vendredi 26 juin 2015

Lamentable Europe des nations



Le Conseil européen a donné la nuit dernière un triste spectacle, indigne d'une grande puissance : il a repoussé l'idée de quotas obligatoires qui permettraient de répartir dans tous les pays les migrants qui demandent refuge sur notre continent. L'Europe est en train de vivre une tragédie à ses frontières, et elle se montre incapable de proposer une solution ! Pour l'européen fervent que je suis, c'est une attitude lamentable.

Le pire, c'est l'hypocrisie : les migrants seront accueillis, c'est écrit, mais chaque pays restant libre de faire comme il veut, sans rien de contraignant, c'est comme si rien n'avait été écrit ! Cette façon de procéder est détestable ; elle me rappelle les réunions de parti, où l'on pinaille sur les virgules, où l'on fait dire aux mots n'importe quoi, où l'on se retranche derrière les déclarations d'intention, où les textes sont rédigés afin de faire plaisir à tout le monde, où l'on veille à ne pas froisser les susceptibilités, où l'on discutaille des heures sans déboucher sur quoi que ce soit, où l'on se retrouve au degré zéro de la volonté politique. Voilà notre pathétique Europe !

Si la grande et riche Europe, première puissance commerciale au monde, l'une des plus anciennes et des plus brillantes civilisations dans l'histoire de l'humanité, n'est pas capable d'accueillir 40 000 demandeurs d'asile, sur un territoire de 500 millions d'habitants, c'est qu'elle n'est capable de rien. Matteo Renzi a eu raison de pousser un coup de gueule contre cette Europe-là, incapable de la solidarité la plus élémentaire. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a eu raison aussi de dire que "l'Europe n'est pas à la hauteur des ambitions qu'elle proclame en toute occasion".

A qui la faute ? Comme toujours en politique, ce ne sont pas les hommes qui sont à incriminer, mais les structures. Qui est responsable de cette impuissance ? L'Europe des nations ! Croire qu'on peut se mettre d'accord, unanimement, à 28 pays, c'est impossible, c'est une illusion. L'Europe ne peut pas être une conjonction d'Etats nationaux dont chacun défend ses intérêts particuliers. L'Europe est fédérale, supranationale ou n'est pas. Il faut que chaque pays renonce à des parts de souveraineté : il n'y a pas d'autre solution, ou alors nous sommes dans le mensonge. L'Europe des nations, c'est la fausse Europe, c'est la pseudo-Europe, c'est l'anti-Europe.

Cette déplorable séquence a le mérite de bien poser les responsabilités de chacun, de débusquer les postures européennes sans contenu, de s'interroger sur l'avenir et l'identité de notre Europe. Depuis la calamiteuse victoire du non au Traité constitutionnel européen il y a 10 ans, le chauvinisme est dominant en France. Quelle Europe voulons-nous ? Celle qui se contente de calibrer la taille des tomates ou de réglementer les jeux d'enfants ? Très peu pour moi ... Ou bien l'Europe qui se dote d'institutions fédérales, qui avance progressivement vers un Etat et une Constitution européenne, qui prend des décisions politiques, qui sauve les migrants qui s'adressent à elle ?

Au moins la minable réunion d'hier soir aura-t-elle involontairement exercé une forme de pédagogie : elle montre que tous ceux, nombreux, qui prétendent que la France est dirigée par Bruxelles, que nos lois sont désormais européennes, que ceux-là sont des menteurs et des imposteurs. J'aimerais tellement que l'Europe ait un pouvoir de contrainte ! Hélas, ce n'est pas le cas, les migrants continueront à venir et à mourir, sans qu'aucun pays européen ne soit obligé à rien, sinon à compatir sans jamais agir. Un pouvoir qui n'a pas de dimension contraignante n'est pas un pouvoir.

3 commentaires:

C a dit…

Bonne analyse ! Un pouvoir tire sa puissance des élections. Quels sont les partis qui présentent des candidats à priori dans toutes les circonscriptions que sont de fait les états constituant l'Europe ?
Il me semble en connaître un seul : le parti pirate.
Que font les autres pour devenir européens ?

Emmanuel Mousset a dit…

Tous les grands partis de gouvernement présentent des candidats.

Erwan Blesbois a dit…

Si les Anglais n'avaient pas entravé l'œuvre de Napoléon, l'Europe fédérale et supranationale serait faite depuis longtemps. Il est à noter que Napoléon est le plus grand stratège de l'histoire de l'humanité, mais l'histoire de l'humanité est assez courte. Alexandre et César furent des conquérants et des stratèges, mais Napoléon les surpasse en stratégie pure, il fut le plus révolutionnaire des trois, c'est normal il était l'héritier d'une révolution, donc il a révolutionné l'art de la guerre. Napoléon n'a jamais été battu par aucune armée régulière du temps de son apogée. Ce n'est pas faire preuve de chauvinisme que de dire ça, d'ailleurs Napoléon était à peine français, beaucoup plus héritier d'une idée, la Révolution, que d'un pays, fut-il au passé prestigieux mais alors monarchique, comme la France. Seul le froid en Russie l'a battu et décimé pratiquement l'intégralité de sa grande armée. Comment reconstituer une armée avec des Marie-Louise ? Impossible, Napoléon avait saigné la France en Russie, emporté dans son élan, par sa démesure, que ne s'est-il arrêté plus tôt et géré l'Europe en bon père de famille ! Aujourd'hui on célèbre Waterloo, le génie militaire de Wellington qui a battu Napoléon. C'est une imposture, les Anglais une fois de plus ont récolté tous les lauriers de la victoire comme ils savent si bien le faire. Ce sont les Russes qui ont battu Napoléon, ou plutôt leur hiver. Tout comme ce sont principalement les Russes qui ont battu Hitler. Mais les Anglo-saxons sont plus doués pour se vendre (c'est leur spécialité, le commerce), que les Russes. Les Anglais ont retardé le cours de l'Histoire et on les glorifie pour ça au nom de la "liberté", qui n'est que liberté du libre échange, mais pas de tout le reste : institutions, lois, droit, politique etc ... Aujourd'hui en dignes héritiers des Anglais, les Américains font la même politique : instauration de la "liberté" à l'échelle mondiale, c'est-à-dire du libre échange à l'échelle mondiale, qui contribue au super enrichissement de quelques uns au détriment de tous les autres. Certains s'en sortent : les Européens, pas mal de pays d'Asie et d' Amérique du sud ; mais avec des inégalités criantes entre riches et pauvres au sein même de ces pays développés ou en voie de développement. L'Afrique et le Moyen-Orient sont à la traîne, et s'embourbent dans beaucoup de cas, dans le chaos et la barbarie.