mardi 23 juin 2015

Ni bisounours, ni miliciens



Le débat le plus intéressant, hier soir au Conseil municipal de Saint-Quentin, a porté sur le dispositif "participation citoyenne", qui implique les habitants d'une ville dans la lutte contre l'insécurité. Tous les élus de gauche ont voté contre. Que faut-il en penser ?

Je crois qu'une première question se pose : la petite délinquance et les incivilités, auxquelles ce dispositif est censé répondre, sont-elles une réalité et un problème ? A entendre ce qui se dit autour de moi, oui. C'est donc un sujet que les pouvoirs publics doivent aborder, traiter et régler. Pour autant, faut-il en faire, dans notre ville, un thème politique majeur ? A mon avis, non, parce que la situation n'est pas à ce point sensible. Le problème vraiment douloureux, crucial, c'est le chômage, pas la sécurité.

Olivier Tournay (PCF) a posé des questions tout-à-fait pertinentes, a soulevé des préoccupations réelles qu'entraîne le dispositif "participation citoyenne" : des jeunes dans la rue qui bavardent entre eux un peu fort, quelqu'un qui cherche une adresse et tourne dans le quartier, autant de comportements qui vont devenir suspects et être indûment signalés aux autorités. Incontestablement, des interrogations morales se posent, un état d'esprit de méfiance généralisée, de peur sourde, de normalisation des attitudes risque de se voir encouragé. Dérives, dérapages, excès sont de possibles dangers, motivés pourtant par une bonne intention initiale. Xavier Bertrand se devait de répondre à ses inquiétudes, de rassurer, de faire de la pédagogie.

J'aurais pu suivre Olivier dans cette voie, s'il n'était pas tombé dans un rejet radical et surtout des jugements hors de propos, déraisonnables : il a parlé d' "autodéfense", de "milices" et d' "un dossier qui fait honte, qui rappelle les périodes noires de notre histoire", faisant allusion au régime de Vichy et à la délation envers les Juifs. Patatras ! La démonstration judicieuse, la critique légitime, les précautions nécessaires tombaient dans l'outrance, l'anachronisme, la polémique pure et gratuite. Car aucune de ses références n'est sérieusement recevable. Je dirais même que ses sous-entendus sont inacceptables.

Evidemment, Xavier Bertrand, après une telle intervention, ne pouvait que jouer sur du velours, en appeler à la protection des "braves gens", en rajoutant dans la politique de sécurité, comme son principal opposant en avait rajouté dans la caricature. Après un tel échange, difficile de retrouver calme et raison. Je vais pourtant essayer.

Quand on choisit, comme c'est mon cas, de reconnaitre que l'insécurité est un problème, ressenti comme tel par beaucoup de nos concitoyens, je pense qu'il convient d'abord de ne pas assombrir le tableau, ni surtout faire des amalgames. La délinquance, au sens juridique du terme, ne peut être que du ressort des forces de l'ordre, pas des citoyens. Mais les incivilités, qui peuvent assez vite glisser dans le vandalisme ou la petite délinquance, peuvent faire l'objet d'une attitude préventive des citoyens, parce que ce n'est pas le rôle direct de la police. Celle-ci ne peut pas non plus être très efficace à l'égard de comportements dont le traitement relève plus de l'éducation que de la répression. Mais comme il faut bien faire quelque chose contre ce qui empoisonne la vie quotidienne, encourager l'intervention des citoyens peut être une bonne chose, à partir du moment où leur formation et encadrement sont assurées en relation avec la police nationale et la police municipale.

J'avoue que les explications de Frédérique Macarez m'ont largement rassuré sur les garanties apportées au dispositif "participation citoyenne". L'adjointe à la Sécurité l'a ramenée à sa juste mesure, une gestion du bon voisinage, des mesures de précaution et de dissuasion toute simples, quasiment de bon sens, qui ne relèvent d'aucune idéologie sécuritaire. C'est en tout cas comme ça que je l'ai senti et compris.

Pour le reste, je suis favorable à la vidéo-surveillance, mais pas à son extension. Je pense qu'il faut renforcer les moyens de la police municipale, mais ne pas procéder à son armement (manifestement, c'est un projet du maire). Augmenter les contraventions sanctionnant les cyclistes qui utilisent les trottoirs ou les maîtres indélicats qui laissent leur chien se soulager sur les trottoirs, oui, pourquoi pas. Sur la pénalisation de l'alcoolisme public et des barbecues sauvages, je suis un peu plus réservé. Il y a un seul point sur lequel je vais plus loin que Xavier Bertrand, ce sont les nuisances provoquées par les quads : je suis favorable à l'interdiction pure et simple de ces véhicules qui n'ont pas leur place en ville.

Si j'avais été conseiller municipal et chef de file des élus socialistes, j'aurais probablement voté en faveur du dispositif "participation citoyenne", mais sous conditions, avec les réserves émises dans ce billet, en demandant garanties et clarifications. Je ne suis ni un bisounours (accusation de Xavier Bertrand), ni un milicien (accusation d'Olivier Tournay). Surtout, je crois que j'aurais fait des propositions pour encadrer et améliorer ce dispositif. Par exemple, les prérogatives qui sont celles du comité d'éthique mis en place pour la vidéo-protection ne pourraient-elles pas être élargies à la "participation citoyenne" ?

J'ai beaucoup d'estime et de sympathie pour Olivier Tournay, je l'ai souvent dit. Il fait son travail d'opposant, met parfois en difficulté Xavier Bertrand. Mais, étant ce que je suis, je ne peux pas adhérer à son type d'opposition, qui est dans le prolongement de l'opposition précédente : une radicalité de gauche qui ne me convient pas. L'idée que je me fais, depuis toujours, de ce que doit être l'opposition, c'est une attitude de critique constructive, positive, qui avance des propositions, même modestes. La crédibilité de la gauche locale est à ce prix. Pour moi, la politique est l'art du compromis, entre sensibilités différentes, souvent très différentes, mais qui travaillent à l'intérêt général. Quand vient le moment des élections, chacun fait ses propositions, c'est projet contre projet, et les citoyens font leur choix. Une opposition n'est tenable et durable que si elle apporte quelque chose, que si elle fait preuve de son utilité, en attendant d'accéder un jour, le plus rapidement possible, aux responsabilités.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pas de place pour les quads en ville...
Quid des chiens, des chats, des chevaux et toutes autres choses pouvant polluer pour certains la nature, pour d'autres les tympans...
Et en allant par là, quid des camions et des voitures, des mobylettes et des motos ?
Et même des bicyclettes, des rollers et des patinettes et trottinettes : c'est dangereux, tout ça.
Et les joggers alors ?
La ville aux piétons marchant à pied...
La ville, ça a toujours été plus bruyant que la campagne !
C'est à la campagne que nuisent le plus les quads pétaradant partout !

Emmanuel Mousset a dit…

Je suis bien d'accord avec vous, mais la société est ce qu'elle est : elle ne supporte plus des comportements qui autrefois ne gênaient pas, passaient inaperçus. Les autorités politiques ne peuvent pas l'ignorer. Ils doivent modérer cette tendance, mettre des limites et un peu de raison dans une forme de conformisme inédit, de normalisation des esprits.