérêts, passant d'un soutien à un autre au gré des circonstances très changeantes. Le pire, c'est le faux soutien, qui vous caresse le ventre et vous plante un poignard dans le dos.

Pour l'homme ou la femme politique, le problème est de savoir à qui ils peuvent se fier, sur qui ils peuvent compter, de qui ils peuvent s'entourer. Bertrand et Macarez y sont confrontés, comme n'importe qui exerçant une importante responsabilité. En politique comme dans la vie, les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main. Ceux-là, il faut les avoir à ses côtés. Tous les autres, il faut s'en méfier. Ce n'est pas du pessimisme, c'est de la prudence. Surtout, la confiance est un gage d'efficacité dans l'action publique.

La presse locale fait aussi remarquer, à juste titre, que les changements de personnes s'accompagnent de changements de mesures. C'est que tout pouvoir a besoin d'affirmer son autorité et son autonomie. Il y a une formule canonique qui résume ce fait : "lui c'est lui, moi c'est moi", répondait Laurent Fabius, Premier ministre, à propos de ses relations avec François Mitterrand, président de la République. Pourtant, Fabius était un mitterrandiste absolu, ancien collaborateur de Mitterrand, qui l'avait choisi comme dauphin, pour sa fidélité irréprochable. Il n'empêche que Fabius, une fois à la tête du gouvernement, s'est distingué de son mentor, parce que les choses ne pouvaient pas en être autrement. Quand on devient chef, on n'a pas d'autre choix que de se comporter en chef, c'est-à-dire de se montrer libre. Qui pouvait croire que Frédérique Macarez, une fois devenue maire, resterait, dans l'état d'esprit, la directrice de cabinet de Xavier Bertrand ?

Je ne suis pas dans les secrets de la droite locale, j'ai simplement l'œil, et bonne mémoire : la gauche a toujours rêvé à une droite divisée, parce qu'incapable de gagner par ses propres vertus, elle compte sur les vices de l'adversaire pour le voir échouer. Combien de fois ai-je entendu, il y a bien longtemps, qu'entre Pierre André et Xavier Bertrand, ça n'allait pas, que c'était le début de la fin ! Résultat : la droite triomphe depuis 20 ans dans Saint-Quentin ! On peut toujours prendre ses désirs pour des réalités : on appelle ça l'espoir ; mais ça ne change pas les réalités.

L'intelligence politique commande de s'entendre, d'être unis, quelles que soient les différences, les divergences et les difficultés. Divisés, il ne faut même pas y penser : c'est foutu ! La droite locale, bien sûr, a ses conflits, ses jalousies, ses ambitions personnelles, mais elle a toujours su les gérer, d'abord en ne les rendant pas publics, alors qu'à gauche, c'est la joyeuse pagaille. Ce n'est pas que nous soyons moins vertueux que la droite : c'est que, contrairement à elle, nous n'avons pas, depuis une dizaine d'années, de chef. Car seul un chef peut manager, arbitrer, imposer.

Frédérique Macarez a besoin de Xavier Bertrand, et Xavier Bertrand a besoin de Frédérique Macarez. Pour maintenir leur succès politique, ils sont condamnés à s'entendre, quelles que soient l'humeur et l'opinion de chacun. Le premier qui tirera contre l'autre sera mort. Leur rivalité serait destructrice. Bien sûr, Macarez et Bertrand peuvent perdre toute intelligence politique et s'affronter, ouvertement ou en coulisses. Ce serait un très beau cadeau fait à la gauche. Je ne pense pas qu'ils tomberont dans cette bêtise-là.

5 commentaires:

D. a dit…

Ne pas personnaliser l'exécutif serait plus judicieux. Sans majorité, qu'est ce qu'une personnalité ? En démocratie, ce sont des majorités qui comptent. Tout autre fonctionnement serait contraire à la démocratie. Alors, que ce soit, Pierre, Paul ou Jacques...

Emmanuel Mousset a dit…

Et sans personnalité, qu'est-ce qu'une majorité ? Rien. Il faut des deux.

Philippe a dit…

Question
Y a-t-il des personnes indispensables ?
Réponse
On peut la trouver en se rendant dans un cimetière

Emmanuel Mousset a dit…

C'est un point de vue de croque-morts. Le mien est celui d'un vivant : oui, il y a des personnes indispensables, surtout en politique. Ceux qui pensent le contraire sont les gens dont on peut se dispenser, qui en sont marris et qui englobent tout le monde dans leur triste sort.

Philippe a dit…

Il est possible qu'avoir pleine conscience de sa fin rende apte à bien profiter de chaque moment de sa vie.
Il est possible qu'avoir conscience de sa fin permette d'observer son ego sans la loupe de la vanité.