lundi 15 février 2016

Mélenchon, seul contre tous



Où va Jean-Luc Mélenchon ? On se le demande. Il fait partie de ces hommes politiques qui gâchent leur talent. On pourrait presque penser, de sa part, à un comportement suicidaire. Sa décision, la semaine passée, de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle incline dans ce sens. Il a bien sûr le droit et, de son point de vue, le devoir de participer à la mère de toutes les élections. Mais de cette façon-là, c'est ahurissant. Car il part tout seul, bille en tête, avec son petit Parti de gauche pour le soutenir. C'est une folie, ça n'a pas de sens.

Mélenchon n'est pourtant pas un gamin en politique. Il sait bien que les aventures solitaires se terminent dans le sable. Une candidature, surtout à la magistrature suprême, exige toute une préparation collective, dont il s'affranchit aujourd'hui. La stratégie du Front de gauche, même si ces idées ne sont pas les miennes, a été une tentative et une réussite pour fédérer la gauche radicale, qui a valu à son candidat, Jean-Luc Mélenchon, d'obtenir 11% à la dernière présidentielle. Beau succès électoral, quand même. Pourquoi rompre, de son point de vue, avec une stratégie gagnante ? C'est a priori incompréhensible.

Le Front de gauche, c'était plusieurs organisations et un parti central, pivot, le PCF, qui a encore de beaux restes, en termes de réseaux d'élus et de capacités militantes. Mélenchon tout seul ne retrouvera jamais tout ça. L'ex-socialiste avait réussi ces dernières années un tour de force, comparable à celui de Mitterrand en 1965 : faire se ranger derrière lui le PCF, s'assurer de son soutien, bien qu'ayant tout un passé au sein du réformisme, de la social-démocratie. Il fallait le faire, même si les communistes en ont eux aussi profité !

Le pire dans cette affaire, c'est l'incohérence flagrante chez un homme qui se veut pourtant rationnel, fidèle à lui-même et rigoureux. Lui, le pourfendeur de nos institutions monarchiques, le défenseur d'une VIe République, le voilà dans l'exercice sinon solitaire du pouvoir, du moins de la candidature. Mélenchon, dans une posture très présidentielle, se déclare à la télévision. Et qui m'aime me suive, semble-t-il dire. Adieu partis, discussions et union : c'est l'homme seul qui fait don de sa personne à la gauche radicale ! Jean-Luc Mélenchon coiffe le képi du général de Gaulle. Incroyable !

Il y a une raison à tout, à ça aussi. Mélenchon demeure lucide, malgré les apparences. Il a compris que son Front de gauche pouvait réaliser d'excellents scores mais qu'il ne gagnerait jamais une élection présidentielle. Or, il n'y a pas de résultats honorables en politique, sauf pour les pleureuses un soir d'échec : ce qui compte, c'est de gagner, c'est d'accéder au pouvoir. Les choses étant ce qu'elles sont et Mélenchon étant de ce qu'il est, ce dernier objectif est impossible à réaliser. C'est à rendre fou un homme politique, c'est-à-dire un homme de pouvoir, de voir son accès ainsi barré (presque au sens où le psychanalyse Lacan parle d'un désir barré).

Il peut y avoir de la folie sous les comportements les plus rationnels, comme le feu couve sous la cendre. Folie ou passion, c'est la même chose. La passion ou la folie de Mélenchon, c'est de détruire ce qui a fait portant une grande partie de sa vie : le Parti socialiste. La haine antisocialiste, à gauche, je la connais bien. Elle est aussi puissante que l'anticommunisme autrefois. Mélenchon croit pouvoir la faire prospérer et en récolter les dividendes. Qu'on ne me dise pas qu'il est en quête d'une gauche citoyenne, en dehors des partis, style Podemos : nous ne sommes pas en Espagne et Podemos n'a rien à voir avec le socialisme de Mélenchon, même si celui-ci met un peu d'écologie pour y ressembler. Je ne sais pas où Jean-Luc Mélenchon va, mais il y va ...

20 commentaires:

Anonyme a dit…

MELENCHON a déjà un but , faire autant ou plus que la dernière fois , capter aussi des voix au FN , et surtout se reconstituer une force à la gauche du PS ....

Emmanuel Mousset a dit…

Ce but-là est honorable, mais la méthode maladroite. Remarquez bien qu'en tant que socialiste, et d'un point de vue purement tactique, ça m'arrange plutôt.

Anonyme a dit…

Ne vous inquiétez pas !! Ne faites pas la veuve éplorée !! Mélenchon finira par vous rejoindre au second tour. De plus, étant un réformiste à la sauce keynésienne, son idéologie est proche de la vôtre, "sociale"-libérale. Vous n'ètes pas autant éloigné de lui que vous le dites.

Emmanuel Mousset a dit…

Je vous remercie de bien vouloir me rassurer. Mais je ne crois pas que le keynésianisme et le social-libéralisme soient compatibles. Economiquement, l'un défend une politique de la demande et l'autre une politique de l'offre.

Erwan Blesbois a dit…

Politique de l'offre, mais offrir à qui ? Aux 10% de la population qui possèdent 86 % des richesses mondiales ? Afin qu'ils en possèdent 87 % puis 90 % voire plus, enfin à la disparition de la classe moyenne, afin qu'il n'y ait plus que 10%, puis 9%d'une hyper classe qui possède tout face à 90% de pauvres qui ne possèdent rien. Crois-tu que les riches souffrent ? Ton dolorisme, ton culte dela souffrance est une vision étriquée et pauvre du monde. Les riches ne souffrent pas, ils jouissent du monde, ils jouissent de 2 choses : leur richesse bien sûr, mais surtout du spectacle de la souffrance qu'ils infligent à leurs millions d'esclaves, de travailleurs pauvres. Ce sont ce que Sartre appelait conceptuellement des salauds. Es-tu le complice de cette classe en voie de constitution et donc par là même un salaud toi-même ? En réalité je ne dirai pas que Laurent Joffrin, Minc, Attali, BHL sont des salauds qui sont complices de l'hyper classe, ni même que Onfray, Zemmour, de Fontenay, Finkielkraut, Houellebecq, Gilles Châtelet sont des gens biens. Non je ne le dirai pas, car cela est relatif, relatif à ma petite histoire, à ma petite personne. Je resterai donc mesuré,tempéré, fidèle aux valeurs de ma classe... moyenne ! La vie, le monde tout cela n'a aucune importance, nous ne sommes qu'ombre et poussière... Ceux qui à l'instar de Badiou, Sartre, moi-même veulent faire l'ange, font la bête...par une sorte de dialectique infernale, les dénonciateurs de salauds deviennent plus salauds, que les salauds eux-mêmes et commettent des crimes odieux (cf les communistes, les nazis), pour les nazis, les salauds étaient ceux qui leur avaient imposé le traité de Versailles. Par une sorte de dialectique infernale, la violence engendre la violence. Aussi l'Hyper classe ne se fera pas, car il y aura des résistances modérées, des mécanismes de régulation. Tout ça pour dire que je suis plus favorable à une politique de la demande, que de l'offre, à une redistribution des richesses, qui les fait vivre, plutôt qu'à leur enfermement au profit d'une minorité. Je suis favorable à un new deal, une nouvelle donne de type keynésienne. Même si cela doit aboutir à l'enrichissement des médiocres. Je ne crois pas plus en la médiocrité qu'en l'excellence. Il n'y a pas de nature médiocre ou excellente, il n'y a que les circonstances qui font que l'on devient médiocre ou excellent; matérialisme historique, toujours et encore. Les seigneurs paraissaient plus excellents que les serfs, comme les apparences sont trompeuses !

Erwan Blesbois a dit…

Au demeurant que le monde ait de l'allure, de la gueule, on s'en fout. Cesse de faire ton Nietzsche d'opérette ! Atténuer la souffrance, diminuer la douleur devrait être le but de toute société. La compassion, la compassion bouddhiste, contre le dolorisme judéo-chrétien !

Erwan Blesbois a dit…

Pauvre Nietzsche qui voulait un monde sans compassion, pour que ça ait de la gueule , de l'allure. On voit où cela l'a conduit, une vie misérable et solitaire avec au bout du tunnel la folie. Une misérable reconnaissance à titre posthume, une influence prépondérante sur l'idéologie nazie. Ça lui fait une belle jambe de compter parmi les 7 "plus grands" philosophes des temps modernes avec Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Hegel et Heidegger. J'aime rabaisser ce qui est "grand", et réhausser ce qui est "petit", cela fait partie du tempérament breton, hugolien. Moi toi et ta caste d'arrogants, ne pouvaient pas comprendre. Tu te dis chrétien parce que ça a de la gueule , mais tu ne crois pas aux miracles.

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, calme-toi, tout cela n'a aucune importance.

Philippe a dit…

" Economiquement, l'un défend une politique de la demande et l'autre une politique de l'offre. "
Je suis un pragmatique perdu chez les dogmatiques mais j'ai l'espoir de comprendre un jour.
Comment pragmatiquement peut-on séparer l'offre de la demande ?
Pour moi l'un va avec l'autre, ils sont non dissociables.
Mais je me trompe sans doute.

Erwan Blesbois a dit…

Je boirai le calice jusqu'à la lie.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Oui, Philippe, vous vous trompez.

2- Erwan, je crois l'avoir déjà faite : la lie baba (Ali Baba).

Philippe a dit…

Comment pragmatiquement peut-on séparer l'offre de la demande ?

Un magasin sans marchandises voit rentrer les clients qui ressortent sans rien acheter puisque la marchandise y est insuffisante.
Un magasin contenant beaucoup de marchandises peut y voir entrer des clients qui s'ils n'ont pas d'argent restent des promeneurs ressortant sans avoir acheté.
Les deux sont liés offre et demande.
Pour offrir il faut de la marchandise, pour demander il faut du fric !
Je ne comprend pas vos histoires politiciennes, on ne découpe pas le commerce comme un saucisson !

Erwan Blesbois a dit…

Bon tu ne veux rien publier sur ma famille, c'est ton droit le plus légitime. Au demeurant, on s'en fout que la société ait de la classe et de l'allure. Personnellement je travaille avec des mômes de SEGPA, on dit de façon euphémisée "en décrochage scolaire". En réalité ils pètent, rôtent, se grattent le cul en classe, traitent les enseignants de "sales bâtards","enculés"...Mais je m'en fous royalement, personne ne s'est sacrifié pour eux et ils le savent... Ils auront une vie de merde et ils le subodorent. Ils produiront au mieux dans une politique de l'offre, des biens qu'ils ne pourront pas s'offrir. Des gens riches jouiront sans doute du spectacle de leur condition de travailleurs pauvres.

Erwan Blesbois a dit…

Je réponds à Philippe, on peut très bien concevoir une société de travailleurs pauvres, où ces derniers gagnent à peine de quoi assouvir leurs besoins élémentaires, et où les riches s'offriront les biens de consommations que les travailleurs pauvres produisent, ou encore où les travailleurs pauvres produiront des biens destinés à l'exportation comme en Allemagne, et non plus pour combler une demande intérieure, modèle encore dominant en France. C'est un retour au capitalisme du XIXème siècle, sans complexe et assumé.

Philippe a dit…

Erwan je te conseille de lire les livres décrivant la vie de nos ancêtres humbles d'avant la révolution industrielle.
Les travailleurs pauvres correspondaient à l'écrasante majorité de la population et ils payaient des taxes ou faisaient des corvées pour permettre la construction de fortifications, de ponts, de cathédrales ou de palais selon le bon plaisir de la poignée de riches.
Tous les généalogistes familiaux atteignent avec facilité ces générations dans leurs familles respectives ! Il 4 ou 5 générations .................. Au 15éme siècle il n'ont même plus d'état civil ce sont nos âmes mortes .............

E a dit…

Pour pouvoir vendre, il faut davantage compter sur les masses populaires que sur l'étriquée quantité de riches.
Encore faut-il que les "pauvres" aient quand même un certain pouvoir d'achat, ce qui fait plutôt défaut par chez nous ces temps ci...
Mais ce n'est pas tout : pour que le pays en profite, il faut que ce soit lui qui produise les biens qui peuvent être acquis.
Et là, ça va mal !
Qu'est ce qu'on produit encore dans notre pays ?
L'art de gouverner, quand on est élu, c'est donc relativement simple : favoriser au maximum la production dans le pays et permettre aux pauvres d'acheter cette production.

Erwan Blesbois a dit…

Oui Philippe, mais comme le dit Emmanuel, au moins avant la révolution industrielle, "ça avait de la gueule", les gens priaient pour le salut de leur âme, et mouraient de vieillesse ou d'épuisement vers 40 ans.

Erwan Blesbois a dit…

Ce que dit E. est plein de bon sens et était ce qui se faisait durant les 30 glorieuses, et la constitution d'une classe moyenne forte. Mais cela déplaît à l'auteur de ce blog, parce que... c'est moyen. Il préfère comme son mentor Macron la constitution d'une hyper classe de supers riches et d'une nombreuse et proliférante classe de travailleurs pauvres soumise aux caprice des riches et à la deshumanisation à l'oeuvre dans le calcul égoïste de la technique, calcul qui se fait derrière le dos des hommes "en chair et en os", pour reprendre un terme d'Annah Arendt, émule de Heidegger et cependant juive, comme quoi les deux ne sont pas incompatibles. Mais reprenons dans le cas de la France, c'est un peu plus compliqué que ce que dit E., qui dit quand même quelque chose plein de bon sens et qui mérite d'être examiné. Il y a aujourd'hui la concurrence des pays dits émergents et qui produisent à très bas coût, cette concurrence à très bas coût rend notre économie non compétitive face à ces pays. Aussi les Allemands s'en sont ils sortis, provisoirement, en mettant en place une politique de l'offre. Le gouvernement Macron essaie de faire ça en France, mais il se heurte aux résistances des corporations, qui ne veulent pas renoncer à leurs privilèges, comme le repos le dimanche, le salaire minimum, la difficulté de licencier... Mais en réalité même la politique de l'offre est une vision à court terme, si les pays émergents n'acceptent pas dans leurs pays une main d'oeuvre à plus haut coût avec des droits sociaux et de plus haut salaires. Afin de tirer l'économie mondiale de la crise, non par le bas mais par le haut, avec l'avènement d'une ère mondiale de prospérité, une sorte de 30 glorieuses planétaire. Mais l'auteur de ce blog et le gouvernement qu'il soutient n'acceptent pas ça. Emmanuel parce qu'il est doloriste; il préfère la souffrance au plaisir, comme beaucoup de profs de philo ; deuxième raison, en bon nietzschéen, il déteste ce qui est moyen... il préfère donc la constitution d'une élite de supers riches, au partage des richesses... Pourquoi une telle absurdité ? Parce que lui-même en a bavé pour arriver où il est, et se sent faire partie d'une élite, pour rien au monde il n'accepterait que l'on donne du "tout cuit" à n'importe qui. Par contre si il méprise les moyens, il a beaucoup de compassion pour les damnés de la terre modernes, ceux qui n'ont rien, les migrants ou réfugiés par exemple. Là il invite les moyens à se sacrifier pour ceux qui n'ont rien ; par contre il invite l'élite a toujours plus écraser les moyens, parce que "ça a d'la gueule !"

Erwan Blesbois a dit…

Non je ne suis pas poli, et alors ça vous dérange ? Ce comportement typique chez moi a toujours été un obstacle à ma réussite. Il n'y a rien de personnel entre moi et Emmanuel Mousset, au contraire, je lui suis très reconnaissant de publier les "horreurs" que je peux parfois produire. Je suis à l'instar de mes élèves qui pètent et qui rotent, et je suis ému de cet hommage qu'ils me font. Je sais que la société ne leur permettra pas d'être heureux, alors que le bonheur est le plus grand bien, que la société humaine devrait donner à tous ses enfants. Ah vous riez devant tant de naïveté ! Revoyez donc le discours final que fait Chaplin dans "Le dictateur". Même si l'auteur de ce blog ne croit pas au bonheur, moi j'y crois, messieurs dames ayez du coeur dans votre conduite avant d'avoir de l'intelligence. L'intelligence c'est le calcul, donc une part reptilienne, le coeur c'est ce qui fait de nous des mammifères, soyons fidèles à notre condition de mammifère, avant que le calcul égoïste à l'oeuvre dans la technique n'ait ravagé notre civilisation.

E a dit…

On dirait qu'entre les interventions d'Erwan, il y a comme qui dirait des "blancs", des interventions "caviardées"...
Anastasie doit passer par ici de temps à autres...
Dommage mais c'est ainsi !