mercredi 17 juin 2015

Si j'étais candidat ... en L



Si j'étais candidat en Littéraire, passant l'épreuve de philosophie et élève de Monsieur Mousset, je sauterais d'abord de joie, puisque le 1er sujet (Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral ?) a été traité en classe il y a quelques jours seulement, sous une forme juste un peu différente : Faut-il respecter tout ce qui est vivant ? Mais attention : réfléchir n'est pas réciter !

Le problème de cette question, c'est que le respect n'a de valeur morale que pour et entre les êtres humains. Or, le sujet porte sur TOUT être vivant, quel qu'il soit. Je répondrais que ce respect est impossible, absurde et même dangereux, puisque bien des créatures vivantes sont inquiétantes ou périlleuses pour l'homme. Et puis, il n'y a de vrai respect que mutuel : j'ai beau respecter une fourmi ou une salade, elles ne me respectent pas, elles sont indifférentes à moi !

Alors, sous quelles conditions le respect de tout être vivant peut être considéré comme un devoir moral ? D'abord, la fragilité et la mortalité des êtres vivants invitent à les respecter. Ensuite, le vivant animal est souvent susceptible de souffrance : là aussi, cette expérience tragique de la douleur incite à respecter ce qui vit, à y faire très attention. Enfin, chaque être vivant, quand on l'observe bien, est une merveille d'organisation et de beauté, qui forcent au respect, et même à l'admiration. Je conclurais en disant que respecter tout être vivant est un devoir parce c'est se préparer à respecter tout être humain.

Suis-je ce que mon passé a fait de moi ? Question moins facile, qui interroge l'identité personnelle et ce qu'elle doit à son passé. On pouvait se référer à SAINT AUGUSTIN, qui a beaucoup réfléchi à la question du temps, mais aussi, dans un tout autre genre, à FREUD, le rôle capital de l'enfance dans la construction du psychisme. Si le passé est fondateur de mon être, il est aussi un carcan : je suis toujours beaucoup plus que mon passé, je suis une volonté qui va de l'avant. De ce point de vue, je suis ce que je suis beaucoup plus que ce que j'étais. Et ce qui donne toute sa valeur à un être humain, c'est ce qu'il compte devenir, ce qu'il s'efforce d'être en vue de l'avenir.

Le commentaire de texte de TOCQUEVILLE provenait d'un extrait de son ouvrage dont j'avais écrit, il y a quelques jours sur ce blog, qu'il était génial : De la démocratie en Amérique, du rôle que joue dans ce pays l'opinion beaucoup plus que la raison. "Il n'y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances", voilà une idée qui était à développer et à soumettre à la critique : car il y a aussi des croyances dangereuses, qui peuvent faire basculer une société vers le pire. Mais une société au comportement rationnel et objectif est-elle concevable ? C'est ce qu'on pouvait mettre en débat.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Si ma mémoire est bonne , à une époque des profs planchaient sur les sujets et se corrigeaient entre eux , certains avaient des piteuses ... Est ce que ça se pratique encore ???

Emmanuel Mousset a dit…

Vous avez dû le rêver ...

Erwan Blesbois a dit…

Ayant mon Bac en poche grâce aux maths et à la physique, je me suis rendu compte que j'étais quasiment illettré. Constatant l'absurdité du système, j'ai fait de la philosophie "pour apprendre à lire et à écrire". Je sais combien beaucoup n'ont pas cette deuxième chance.

Erwan Blesbois a dit…

La philosophie et/ou la littérature sont un travail de longue haleine, la science et plus spécialement les mathématiques sont une performance, les plus grands mathématiciens ont créé leurs théorèmes avant 30 ans, voire avant 25 ans, comme les grands sportifs. On constate même que beaucoup de grands mathématiciens sont morts très jeunes, comme si ils avaient tout donné en créant un théorème génial, et qu'après leur vie n'avait plus de sens : un philosophe peut créer son œuvre géniale très tard au cours de sa vie, pour un mathématicien c'est impossible : il faut que le cerveau soit à plein rendement, donc jeune, très jeune. Dans un esprit humain la pratique de la philosophie et/ou de la littérature s'enrichit avec le temps, avec l'expérience, avec l'accumulation de la lecture, pour un mathématicien ce n'est pas le cas : il y a moins de différence entre Roger Federer et un mathématicien génial, qu'entre un mathématicien génial et un philosophe et/ou un écrivain. Exception faite des philosophes et/ou écrivains "comètes", qui sont morts très jeunes et ont produit leur œuvre comme une performance, dont l'exemple emblématique est Rimbaud. Il y a aussi un lien entre les mathématiques et la poésie géniale (phénomène propre à la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle), à laquelle on pourrait aussi rattacher Nietzsche.

Anonyme a dit…

Pour le deuxième sujet vous auriez mis quoi en conclusion ?

Emmanuel Mousset a dit…

Je conclurais en soulignant l'importance du passé dans mon identité personnelle, mais que l'essentiel est quand même dans ce que je choisis d'être, au présent et dans l'avenir : on se construit aussi en se révoltant contre son passé, en rompant avec lui. Donc, une réponse en "oui, mais".