vendredi 5 février 2016

Madame Polvent, l'école de la poésie



Elle était la seule Saint-Quentinoise vivante dont une école portait le nom, rue d'Ostende. Paule Polvent nous a quittés ce matin, à l'âge de 96 ans. Cette figure de notre ville avait deux passions : l'enseignement et la poésie. Elle a été institutrice, principal du collège Marthe-Lefèvre, fondatrice de l'association Art et Littérature et du Salon d'automne. Nous l'appelions Madame Polvent, jusqu'à en oublier son prénom. Parce que c'était une dame, au sens fort que l'on donnait autrefois à ce mot.

Je n'aime pas trop les hommages qui suivent une disparition, parce que le style est convenu, souvent artificiel. Mais comment faire autrement ? Je préfère les portraits vivants. Il se trouve que j'avais fait celui de Madame Polvent, dans un livre paru en 2011 (Les Saint-Quentinois sont formidables, Editions du Quesne, chapitre VII, Une muse dans la ville). En mémoire à Madame Polvant, quelques extraits de ce témoignage très personnel :

Madame Polvent respire la vie, et plus que ça : la vitalité. Des pans de jeunesse sont restés sous ses cheveux blancs. Son visage est doux, paisible, rassurant, ce que confirme son sourire. Son regard bienveillant contribue aussi à dégager ce sentiment de tranquillité chez ceux qui ont beaucoup vécu, qui en ont beaucoup vu. L'œil est vif, curieux, observateur, rien ne lui échappe (...) La voix est sûre d'elle-même : elle dégage une force, une autorité, une vigueur, presque une dureté.

Madame Polvent a été institutrice de son métier (...) Elle garde pour l'éternité ce regard doux et sévère de la maîtresse d'école d'autrefois. Quand elle parle, c'est un hommage perpétuel rendu à la langue française. Elle s'exprime comme sans doute elle écrit. A l'entendre, on croit voir sortir de sa bouche les pleins et les déliés que dessinait la belle écriture d'encre, du temps où les plumes de métal n'avaient pas cédé devant les stylos-bille. Son parler mélodieux, sa précaution envers la syntaxe, sa soumission à l'orthographe tranchent avec les approximations langagières d'aujourd'hui, le relâchement des mots.

Madame Polvent est d'une politesse devenue aussi étrangère à notre société que la langue qu'elle maîtrise et l'enseignement qu'elle a jadis prodigué. A tout point de vue, au moral comme au physique, c'est une femme qui sait se tenir, comme elle a su dans sa vie professionnelle tenir ses classes (...) Sa coquetterie est d'une grande simplicité qui lui donne accès à l'élégance (...) Le temps nous tasse, les ans nous plient, Madame Polvent veut rester droite, au propre et au figuré. La droiture, c'est sa ligne de conduite de toute une vie, jusqu'à maintenant. Là-dessus, elle ne veut pas céder, elle continue à lutter, de corps et d'esprit.

Cette femme de tête a aussi un cœur qui a envie de s'exprimer : la poésie lui en donne l'occasion. D'autant qu'avec celle-ci, Madame Polvent retrouve son goût pour la discipline. Un poème, c'est de la beauté obtenue à force d'organisation dans les phrases et les mots. En quoi elle peut aussi épancher son amour de la langue. La poésie est une passion secrète, intime, personnelle dont on ne montre pas tout. Peut-être garde-t-elle dans quelques carnets secrets que nul jamais ne découvrira de rares poésies galantes ? Son nom même, Paule Polvent, résonne comme un poème, ses syllabes évocatrices stimulent l'imagination.



Les obsèques de Madame Paule Polvent auront lieu le mercredi 10 février, à 14h15, à Gauchy.

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