samedi 6 juin 2015

Les dégoûtés et les dégoûtants



A l'heure où le PS tient congrès à Poitiers, Libé d'aujourd'hui pose la question qui tue : Les partis politiques, c'est fini ? (couverture, en vignette). Le quotidien est allé faire un tour du côté des sections, dont celle d'Amiens Nord, et ce n'est pas beau à voir : désertion, démotivation, voilà l'ambiance générale. Mais est-ce si nouveau que ça ? Il y a une dizaine d'années, le décalage avec la population était déjà perceptible, le recrutement difficile, et surtout sociologiquement restreint. Disons que la crise s'est amplifiée, qu'un type ancien d'organisation est entré dans sa phase terminale.

Pourtant, je ne pense pas du tout que les partis politiques soient finis, comme le laisse entendre Libération. Ils sont l'un des piliers de la République, et je ne vois vraiment pas par quoi on pourrait les remplacer. La démocratie directe ? Non, c'est un slogan, je n'y crois pas. En revanche, les partis doivent absolument se transformer, s'ils ne veulent pas mourir et faire mourir notre système politique, au profit détestable de l'extrême droite. Leur langage doit changer : il est trop codé. Leur implantation doit s'élargir à toutes les classes sociales, surtout le PS en direction des milieux populaires. Les méthodes doivent être différentes, il faut en finir avec les rapports de forces internes autour d'une table de cuisine. Les têtes ne peuvent plus être les mêmes : des candidats qui traînent depuis 30 ans et plus leur candidature à tous les étages, c'est sûrement très bien pour eux, mais c'est très mauvais pour le collectif.

Manuels Valls, aujourd'hui à Poitiers, a fait mentir le pessimisme de Libé : J'aime les socialistes, s'est-il exclamé, provoquant une salve d'applaudissements. Malin, le Manuel : qu'est-ce qu'attend n'importe quel être humain pour se mettre de votre côté ? Qu'on lui dise qu'on l'aime ! C'est bête comme chou, c'est vieux comme le monde. Finalement, c'est aussi simple que ça, la politique : dire aux gens qu'on les aime. Bon, je suis moi aussi optimiste, mais j'ai des inquiétudes et des réserves : un parti, ça ne change pas du jour au lendemain. Et puis, on parle sans cesse de ceux qui délaissent la politique, et jamais de ceux qui restent. A ce propos, je porte toujours sur moi, dans un petit carnet de mes maximes préférées, cette formule attribuée à Pierre Mauroy, qui fait réfléchir mais qui fait peur : "Quand tous les dégoûtés seront partis, il ne restera plus que les dégoûtants". Nous y sommes, et pour eux, c'est la fête : moins les militants sont nombreux, plus les places sont faciles à se répartir. La rénovation, oui, mais tout de suite, et vite.

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