jeudi 11 juin 2015

Valls a tort de reculer



Terrible déception et grosse colère ce matin, en apprenant que Manuel Valls reculait, remboursait, s'excusait, dans ce non événement, cette fausse polémique qu'est son voyage à Berlin. Oui, pour la première fois depuis qu'il est à Matignon, Valls me déçoit. Je le croyais d'une autre trempe, prêt à résister, intransigeant : il est fier, libre, catalan, il a son orgueil pour lui. Ce sont de magnifiques vertus, par comparaison avec les moeurs petites-bourgeoises qui empoisonnent notre pays et qui l'ont aujourd'hui dramatiquement emporté. Cette affaire fera date et jurisprudence : c'est cela aussi qui est terrible. Tout déplacement présidentiel va être observé à la loupe, devra recevoir sa justification et la liste des invités sera épluchée, éventuellement censurée. Voilà dans quoi est lamentablement tombée la France : très bas.

Je l'ai hier écrit : il ne fallait pas rembourser un seul centime, il ne fallait pas concéder l'ombre d'une excuse. Valls aurait dû défendre la vérité au lieu de se soumettre aux diktats de BFM-TV, qui répétait hier soir : contrition, contrition ! (il est stupéfiant que dans une république laïque ressorte un vocabulaire religieux !). Ce voyage était officiel, la représentation de l'Etat à Berlin était nécessaire, la présence des enfants n'a rien coûté. Le scandale a donc été inventé de toutes pièces. Au bout de quatre jours, les chiens continuaient à aboyer, des caniches certes, mais nombreux. Même Le Monde, qui devrait pourtant faire montre d'une certaine hauteur d'esprit, s'est mis à son tour à jouer les Père-la-morale.

J'en veux beaucoup à Valls : rien ne l'obligeait à se soumettre. De Gaulle et Mitterrand n'auraient jamais accepté une telle humiliation, le reniement public de soi au profit de ce que notre pays produit de pire : l'esprit mesquin, médiocre, hypocrite (je ne reviens pas sur mon analyse d'hier). Tout ça pour quoi ? Conserver quelques voix en vue d'une prochaine élection ? Non, Valls ne gagnera rien à sa volte-face. Ce n'est pas parce que vous donnez un os à un chien qu'il ne vous mordra pas. Non, Manuel Valls n'a pas tenu son rôle, qui aurait dû être exemplaire, rigoureux, pédagogue. Par son attitude, l'autorité de l'Etat en prend un coup, est abaissée. Il aurait dû se montrer grand seigneur, mépriser les attaques, riposter plus qu'à son tour, éclairer l'opinion au lieu de la suivre. Je suis triste aussi d'apprendre que mon ami René Dosière a conseillé le remboursement.

Pour me consoler, je vais relire ce week-end le génial bouquin de Tocqueville, "De la démocratie en Amérique", publié pour la première fois en 1835 : tout y est, l'individualisme des sociétés modernes, leur conformisme, la prédominance de la morale sur l'action purement politique, la jalousie des citoyens, la fureur du peuple contre les grands. Tocqueville décrit, de façon très convaincante, ce qu'il appelle "la tyrannie de la majorité" (deuxième partie, chapitre 7). Nous y sommes, Manuel Valls en est la victime consentante. Nous vivons sous le régime des chaînes d'information continue et des instituts de sondage, qui sont censés être la caisse de résonance du peuple. Nous ne sommes plus en République parlementaire à la française, nous sommes en démocratie populaire à l'américaine. C'est désolant.

Bon, je suis triste, déçu et en rage, contre Valls. Mais ça passera. Je lui reste bien sûr fidèle, je finirai par lui pardonner sa faiblesse, peut-être par la comprendre (mais jamais je ne l'accepterai !). Tocqueville ne nous dit-il pas que la fidélité et l'honneur sont des valeurs à défendre, contre précisément le despotisme petit-bourgeois des démocraties contemporaines, versatile, intéressé et bas. Je ne vais pas à mon tour compter les sous et mégoter mon soutien.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

no comment : CAHUZAC , BALKANY , MOUSSET ....

Emmanuel Mousset a dit…

Vous exagérez : je n'ai pas de compte à l'étranger et la justice n'a rien à me reprocher.

Anonyme a dit…

Il faut aller plus loin, la brèche est ouverte, je propose un salaire de 3000 euros par mois pour le président, 2500 pour le premier ministre, 2000 pour les ministres. Il faut les enfoncer, le humilier, maintenant ! Plus de voitures de fonction, de chauffeurs. On veut les voir avec des vêtements miteux, faire des prêts chez Sofinco en fin de mois. On veut les voir avec les problèmes de monsieur tout-le-monde. De toute façon cela ne changera rien au résultat de leur politique, et cela soulagera le peuple, lui fournira un exutoire : "du pain et des jeux", oui mais nos hommes politiques dans l'arène. Ah quelle jouissance pour le peuple !

Anonyme a dit…

Dernière nouvelle , VALLS vient ce weekend à ROUPY avec l'avion , proposer des baptêmes de l'air pour rembourser les frais de BERLIN , s'adresser à l'agence MOUSSET bar du CARILLON ou à la cantoche du LHM ... Tarifs réduits pour groupe et adhérents du PS ....
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Emmanuel Mousset a dit…


Amusant. Mais je ne fréquente pas le Carillon, ni aucun bar.

Anonyme a dit…

Seriez vous devenu moine - politique presque cloitré , on ne vous voit plus dans les cérémonies officielles et c'est bien une évolution sans précédent ...
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Emmanuel Mousset a dit…

Le cloître, non, mais il est vrai que depuis quelques mois je me recentre sur un travail personnel qui réduit mes sorties.

Anonyme a dit…

Si valls avance quand je recule,
comment veut-il, comment veut-il
que je l'enc...

Emmanuel Mousset a dit…

Comment veut-il que vous l'enc...ouragiez ? Mais c'est très simple : dire la vérité à son sujet.