samedi 6 février 2016

L'honneur d'un débat



Le débat parlementaire sur la révision constitutionnelle, dont la déchéance de nationalité, s'est ouvert hier à l'Assemblée nationale. L'image qui en est donnée depuis quelques semaines est négative : on a le sentiment d'un gouvernement qui hésite et d'une polémique qui ne sert à rien, mécontentant tout le monde. Il faut sortir de cette fausse impression : ce débat est utile et précieux, pour de multiples raisons :

Si le milieu politique est divisé, ce n'est pas le cas de l'opinion, qui soutient très majoritairement la réforme constitutionnelle. La gauche ne doit avoir que ce paramètre en tête : l'intérêt général, trois mois après un massacre au cœur de Paris, qui a profondément atteint l'ensemble du pays. Les Français n'hésitent pas, le chef de l'Etat et son gouvernement n'hésitent pas, mais la classe politique, oui : la droite se sent obligée d'adopter cette révision, mais elle ne veut pas paraître soutenir François Hollande ; l'aile gauche du Parti socialiste et les frondeurs instrumentalisent le débat pour afficher une fois de plus leur hostilité au gouvernement.

C'est l'honneur du Parlement de soumettre à discussion, négociation, rectification le projet de loi. Que ne dirait-on pas si le texte était imposé d'en haut, sans travail d'amendement ? Ce qui apparaît comme incertitude, virevolte n'est que l'essence et la pratique de la démocratie, qui consiste à corriger et réécrire les textes de loi. Pourquoi s'en étonne et s'en offusque-t-on ? Il faut du temps, mais pas tant que ça : quelques semaines. Il y a des impatiences qui sont bien peu républicaines.

A quoi il faut ajouter la technicité juridique du sujet, qui interroge les normes nationales et internationales (l'apatridie). C'est un débat entre les représentants du peuple, mais aussi entre spécialistes. Et comme il est question du marbre de la Constitution, les prises de décision sont solennelles, n'ouvrent pas droit à l'erreur. Ce n'est pas une simple loi qu'on pourrait, après, modifier ou abroger. Les précautions sont de bon aloi. Pour moi, qui suis contre la déchéance de nationalité étendue aux binationaux (voir billet du 22 décembre), je suis satisfait et rassuré qu'elle s'applique désormais à tous.

La complexité et la longueur du débat viennent enfin de ce que le président de la République doit obtenir une large majorité pour faire passer la révision constitutionnelle, contrairement à un texte de loi ordinaire. Il lui faut élargir sa propre majorité parlementaire, d'autant qu'elle est fragilisée par les attaques des frondeurs et de l'aile gauche. Et puis, il y a le choix politique de François Hollande, dès les attentats : faire bloc, créer du consensus, dépasser le clivage droite-gauche. L'horreur de l'événement exigeait une telle hauteur de vue. Trois mois plus tard, il ne faudrait pas l'oublier : la raison doit continuer dans la durée ce que l'émotion a provoqué dans l'instant.

Il est à souhaiter que la révision constitutionnelle recueille un large assentiment de nos parlementaires. Je crois que nous sommes dans la bonne voie, que les hommes et les femmes d'Etat ont en tête l'intérêt du pays. J'ai confiance en nos grands élus. Ce débat parlementaire, c'est aussi l'honneur de la République, et une réponse au terrorisme, qui ne peut pas être que militaire.

6 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Tiens à propos des néo-réacs et d'Onfray en particulier, j'ai lu un article qui le traite de néo-réactionnaire et fait l'apologie de Sarah Kofman, je connais bien Sarah Kofman, elle ne pouvait pas me blairer, il y avait une sorte de haine entre nous, et puis à la fin elle avait peur de moi, je ne sais pourquoi, je l'aimais bien au fond, elle me remuait, et puis un an après elle s'est suicidée, pas à cause de moi j'espère.
C'était aussi une juive fanatique qui pour sauver un seul juif aurait je crois sacrifié mille goys. On peut la comprendre, son père rabbin, était mort à Auschwitz, d'un coup de pelle dans la nuque, elle détestait la plupart des élèves en général, et ne supportait pas que l'on passe dans son dos, peut-être par crainte de se prendre un coup dans la nuque.
Et elle avait un très fort préjugé en faveur des juifs, il lui était difficile de ne pas ramener tout aux juifs, et prononçait rarement une phrase, sans prononcer le mot juif, quand elle prononçait le mot juif, elle le disait avec une voix aigue et enthousiaste et une mine réjouie.
Elle ne supportait que ce qu'elle estimait être les excellents élèves, ou les fayots de la pensée unique de l'université à cette époque ; cette pensée unique consistait à voir des antisémites partout, c'était la mode dans les années 90 à l'université, je crois que cela a dû changer en pire, avec maintenant une peur qui s'applique surtout aux musulmans, quand dans les années 90, c'étaient les français de souche les grands malades antisémites. Alors que maintenant certains juifs commencent à voter FN, par rejet des musulmans.
Comme elle est morte maintenant on peut en dire tout le bien que l'on veut, et conseiller sa lecture ; mais de son vivant, je pense qu'elle avait pas mal d'ennemis qu'elle se créait elle-même
J'avais même fait un exposé dans son amphithéâtre, un exposé très médiocre, elle m'avait quand même encouragé, c'est après que cela s'est dégradé.
Non Onfray est quand même beaucoup plus équilibré que Kofman, qui malgré toutes ses qualités était une mauvaise pédagogue.
Tout cela donne envie de lire Cosmos d'Onfray, que j'avais pourtant commencé mais qui m'a rebuté, si c'est réac, ça risque d'être finalement pas si mal.
Il est effectivement probable que beaucoup se convertissent à l'Islam, parmi les Français de souche y compris, voire se radicalisent dans le djihadisme, et que de l'autre côté beaucoup se radicalisent dans le FN. Peut-être l'avenir est il à une bipolarisation musulmans/FN, que décrit Houellebecq dans Soumission, mais comme les Français sont des veaux ! Tout cela sur fond de libéralisme et de capitalisme sauvage qui déshumanise tout. Le débat sur la déchéance de nationalité n'est qu'un pas supplémentaire vers ce paradigme.

Emmanuel Mousset a dit…

Sarah Kofman était sympa avec moi, elle avait un beau sourire, autant que je m'en souvienne. Elle avait ses petites crises, comme tout le monde, comme toi. Elle portait la souffrance sur elle, son corps et son visage.

Sa relecture de Nietzsche via Derrida était intéressante. Des étudiants dévoués se pressaient pour lui apporter sa chaise. Peut-être en as-tu fait partie, pour satisfaire ta soif (légitime) de reconnaissance. Sinon, ne t'étonne pas qu'elle ait pu te haïr. Moi aussi, par moments, j'ai eu peur de toi. Sur les juifs, non, je ne me souviens pas.

J'ai failli faire acheter "Cosmos" par la bibliothèque de mon lycée. Je n'aime pas Onfray, mais j'ai l'impression que la clé de son ressentiment, de sa rancœur permanente envers à peu près tout le monde se trouve dans ce bouquin. J'ai aussi envie de percer le mystère de sa popularité.

Philippe a dit…

Dans sa profession le professionnel de génie fait de l'ombre à tous ses confrères ... ils mesurent la distance qu'il y a entre eux et lui.
On cherche la faille qui pourrait le faire descendre de son piedestal.
C'est un humain, il y en a toujours une de faille !
Que de grands artistes infects en privé ! Cela n'enlève rien à leurs oeuvres.
Trouver la faille ne nous rend ni meilleur en général ni meilleur professionnellement en particulier.
Il faut s'accepter.

Erwan Blesbois a dit…

Arrête de te présenter comme un être hyper sensible, hyper sociable, toujours du côté des gentils, des victimes, et qui rejette les méchants, tu en a aussi une bonne dose de ressentiment, quelquefois dans ton aveuglement, et ta fatigue (légitime), il est probable que tu fasses des victimes, comme nous tous. Quand je t'ai connu, tu n'avais pas l'air d'avoir du tout peur de moi, bien au contraire. Par contre je crois que tu avais un peu peur de Guillaume. Les gens que j'ai connu qui ont le mieux "réussi", sont des gens qui ont peu d'états d'âme, sont plutôt peu sensibles et sont surtout très combatifs, et puis qui avaient quelque chose à faire payer à la société, une sorte de revanche ou de vengeance même, à assouvir. Les plus sensibles ont basculé dans la folie ou sont morts. Tout cela c'est "le côté obscur de la force" propre à notre société, qui monte, qui monte inexorablement. Nul besoin de faire l'autruche, l'effarouché, et de se cacher derrière une pseudo sensibilité ou bienveillance.

Emmanuel Mousset a dit…

Tu as raison, Erwan. Le dimanche soir, j'ai tendance à me laisser aller. Mais je me reprends très vite.

Erwan Blesbois a dit…

A propos de la souffrance de Kofman, quand la souffrance de certains est surreprésentée, sur médiatisée, cela crée de nouveaux genres d'injustices, et donc de souffrances qui un jour ou l'autre trouvent une voie pour être représentées. Comme le disait mon père : "chacun ses petites misères". Nous sommes tous égaux dans la souffrance, le leitmotiv de notre société devrait être un retour universel à : "tu ne tueras point", quel que soit la confession religieuse, la couleur de peau, etc... Mais comme tu le dis très bien l'américanisation des mœurs empêche un retour à des choses simples et fondamentales. Ce que Heidegger appelle "l'oubli de l'être".