mercredi 10 février 2016
Macron, le recul et la hauteur
La philosophie n'est pas une discipline supérieure aux autres. On peut même très bien s'en passer. Mais, dans le débat politique, elle apporte quelque chose. Car on ne peut pas réduire la politique à des intrigues ou à des campagnes pour conquérir des places. Il faut bien être en capacité d'analyser un problème, de prendre du recul et un peu de hauteur, d'être critique, de proposer des solutions, d'avoir des idées. La philosophie aide beaucoup dans ce travail-là, qui ne va pas de soi, et qui ne résume pas, bien sûr, toute l'activité politique.
Emmanuel Macron a une formation philosophique, et cela se voit dans sa façon d'aborder les questions politiques (qu'on soit d'accord avec lui ou pas, c'est autre chose). Sur l'extension de la déchéance de nationalité, adoptée hier soir par l'Assemblée nationale (sans référence à la binationalité, tant mieux), le ministre de l'Economie a dit des choses pertinentes, devant la Fondation France-Israël, hier soir également. Je reprends quelques-unes de ses réflexions, qui ne s'opposent évidemment pas à la ligne gouvernementale, mais apportent un éclairage différent :
"On a accordé à ce débat sur la déchéance trop d'importance". Oui, en parler était nécessaire, le chef de l'Etat a justement lancé l'idée. Mais en faire un point de fixation depuis des semaines, non, ce n'est pas bon. Qui est ce "on" qui en a trop fait ? Tout le monde ! Certains socialistes ont probablement insisté plus qu'il ne fallait, les médias ont repris, les simples citoyens, légitimement avides de sécurité, ont approuvé. Quand un débat est lancé, il vous échappe et vous mène là où vous ne vouliez pas nécessairement aller. D'une mesure symbolique, on a presque fait un enjeu de société ! C'est là où il y a dérive dommageable.
Mais ce débat, selon Macron, "a remis le rapport à la communauté nationale comme un élément fort". En effet, après les attentats terriblement meurtriers de l'an dernier, beaucoup de Français, de toute sensibilité et de toute origine, se sont réappropriés les symboles nationaux : drapeau tricolore, Marseillaise, etc. C'est un fait qu'on ne peut pas passer sous silence, qu'il faut prendre en considération dans la réflexion politique. La déchéance de nationalité, qui est contestable sur bien des points, a quand même le mérite d'interroger notre appartenance à la nation, sans sombrer dans le nationalisme, mais en demeurant dans une perspective républicaine.
"On ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale. Le mal est partout". Encore une fois, Emmanuel Macron a raison. Le mal est plus large et plus profond que l'acte terroriste, qui en est la conséquence. C'est la cause qu'il faut viser et traiter. A entendre les uns et les autres, on a l'impression que la déchéance de nationalité va tout régler : non, elle rappelle un principe, selon lequel on ne saurait vivre en République en voulant la détruire. Après, tout reste à faire, et c'est l'essentiel.
"Il faut penser les situations extrêmes. Mais il ne faut pas écraser la pensée que nous avons du reste". A mes élèves, je dis souvent que les cas particuliers n'ont aucune valeur en termes de pensée, qu'on ne peut pas fonder une réflexion sur des exceptions. A suivre bien des commentaires, nous nous laisserions facilement aller à l'idée qu'une grande partie de la jeunesse s'est radicalisée, ce qui est faux, ce qui exclut d'une juste analyse toute une partie de la population totalement insensible à l'attrait du fanatisme.
A vouloir construire le droit à partir de situations marginales, peu significatives, on se fait plaisir à soi-même, on tente de séduire l'opinion mais on ne règle pas les problèmes de fond. Emmanuel Macron, de par sa formation, nous donne à entendre une autre musique, nécessaire en ces temps où la réaction immédiate et le souci de plaire doivent aussi laisser un peu de place au recul et à la hauteur.
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6 commentaires:
"A suivre bien des commentaires, nous nous laisserions facilement aller à l'idée qu'une grande partie de la jeunesse s'est radicalisée, ce qui est faux, ce qui exclut d'une juste analyse toute une partie de la population totalement insensible à l'attrait du fanatisme."
Sujet très intéressant
C'est en effet une très infime partie de la jeunesse qui se radicalise ou qui se radicalisera.
Certains les appellent « les crétins » certes mais il faut faire avec !
Maximilien Robespierre était le ou l'un des meilleurs élèves de sa promotion de Louis le Grand, ses maîtres à mon avis n'ont jamais pu imaginer son devenir, ni celui de ses idées.
« Robespierre, c'est l'essence de l'idéologie khmère rouge »
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/08/08/robespierre-c-est-l-essence-de-l-ideologie-khmere-rouge_4469157_3216.html#X27r51QA6Ke0V4iD.99
Mais c'est cette partie infime de la jeunesse qui agit, qui terrifie, et qui au final oriente la jeunesse dite "sans opinion" ou "modérée".
Les mous ne comptent pas lorsque l'on atteint les époques métastables que sont les époques insurrectionnelles.
Avons-nous atteint une telle époque ?
Je n'en suis pas convaincu !
Des "crétins" ? Non, des assassins.
Selon "d'aucuns", dès lors que les français terroristes auront été dénationalisés, renvoyés à leur autre nationalité possible ou devenus apatrides, ça ira mieux sur le plan sécuritaire ?
De qui ces "d'aucuns" se moquent-ils ?
Quand dans une famille, les "Tartempion" par exemple, si l'un des "Tartempion" en question a commis un crime, suffit-il que le reste de tous les "Tartempion" décident par vote en grand congrès à majorité écrasante que tous les "Tartempion" criminels ne font plus partie de la famille "Tartempion" pour que le reste de tous les "Tartempion" soient rassurés : il n'y aura plus jamais de "Tartempion" auteur de crime ?
C'est ça que "d'aucuns", dont le Président, prétendent nous faire avaler ?
On n'en a rien à fiche de ces dénationalisés putatifs : ce qu'on voudrait, c'est que les politiques gèrent notre pays comme il faut pour que tout y aille mieux, de mieux en mieux, pas n'importe comment sur la base de communication.
Des faits, des actions, pas du blabla...
Mais le gouvernement n'arrête pas d'agir ! Si j'avais un reproche à lui faire, ce serait, contrairement à vous, de ne pas tenir suffisamment de discours qui mettent en perspective ses nombreuses actions. Mais je crois que c'est ce que notre président va tenter ce soir à la télévision ...
Il est 19h32... J'ignore ce que va bien pouvoir dire le Président...
Retour de l'ancien premier ministre ? Pourquoi, s'en être séparé ?
Arrivée d'écologistes bien moulées ? "Pourquoi viens-tu si tard ?"
Non, il a en tête sa déchéance de nationalité, ce qui nous ramène au temps de Robespierre (avant la révolution) et de La Cretelle...
Qui traitaient tous deux du même sujet mais au niveau familial...
Faut-il rejeter du contexte familial les criminels ?
Faut-il rejeter du contexte national les terroristes ?
"Vaste programme" pourrait répéter notre Grand Charles !
Notre François veut gagner sur le chapitre constitutionnel et la modifier.
Et c'est qui qui risque d'en profiter le moment venu ?
Le FN...
A tant jouer avec le feu, il arrivera de se brûler plus que les doigts, l'âme...
Il est 19h45 et je sais que mon François est le plus malin, comme le François d'autrefois.
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