mercredi 3 juin 2015

Marre du burn-out



L'Assemblée nationale n'a pas retenu hier l'amendement Hamon, qui visait à inscrire, dans le texte de loi sur le dialogue social, la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Jean-Christophe Cambadélis a habilement amadoué l'ancien et rapide ministre de l'Education nationale, en lui disant que le burn-out méritait mieux qu'un simple amendement, à revoir ultérieurement. Ah ces ex-lambertistes, ils n'ont pas leur pareil pour régler un problème en trouvant une solution dont même la victime se félicite ! Ce qui a motivé le refus du groupe parlementaire et du gouvernement, c'est bien sûr le financement : faire rembourser par la Sécu le burn-out serait mal venu en cette période, déjà longue, de déficit abyssal. Ceci dit, ce burn-out très à la mode mérite une critique plus serrée :

D'abord, c'est une maladie qui nous vient des Etats-Unis, du moins son concept. Je ne suis pas anti-américain, mais je suis prudent, je m'interroge : la civilisation outre-atlantique n'est pas en reste en matière d'aberrations ; elle a produit son lot d'approximations pseudo-scientifiques. Si l'on veut parler, par burn-out, de surmenage à la suite d'un travail excessif, qu'on le dise, sans causer américain. Si l'on veut désigner une dépression ou une névrose, au sens psychanalytique du terme, là aussi soyons clairs et employons les mots justes. La vérité, tellement gênante que personne n'ose l'évoquer, c'est que le burn-out n'a strictement aucun fondement scientifique, n'est répertorié dans aucune liste sérieuse des pathologies humaines.

Ensuite, le burn-out a quelque chose de moralement indécent. C'est le trouble psychologique de ceux qui ont la chance d'avoir un boulot, dans une France qui a cinq millions de chômeurs, au bas mot. J'aimerais qu'on s'occupe aussi et surtout des souffrances mentales de ces derniers, dont on ne parle jamais. Il y a une forme d'ironie à se focaliser sur les victimes du travail, alors que le problème prioritaire et majoritaire est celui des victimes du chômage. Le burn-out, c'est un malaise très middle class : allez voir un ouvrier, si vous en connaissez, parlez-lui de burn-out, il vous rira au nez.

Enfin, le burn-out est une façon de psychologiser indument les problèmes sociaux, comme si le problème était dans la tête. Autrefois, il y a quelques décennies, on dénonçait avec raison les "cadences infernales", les pressions patronales sur le travail, son organisation excessivement disciplinaire. La solution alors était économique et politique, pas psychologique. Vouloir inscrire le burn-out dans la liste des maladies professionnelles, c'est individualiser la souffrance, la soustraire à toute analyse collective, renoncer à changer l'entreprise en se souciant des soins à la personne. Il est singulier qu'un socialiste qui se croit plus socialiste que la moyenne des socialistes défende une mesure dans l'air du temps, d'inspiration américaine, plus soucieuse des classes moyennes supérieures que des classes populaires, étrangère à toute contestation sociale des structures du travail.

Ma dernière réticence à l'égard du burn-out, c'est qu'il laisse entendre, même si ce n'est pas forcément son idée initiale, qu'il y aurait quelque chose d'anormal dans la fatigue au travail. Pour moi, un vrai boulot est crevant, et la soumission à une hiérarchie, à un rendement, est inévitable. Je crains qu'à la condamnation légitime des excès, on en vienne à celle du travail en lui-même, qui ne peut faire l'économie de l'effort. L'exigence de confort, qui est quand même celui de nos classes moyennes contemporaines, qui ne savent plus grand chose de la dureté du travail d'autrefois, abonde dans le sens du burn-out, finalement un souci petit-bourgeois.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

On ne peut pas rejeter une idee au motif qu elle arrive d un pays etranger. C est choquant, limite xenophobe. Ce n est pas un argument serieux.
Penser que les ouviers sont insensibles a la depression pour surmenage est une erreur, vous oubliez l alcoolisme ou la violence qui est une expression de leur mal etre, sans oublier le suicide ou la folie qui touche toutes les classes sociales.
Il n y a pas une hierarchie des souffrances. Sans emploi, actif, handicapes, retraites, adolescent, divorces.... chacun peu souffrir de sa situation et merite l attention de la societe.
Comme vous le mot burn out me derange mais votre analyse sur la souffrance au travail me stupefait.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Ne soyez pas "choqué" ou "stupéfait" par un simple point de vue un peu iconoclaste, à moins que vous ne souffriez d'hypersensibilité (mais ça n'est pas non plus inscrit dans la liste des maladies professionnelles).

2- Il y a une hiérarchie et un discernement des souffrances, que vous mettez trop facilement dans le même sac, sans distinguer leurs causes et leurs conséquences. Votre chanson est bien connue : tous victimes ! Vous oubliez qu'il y a aussi un exhibitionnisme et un narcissisme de la souffrance.

3- Toutes les souffrances ne méritent pas l'attention et encore moins le financement de la société. Mais vous êtes le pur produit de notre temps, celui des bobos (rien à voir avec les bourgeois-bohême, quoique ...).

Anonyme a dit…

le coeur du probleme dans le burn out, c'est le stress ou plutot l'excés de stress qui provoque un épuisement de l'organisme. Il y a certe une composante psychologique mais c'est surtout une pathologie avec un substrat biologique...

Alstublieft a dit…

Imaginez que vous vous trouvez une magnifique petite maison à St. Trompez (c'est pas moi, c'est le correcteur orthographique :D). C'est super, vous passez plusieurs années de retraite tranquille au soleil. Quand un jour surgit un petit nuage. Qui grossit et grossit encore. Grosse pluie, tempête etc, le rez-de-chaussée de la maison est inondé, et le toit effondré par le plus gros arbre du jardin.
Vous appelez l'assureur. Il rame pensivement à bord de son canoë dans ce qu'il reste de votre salon, puis se tourne vers vous avec un grand sourire, épaté.
-Il y a pas à dire, hein, vous avez sacrément de la chance ! Vous au moins, vous n'êtes pas SDF.

Maison, problème de riches.
Travail, problème de riches.

Très amicalement.

Une employée de service après-vente au Smic qui payera quand même ses impôts pour les 42h supp du mois de décembre réduites en prime.